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Harcèlement : les jeunes du conseil départemental du Tarn proposent un serious game à tous les établissements de l'académie de Toulouse

Paru dans Scolaire le jeudi 08 décembre 2016.

"Nous trouvons que le harcèlement est trop souvent présent au collège et ceci entraîne chez nous un sentiment de révolte. Nous avons envie de changer les choses. Nous avons tous vu un enfant se faire harceler au collège et nous souhaitons agir sur ce problème." C'est sur cette déclaration que s'ouvre "#arcel'g@me" (ici), un jeu sérieux imaginé pour prévenir, sensibiliser et lutter contre le harcèlement scolaire par 8 collégiens de 5e, élus du CDJ (conseil départemental jeunes) du Tarn entre l'automne 2014 et cette fin d'année 2016.

Quatre personnages et plus de 40 scénarios possibles : dans ce jeu interactif accessible depuis un ordinateur, un smartphone ou une tablette, chacun peut jouer une ou plusieurs siuations de harcèlement, en entrant, sans le savoir au départ, dans la peau de la victime, de l'agresseur ou du témoin. Objectifs : en comprendre les mécanismes et, surtout, apprendre à y mettre fin.

Testé par deux classes de 6e

Le jeu a été présenté depuis la rentrée à plusieurs occasions : lors de la réunion de rentrée du président du conseil départemental, devant tous les élus réunis en assemblée plénière le 10 novembre, également dans le cadre de la journée "Partageons le sport" organisée à Lautrec le 6 octobre dernier par une autre commission du CDJ et où étaient présents quelque 400 collégiens, puis au DASEN (directeur académique des services de l’Éducation nationale), ainsi que le 3 novembre à l'occasion de la deuxième Journée nationale de lutte contre le harcèlement à l'école. Donné à tester à cette occasion à deux classes de 6e du collège André Abbal de Carbonne, il a également suscité l'intérêt de la rectrice Hélène Bernard qui a annoncé qu'il serait proposé à tous les établissements de l'académie de Toulouse, afin de sensibiliser un maximum d'élèves sur ce sujet.

Pour mener à bien ce projet, les 8 jeunes élus (de l'une des 5 commissions dans lesquelles se répartissaient les 42 élus du CDJ), ont été accompagnés par des agents bénévoles du conseil départemental, à raison d'une fois par mois, sur des séances de 6 heures. "Réunis d'abord autour de la notion de respect, les collégiens ont convergé vers le harcèlement dès la deuxième séance", raconte l'un des deux agents, Sandrine Carme. Une convergence due "à leur vécu", complète le second agent, Emmanuel Vrignon. "À la question 'quand vous trouvez-vous dans des situations de non respect ?', les exemples trouvés étaient le harcèlement à l’École", précise-t-il, alors que les agents visaient de leur côté "davantage les notions de différences, de violence ou encore de laïcité".

Une psychologue pour comprendre les mécanismes du harcèlement et la façon d'y mettre fin

Une psychologue est également intervenue, dès la définition de la thématique, en septembre 2015, afin "surtout de donner des éclairages sur ce qu'est le harcèlement", poursuit Sandrine Carme. "Il leur manquait des apports théoriques pour comprendre les mécanismes et surtout comment le prévenir et le traiter", raconte Véronique Bosc, psychologue et formatrice à la Maison des ados du Tarn, "Réseau Ados 81". "Je leur ai surtout présenté les différents acteurs. Pour eux, il y avait surtout une victime et un bourreau. Or, il s'agit d'un phénomène de groupe car il y a aussi des témoins, passifs ou actifs, et des adultes auxquels on doit se référer lorsque la situation est repérée, afin de la faire cesser. Une fois qu'ils ont pris conscience qu'il s'agissait d'un phénomène de groupe, ils ont compris aussi qu'ils pouvaient tous être impliqués et avoir aussi à moment donné une place différente dans ces situations." La psychologue a également accompagné les jeunes dans la validation des scénarios, dès novembre 2015.

Cette intervention a permis de mettre le doigt sur d'autres dimensions importantes. Parmi elles, le fait que cela "peut laisser des traces profondes, pouvant aller jusqu'au traumatisme, voire la tentative de suicide", précise Véronique Bosc. "Et que les conséquences touchent aussi le harceleur et peuvent prendre la forme de dépressions, troubles addictifs, marginalisation..." Autre prise de conscience importante : il y a toujours une façon d'agir. D'où le choix de messages de conclusion "positifs", quel que soit le scénario joué : 1- l'issue donne un état des lieux des conséquences et montre aussi que l'estime de soi de la victime influe sur les autres ; 2- une solution est donnée à chaque situation. Le serious game mène ainsi les joueurs sur trois étapes : repérer, agir et traiter. Et traiter, "c'est aussi traiter l'agresseur, et ne pas se contenter de le sanctionner puisque l'agresseur est souvent aussi en situation de vulnérabilité et en souffrance presque autant que la victime. Il y a donc aussi un accompagnement à lui proposer", explique encore la psychologue.

Des ressources complémentaires

Le serious game a déjà fait l'objet d'un sondage auprès des 40 élèves des deux classes de 6e qui ont été sollicitées pour l'utiliser lors de la Journée de lutte contre le harcèlement scolaire. Ce premier sondage indique que tous l'ont trouvé "adapté à leur âge" (79 % "oui" et 21 % "plutôt oui") ; 71 % considèrent qu'il leur donne "envie de lutter contre le harcèlement" (et 27 % "plutôt oui") et 62 % qu'il fournit des outils, des idées pour réagir à une situation de harcèlement (et 30 % "plutôt oui"). La psychologue juge de son côté le support pédagogique interactif "très innovant", à double titre : parce qu'il "n'en existe pas beaucoup alors qu'il y a beaucoup de vidéos", mais aussi parce que celui-ci "a été fait par des jeunes pour des jeunes".

Le site internet propose par ailleurs un accès à une vingtaine de ressources sélectionnées par les jeunes : des témoignages, dont un collecté par l'une des collégiennes élue, et des liens vers des sites internet d'aide aux victimes et vers trois autres serious games.

Bientôt un kit en ligne pour organiser une séance avec le serious game

Le projet a été monté avec un budget d'environ 4 000 euros, intégrant l'intervention de la psychologue et la réalisation des illustrations graphiques confiée à une agence de communication extérieure. La réalisation technique a été de son côté confiée à un étudiant de l'IUT de Castres "Métiers du multimédia et de l'Internet", dans le cadre de son stage de fin d'études, de mars à juin 2016.

Selon les animateurs, le jeu fait déjà l'objet de nombreuses sollicitations, notamment d'associations qui œuvrent contre la violence et sur la thématique de la citoyenneté. Un kit de présentation du jeu et proposant une méthodologie pour organiser une séance doit être prochainement mis en ligne sur le site "#arcel'g@me".

Selon Véronique Bosc, environ 12 % des jeunes connaissent une situation de harcèlement en établissement scolaire. Un chiffre néanmoins "à prendre avec des pincettes puisque beaucoup de jeunes ne parlent pas". Le taux serait, selon elle, beaucoup plus élevé en fin de primaire et au collège, "là où le jeune est le plus vulnérable".

Camille Pons

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