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ProFan : Jean-Marc Monteil détaille les enjeux, modalités et calendrier de l'expérimentation

Paru dans Scolaire, Orientation le jeudi 24 novembre 2016.

C'est par une phase "pré-expérimentale de 6 mois", qui s'étalera de janvier à mai-juin 2017 et concernera d'abord un nombre restreint d'établissements que s'ouvrira l'expérimentation ProFan, inscrite dans le cadre général de l'action "Innovation numérique pour l'excellence éducative" du PIA (Programme d'investissements d'avenir). Cette phase permettra, dès le 1er janvier 2017, de tester l'introduction de quelques nouveaux dispositifs d'apprentissage, afin de construire l'expérimentation qui démarrera de son côté sur l'ensemble des établissements retenus dans le cadre de l'appel à projets, soit 80 lycées professionnels, à la rentrée 2017.

Telle est l'une des précisions apportée par Jean-Marc Monteil, chargé de mission national pour le numérique, à l'occasion de la réunion de lancement du projet ProFan dans les académies de Montpellier et de Toulouse, organisée ce mercredi 23 novembre 2016 au collège Pierre de Fermat à Toulouse. Outre présenter le calendrier, celui-ci a précisé quelles seraient les modalités de mise en œuvre, d'accompagnement et de suivi, les fonds dont bénéficieraient les établissements et rappelé les principaux enjeux de cette expérimentation.

Objectif : développer de nouvelles compétences sociales

En introduction, Jean-Marc Monteil a rappelé que ProFan vise à expérimenter, sur 3 ans, de nouvelles méthodes d'apprentissage (ici), afin de pouvoir répondre aux besoins en termes de nouvelles compétences attendues par le monde économique, profondément modifié par le numérique. Celui-ci, précise le chargé de mission, est "actuellement dans une phase destructrice d'emplois, de part l'autonomisation d'un certain nombre de tâches, mais en même temps il modifie et va créer de nouveaux métiers. Si l'on ne sait pas quelle sera la nature de ces nouveaux emplois, en revanche on commence à savoir quelles sont les compétences qui seront attendues, car le numérique génère de nouvelles façons d'être et de se comporter."

Ces compétences dites "sociales" sont notamment de trois ordres : capacité d'initiative et à coordonner "pour gérer des dispositifs qui gèrent eux-mêmes des informations quasiment automatiquement distribuées", capacité d'expression créative, et capacité d'interactions avec les autres, interactions qui seront "définies par le problème posé et non plus le statut d'autrui [hiérarchie]". Si, souligne encore le chargé de mission, "aujourd'hui on peut trouver en filigrane dans les compétences attendues en formation ce genre de choses, il n'existe pas de définition des modalités précises pour les faire acquérir". Ce qui a "conduit à penser le dispositif ProFan", et à choisir les lycées professionnels pour commencer : "ce sont ceux, et probablement les seuls à avoir une pédagogie de projet qui fait appel à des interactions entre les uns et les autres, univers susceptible de solliciter inconsciemment ces compétences."

Comparaisons entre expérimentateurs mais aussi avec des non expérimentateurs

La phase de travail pré-expérimental portera sur des élèves de première dans un nombre restreint d'établissements avant de concerner l'ensemble de ce niveau pour les 3 sections ciblées par l'expérimentation (sanitaire et social, commerce, sciences et techniques) dans les 80 établissements retenus, dès septembre 2017. L'année d'après, elle s'étendra aux terminales.

L'expérimentation prévoit une comparaison entre les établissements expérimentateurs et un même nombre d'établissements "témoins", soit 80 lycées qui continueront de leur côté "à travailler exactement de la même manière qu'hier". Le premier panel sera par ailleurs divisé en deux groupes : "la moitié d'entre eux fera des expérimentations X, l'autre moitié des expérimentations X+1 ou X-1, c'est-à-dire que l'on va introduire des dispositifs avec des variantes dans 40 d'entre eux", précise Jean-Marc Monteil.

Des séquences additionnelles choisies en s'appuyant sur des travaux de recherche

Concernant les 80 expérimentateurs, il ne s'agit ni de changer les programmes, donc les contenus, ni les évaluations, précise encore le chargé de mission. Pas question non plus de "faire un jeu de rôles pour simuler le monde de l'entreprise. On reste dans des apprentissages habituels mais on introduit des modalités différentes à un moment donné et sous un mode contrôlé." Il s'agira d'introduire "des petites tâches additionnelles, par exemple sur les 5 dernières minutes d'un cours pour une résolution de problème, tâches indépendantes des contenus et dont on sait par la littérature scientifique qu'elles ont la capacité à mobiliser les compétences attendues", explicite Jean-Marc Monteil.

