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Educatec - Educatice : échos de la conférence de consensus sur le numérique éducatif 

Paru dans Scolaire, Orientation le samedi 19 novembre 2016.

"Les solutions doivent évoluer au travers d'interactions terrain. Il faut des dispositifs de recherche qui prennent place dans les différentes activités, avec tous les acteurs." Telle est l'une des recommandations faites à l'occasion de la conférence de consensus consacrée au numérique et organisée jeudi 17 novembre 2016 dans le cadre du salon Éducatec-Éducatice, qui s'est tenu à Paris du 16 au 18 novembre 2017. Le processus a été initié par la Ligue de l'enseignement au mois de mai dernier avec une double démarche : constituer "un collège de chercheurs" en charge d'établir un état des lieux des recherches dans ce domaine, afin de "contribuer à nourrir la réflexion sociale, et introduire le débat-citoyen sur les "questions qui font tension". Voici des échos de cette rencontre entre chercheurs, représentants d'institutions, associatifs, du milieu privé et de la société civile.

RECHERCHES-ACTIONS. Des recherches qui prennent place au sein des différentes activités et menées avec tous les acteurs, telle a donc été la principale recommandation faite par le collège des chercheurs. "Il est illusoire de penser un dispositif uniquement d'un point de vue technologique. Il faut une approche systémique pour qu'en situation, il y ait un effet", avance Jean-Marie Burkhardt, directeur de recherche à l’IFSTTAR (Institut français des sciences et technologies des transports, de l'aménagement et des réseaux). "Les solutions doivent donc évoluer au travers d'interactions terrain", alors qu'aujourd'hui la recherche terrain est peu développée. De multitudes de points de vue, incluant ceux des industriels, doivent y être "représentés", estime le chercheur qui observe néanmoins que "va se poser la question de l'articulation de ces points de vue". Le rapprochement doit être à la fois géographique et institutionnel.

CHARTE. Claudio Cimelli (Direction du numérique pour l'éducation, ministère de l'éducation nationale de l'enseignement supérieur et de la recherche), relève néanmoins que la communauté scientifique, en France, contrairement à d'autres pays, se heurte à un problème d'accès aux données. Un frein, selon lui, à "tout le travail d'analyse et au lien qui doit être fait entre les usages et les impacts". Il évoque le travail actuellement mené avec la fédération Syntec, le syndicat national des éditeurs ainsi que la CNIL autour d'une charte de confiance qui définira une "éthique" et encadrera la sécurité concernant l'utilisation des données et le développement des ressources : celle-ci devra tenir compte de la loi informatique et libertés, du code de l'éducation, du code des marchés publics. Thérèse Laferrière (Centre de recherche et d'intervention sur la réussite scolaire, université de Laval), évoque même l'idée, au-delà d'un code éthique pour encadrer le contrôle des données, d'une certification.

ÉVALUATION. Comment faire coexister différentes formes d'évaluation, notamment face au développement des apprentissages collaboratifs mais aussi face à la transformation des échanges entre enseignants et élèves, dont les échanges "horizontaux" deviennent "aussi importants" que les échanges verticaux, comme le souligne Anne-Marie Chartier, chercheure en sciences de l'éducation au service d'histoire de l'éducation de l'INRP ? Face à ces "deux situations qui rentrent en conflit", doit-on, interroge-t-elle, aller vers un "renforcement des compétences strictement évaluables", dans le sens des études PISA, ou au contraire introduire une évaluation de la créativité suscitée par l'usage de ces outils numériques ? Pour Anne-Marie Chartier, introduire cette forme d'évaluation apparentée à celle "du périscolaire - plaît, s'investit, produit... - pose problème". Celle-ci note que la mise en œuvre de ces nouvelles formes d'évaluation nécessitera "plus de temps, tout comme le développement du travail à deux".

ÉQUITÉ. Anne-Marie Chartier relève également que "les élèves tirent des profits très inégaux" des usages du numérique. Le numérique peut même générer "dans un premier temps des écarts accrus", observe-t-elle. "La relation aux outils numériques n'est pas si transparente. N'est-on pas en train d'accroître les inégalités ?", s'interroge-t-elle. Comme Muy Cheng Peich, responsable du pôle éducation à Bibliothèques sans frontières), qui évoque une "fracture numérique" notamment au niveau de "l'appropriation des outils", ainsi qu'Erwan le Quentrec (département de sociologie et d’économie des usages d’Orange Labs), s'accordent sur la nécessité d'une initiation à l'outil et aux ressources par l'École. "Aucun intérêt à distribuer des tablettes sans formation des élèves et des enseignants, il faut une réponse intégrée", estime Muy Cheng Peick. Pour autant, Erwan le Quentrec fait remarquer qu' "infrastructures et solutions dans certains contextes peuvent corriger des inégalités, notamment sur le genre". Une expérience menée dans un pays du sud, qui a consisté à doter des élèves en zones semi-urbaines d'équipements avec solutions solaires et à des "prix soutenables", a montré que les usages les plus développés concernaient au final les filles les moins dotées au départ.

PUBLIC/PRIVÉ. Jean-François Cerisier, professeur de sciences de l'information et de la communication (université de Poitiers) estime indispensable de développer les rapports publics-privés, au regard des ressources qu'il ne juge pas "satisfaisantes". Pour lui, il est nécessaire de partager les connaissances et de travailler ensemble, à la fois de façon intercatégorielle, mais aussi de façon interdisciplinaire et en alliant le terrain et la recherche. Pour y arriver, celui-ci suggère de mener différents travaux en y associant tous les acteurs : "sur les processus d'appropriation, qui aideront à comprendre et à concevoir des solutions", "sur la nature même des ressources utiles et qui ont un impact", sur la "médiation instrumentale : comment se joue par exemple la médiation en réalité augmentée ?", ainsi que "sur la dimension économique de ces questions".

ALGORITHME. Pour contourner la peur de l'algorithme, "la peur du noir", comme la qualifie Vanda Luengo (Paris VI Pierre-et-Marie-Curie), Milad Doueihi, titulaire de la chaire des humanités numériques à Paris V-Sorbonne, suggère d'intégrer "une véritable histoire de l'informatique, depuis les années 40, car elle a toujours été associée à des réflexions d'ordres littéraire, philosophique, économique". Cet enseignement devrait permettre de comprendre, selon lui, "comment la notion de citoyen a été transformée par ce développement".

SMARTPHONE. Smartphone ou pas smartphone ? La question de l'usage des outils numériques personnels dans l'enseignement a été soulevée à plusieurs reprises. Mais si l'usage du smartphone en cours semble faire consensus, les intervenants ont rappelé qu'il existe aujourd'hui toujours un frein à son usage, puisque un texte interdit l'utilisation du téléphone durant les heures de cours au collège (article L511-5 du code de l’éducation).

Camille Pons

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