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Avant PISA : comment l'Ontario vise l'excellence, l'équité et le bien-être (exclusif)

Paru dans Scolaire le jeudi 17 novembre 2016.

Alors que l'édition 2015 du PISA mettra une fois encore en évidence le caractère inégalitaire du système scolaire français, ToutEduc s'est demandé pourquoi le système canadien comptait parmi les meilleurs du monde (le meilleur hors extrême orient) et s'est tourné vers l'Ontario, l'une des provinces qui a les meilleurs résultats et où les deux tiers des 25-64 ans a un diplôme du supérieur. Nous voulions connaître les raisons de cette réussite. Le porte parole du ministère de l'Education a répondu, longuement et par écrit à nos questions : dialogue permanent avec l'ensemble des parties prenantes, politique d'inclusion des minorités (les "communautés racialisées" représentent un quart de la population), utlisation des "technologies du 21ème siècle", cohérence des politiques "de la naissance à l'âge adulte"...

Pour la ministre de l'éducation, "la réussite du système d’éducation ontarien est le fruit de nos partenariats avec les éducatrices et les éducateurs. Nos réalisations et nos innovations communes aboutissent à des résultats remarquables au bénéfice des élèves. Il est essentiel que les éducatrices et éducateurs, les élèves et les intervenants de l’ensemble du système aient une place dans les discussions portant sur l’avenir de l’éducation en Ontario. De même qu’il faut tout un village pour élever un enfant, il faut toute une collaboration et toute une diversité d’idées pour renforcer le système d’éducation que nous léguerons à la prochaine génération de dirigeants."

ToutEduc : Y a-t-il une caractéristique de votre système qui vous semble jouer un rôle déterminant ?

Heather Irwin : L’Ontario est internationalement reconnu comme une terre d’équité, de grandes réalisations et d’amélioration permanente. La province a réalisé des investissements considérables pour soutenir les plus jeunes apprenantes et apprenants. Un des objectifs de notre système d’éducation est de moderniser et d’intégrer les services de garde d’enfants, afin de faire de notre système un véritable réseau interconnecté de la naissance à l’âge adulte.

Notre "vision renouvelée" de l’éducation, "Atteindre l’excellence" (ici), publiée en 2014, met l’accent sur les résultats que la population ontarienne considère comme essentiels pour les enfants et les élèves. Nos quatre objectifs sont les suivants : atteindre l’excellence, assurer l’équité, promouvoir le bien-être et rehausser la confiance du public.

Nous avons accompli des progrès notables depuis la publication de notre "vision renouvelée". Notre travail sera dorénavant centré sur les compétences mondiales et sur l’innovation (y compris l’apprentissage par l’expérience) afin de veiller à ce que nos jeunes disposent des connaissances, des compétences et des attributs qui leur permettront de devenir non seulement des personnes accomplies et économiquement productives, mais aussi des citoyennes et citoyens engagés.

Dans le domaine de l’éducation, l’Ontario jouit d’une réputation de chef de file. De nombreux pays et provinces, chercheurs et éducateurs souhaitent tirer des enseignements de son approche dans le but d’entreprendre des améliorations de grande envergure dans leur système d’éducation. Nous aussi, nous sommes toujours attentifs et ouverts aux leçons que nous pouvons tirer de l’expérience des autres en matière d’innovations fondées sur des recherches et sur des données probantes, qui ont des effets positifs sur l’engagement, l’apprentissage, le rendement et la réussite des élèves.

Durant l’année qui commence, nous mettrons l’accent sur la mise en œuvre de la vision dans cinq domaines clés :

- Atteindre l’excellence grâce à notre "Stratégie renouvelée pour l’enseignement et l’apprentissage des mathématiques" afin que davantage d’élèves soient exposés à la science, la technologie, l’ingénierie, les mathématiques et la programmation.

- Assurer l’équité, objectif intégré de façon explicite à tous nos travaux, y compris ceux visant les apprenantes et apprenants autochtones, les enfants et les jeunes pris en charge, les apprenantes et apprenants ayant des besoins particuliers, les enfants et les élèves vivant dans la pauvreté, et d’autres groupes sous-représentés.

- Promouvoir le bien-être des élèves afin de s’appuyer sur des bases solides et de favoriser davantage des écoles sécuritaires, saines, équitables et inclusives.

- Rehausser la confiance du public en faisant en sorte que les administratrices et administrateurs, les éducatrices et éducateurs et les employés hautement qualifiés apprennent et enseignent à l’aide des technologies et pédagogies du 21e siècle, par le biais d’un accès équitable et abordable à des services Internet haute vitesse à large bande.

- Former en Ontario une main-d’œuvre hautement qualifiée et adaptée à l’économie moderne, en collaborant avec la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Formation professionnelle afin d’appuyer la mise en œuvre des recommandations du "Comité d’experts pour le développement d’une main-d’œuvre hautement qualifiée".

