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Un rapport inquiétant sur le moral des inspecteurs (IEN et IA-IPR) (G. Fotinos et J. M. Horenstein)

Paru dans Scolaire le vendredi 18 novembre 2016.

Le "burn out" des inspecteurs constitue "une menace potentielle pour le succès de la refondation de l'Ecole de la République". C'est l'une des conclusions de l'étude que viennent de publier Georges Fotinos et José Mario Horenstein au vu des réponses à leur questionnaire de quelque 600 IEN (inspecteurs, pour l'essentiel, du 1er degré), soit près de 30 % du corps, et 220 IA-IPR (inspecteurs du second degré). Les premiers se sont montrés davantage confiants, mais leurs réponses témoignent de leur mal-être.

Les inspecteurs des deux niveaux d'enseignement considèrent, à 40 % environ, que leurs relations avec leur hiérarchie se sont dégradées, à plus de 90 % que leur charge de travail est trop lourde, notamment du fait des tâches administratives et des courriels, à 75 % que leurs conditions de travail se sont dégradées même s'ils sont nombreux à être satisfaits de travailler en équipe, ils sont près d'un sur deux à estimer que leur travail n'est pas reconnu, trois sur quatre à n'être pas satisfaits de leurs possibilités d'évolution professionnelle, deux sur trois qualifient leur moral de "moyen" ou "mauvais". En revanche, les IEN sont plus nombreux (8 sur dix contre deux sur trois) à considérer que "les décisions sont prises d'en haut, qu'il y a "trop de changements et de réorganisations dans le système éducatif", mais un peu moins nombreux (63 % contre 77 %) à travailler plus de 50 heures par semaine. Ils sont presque aussi nombreux, (9% et 12 %) à être en état de "burn out clinique".

L'administration "se voile la face"

Pour Georges Fotinos, l'administration est au courant, mais préfère "se voiler la face" et leur confier le minimum de tâches nécessaires pour maintenir une illusion de normalité. L'étude, la première du genre au niveau mondial semble-t-il, a été lancée avec l'appui de la Casden, après qu'il eut rencontré, tout comme José Mario Horenstein, de nombreux inspecteurs "en souffrance", la mise en oeuvre de la réforme des rythmes scolaires ayant contribué à augmenter leur mal-être, tandis qu'ils se sont sentis "coincés" par celle de la liaison CM2-6ème. L'ancien inspecteur préconise de ne pas oublier que ce sont "les gratifications psychologiques" au moins autant que les gratifications matérielles qui constituent le premier moteur des individus, et de se fonder notamment sur les questions ouvertes de l'étude pour répondre à leurs préoccupations.

Premier constat, le terme "pédagogie", qui apparaît dans les réponses des IA-IPR est absent de celles des IEN, et il faut leur permettre de le réintroduire au premier rang de leurs préoccupations, par exemple en confiant les questions de gestion administrative à un pôle inter-circonscriptions qui pourrait d'ailleurs être confié à un fonctionnaire territorial. Leur formation continue doit aussi comprendre la gestion des conflits, qui occupe une grande partie de leur temps. Il préconise aussi de faire la même enquête aux niveaux académiques, voire départemental, pour disposer d'indicateurs sur le moral de ces personnels et cibler les actions de prévention.

S'appuyer sur un réseau de médecins

José Mario Horenstein met en garde, l'épuisement professionnel conduit au burn out, mais aussi à la somatisation. Comme les médecins, les inspecteurs peinent à reconnaître leurs difficultés, à en parler à leurs collègues ou à leur hiérarchie, craignent d'être repérés. Un réseau a été mis en place pour leur venir en aide aux médecins en respectant leur anonymat. Pourquoi l'Education nationale ne passerait-elle pas une convention avec le Conseil de l'ordre des médecins pour qu'IEN et IA-IPR puissent en bénéficier ?

Damien Durand, s'exprimant au nom de la Conférence des inspecteurs d'académie ("CN DASEN et adjoints") raconte qu'il s'est efforcé de remplir toutes les tâches qui lui incombaient. Au bout de 4 jours et 4 nuit, il a mis fin à l'expérience et recommande à tous ses collègues "d'accepter l'échec", de s'imposer "une hygiène" de vie, de cesser le travail quand c'est l'heure même si on n'a pas répondu à toutes les commandes... Et il s'interroge : fallait-il exposer l'inspection à la mise en oeuvre d'une réforme des rythmes scolaires "indispensable certes, mais qui n'était pas de bonne qualité".

L'inspection, l'oubliée de la refondation

Quant à Patrick Roumagnac, secrétaire général du syndicat UNSA des inspecteurs, il considère que les organisations syndicales pressentent parfois cette fatigue physique, mais les collègues ajoutent toujours "bon, enfin... je m'en sors". Ils ont "mouillé leur chemise" pour la réforme du collège, "tout le monde a joué le jeu", mais la refondation a oublié l'inspection. Il serait temps de "passer à une vraie relation professionnelle entre inspecteurs et enseignants", ajoute-t-il et il annonce que le SIEN "s'appuiera sur ce texte", cette étude qui dit "des choses brutales", trop souvent tues. Les inspecteurs jouent un rôle de pilotage du système éducatif. Qui monterait dans l'avion dont le pilote est "dépressif et harassé" ?

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