Ces séquences additionnelles feront l'objet d'un travail préparatoire avec les équipes. Un travail "collaboratif", sur la base de propositions faites par la mission, mais le choix sera laissé aux enseignants de les introduire dans telle ou telle séance, selon leur appréciation.

10 chercheurs, dont 2 Suisses, "de stature internationale" et spécialisés sur ces questions, ont été recrutés pour accompagner, sur les 3 ans que durera l'expérimentation, les enseignants dans la mise en œuvre et le suivi des dispositifs. ProFan prévoit aussi de mobiliser des doctorants sur ce travail. "Il faut que ce soit indiscutable scientifiquement", poursuit l'ancien recteur. D'où l'accompagnement scientifique et le nombre important d'établissements retenus pour mesurer les effets ou non de nouvelles méthodes et pratiques pour développer ces nouvelles compétences.

Des exemples de modalités nouvelles à expérimenter

Parmi les modalités importantes à introduire figurent des "modalités collaboratives ou coopératives" et qui doivent "s'appuyer sur de l'interdépendance positive". Chaque élève, explicite encore le chargé de mission, devra disposer d'informations différentes, sachant que chaque information sera indispensable pour résoudre le problème. "Pas de contributeur faible", poursuit-il, "car demain, ils seront dans un univers professionnel où personne ne maîtrisera toutes les informations. Si on n'a pas appris à gérer une information fragmentée, on est en situation d'infériorité." 

Car au-delà des compétences à acquérir, une autre dimension est importante, selon Jean-Marc Monteil : "les conditions dans lesquelles on les apprend". Sur cette dimension, les enseignants pourront aussi s'appuyer sur des enseignements tirés de la recherche, comme la différence d'implication observée chez les personnes impliquées dans un travail collaboratif selon leur degré de compétence et la difficulté de la tâche. Les enseignants pourront ainsi, lorsqu'il s'agira de travailler sur "des interactions entre les individus", pour constituer des groupes et organiser le travail collectif, tenir compte par exemple du fait que lorsque des gens considérés comme "plus compétents" travaillent avec des "moins compétents", "ils ne contribuent pas à la tâche". Inversement, "leur engagement est très fort quand la tâche est difficile car ils y voient l'occasion de se valoriser".

Enfin, parmi les exemples de modalités à promouvoir, Jean-Marc Monteil évoque aussi l'idée de développer des dispositifs multi-niveaux, car, dans la vie professionnelle, "on peut partager, à tous niveaux de compétences techniques, des compétences transversales, comme un bac pro avec un ingénieur". Pour lui, ce qui est intéressant dans le multi-niveaux, "c'est qu'il génère une efficacité plus importante chez ceux qui sont en situation inférieure d'apprentissage, car il valorise ces derniers".

Enfin, Jean-Marc Monteil précise qu'il ne s'agit pas de tester des usages numériques ou de nouveaux logiciels mais bien de "nouvelles façons d'apprendre" pour rentrer "dans le monde numérique de demain" : c'est-à-dire pour "acquérir des compétences de comportement" qui seront utiles "dans une société et une économie influencées par le numérique".

Des mesures avant, pendant et après

L'ensemble des dispositifs fera l'objet de relevés de mesures régulièrement, auprès des élèves, et "sur la base d'indicateurs jugés pertinents" : des mesures "pré-test", pendant et après. Les mesures concerneront également les "témoins" dans les mêmes sections. Il n'est d'ailleurs pas inenvisageable, selon le chargé de mission, d'imaginer que l'on puisse mesurer des effets positifs pour ces compétences dans les établissements qui continueront de pratiquer les enseignements d'hier, tout simplement parce que jusque là, aucune mesure les concernant n'ont été prises.

Jean-Marc Monteil note par ailleurs la "dimension implicite de formation" concernant les enseignants via le suivi qui sera opéré par les chercheurs "qui nourriront le questionnement de ces derniers". Ceux-ci, indique-t-il, "auront une forme d'expertise utile pour une éventuelle dissémination".

Le chargé de mission a également précisé que sur l'enveloppe de 15 millions affectés aux dispositifs, 10 sont fléchés pour les établissements expérimentateurs et 1 million pour la régulation du dispositif.

L'académie de Toulouse compte 3 lycées expérimentateurs et 4 témoins et l'académie de Montpellier 3 établissements expérimentateurs et autant de témoins. Une cinquantaine de personnes des deux académies, des inspecteurs référents académiques, des chefs d'établissements, des directeurs délégués aux formations professionnelles et technologiques et des enseignants étaient présents lors de cette demi-journée d'information.

Camille Pons

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