Nous sommes déterminés à poursuivre et à renforcer notre excellent travail, en vue de continuer d’améliorer le rendement et le bien-être de tous les apprenants et de toutes les apprenantes de l’Ontario.

ToutEduc : Quels sont la spécificité et le caractère singulier du système d’éducation de l’Ontario par rapport au reste du Canada?

Heather Irwin : L’Ontario est reconnu par ses partenaires en éducation et par ses partenaires communautaires, aux échelons local, national et international, pour ses efforts en vue de créer et de maintenir un système d’éducation équitable et inclusif.

Selon un rapport publié par le CMEC (le Conseil des ministres de l'Éducation du Canada, ndlr) en 2015, l’Ontario compte la plus grande proportion d’immigrants de première et de deuxième générations, loin devant les autres provinces et territoires. De plus, d’ici 2031, les communautés racialisées de l’Ontario passeront de 23 % à 39 % de la population (Statistique Canada, 2010). Les jeunes des Premières Nations constituent le groupe qui connaît la croissance la plus rapide dans la province (Chiefs of Ontario).

La Stratégie d’équité et d’éducation inclusive de l’Ontario vise à aider le secteur de l’éducation à cerner et à éliminer les préjugés discriminatoires et les obstacles systémiques afin d’améliorer le rendement et le bien-être des élèves. L’un des points principaux de la Stratégie consiste à aider les conseils scolaires et les écoles à intégrer les principes d’équité et d’éducation inclusive dans toutes les opérations et tous les milieux d’apprentissage, c’est-à-dire non seulement dans les processus de planification, les politiques et les pratiques des écoles et des conseils scolaires, mais aussi dans les activités parascolaires, les pratiques disciplinaires, les occasions d’engagement et de participation des élèves, des parents et de la collectivité, ainsi que dans les pratiques d’apprentissage professionnel, d’embauche et de planification de la relève.

Les écoles de l’Ontario sont administrées par des conseils scolaires de district et des administrations scolaires. L’Ontario compte 72 conseils scolaires financés par les fonds publics, dont 31 conseils publics de langue anglaise, 29 conseils catholiques de langue anglaise, 4 conseils publics de langue française et 8 conseils catholiques de langue française.

En Ontario, 24,5 % des élèves ont une langue maternelle autre que l’anglais et 3,4 % ont le français comme langue maternelle. L’Ontario reconnaît que le fait de parler plus d’une langue est un atout considérable pour les élèves et s’engage, à ce titre, à assurer un enseignement en français et en anglais. Le français étant l’une des deux langues officielles du Canada, les élèves qui fréquentent les écoles de langue anglaise financées par les fonds publics doivent étudier le français langue seconde (FLS) de la 4e à la 8e année (du CM1 à la 4ème, ndlr) et obtenir au moins un crédit en FLS à l’école secondaire, pour satisfaire aux conditions d’obtention du diplôme d’études secondaires de l’Ontario.

ToutEduc : Votre système est très performant pour les enfants de 15 ans. Mais dans quelle stratégie globale s'inscrit-il, notamment en termes d'accès à l'enseignement supérieur ?

Heather Irwin : Une vision renouvelée de l'éducation en Ontario constitue notre feuille de route en matière de mise en œuvre et notre priorité première. Nous veillerons ainsi à ce que les jeunes disposent du talent et des compétences dont ils ont besoin et à ce qu’ils soient prêts à assumer un rôle de chef de file dans l’économie mondiale.

Les employeurs nous ont dit qu’ils cherchent des diplômés dotés de compétences de niveau élevé comme la pensée critique, la collaboration, la communication, la créativité, l’entrepreneuriat et la littératie financière et la capacité de participer à la vie de leur collectivité grâce à une action citoyenne active et un engagement civique.

Pour favoriser la réussite des élèves, l’Ontario continue de renouveler son curriculum afin de préparer les élèves d’aujourd’hui au monde moderne interconnecté, axé sur la technologie. Il continue de leur offrir un soutien afin qu’ils disposent de la meilleure information possible leur permettant de prendre des décisions éclairées sur leur apprentissage et leur avenir.

Nous investissons 150 millions de dollars pour transformer l’éducation par le biais de la technologie de pointe. Cet investissement a débuté en septembre 2014 et comprenait le financement :

- des outils de technologie et d’apprentissage numériques comme des tablettes, des ordinateurs portatifs et des caméras;

- des logiciels pour les salles de classe;

- un apprentissage professionnel pour les éducatrices et les éducateurs;

- la recherche en innovation pour renforcer la capacité locale et appuyer les données probantes;

- la prise de décisions éclairées concernant la mise à l’échelle de l’innovation;

- des partenariats en matière de leadership, à tous les niveaux.

Ce financement s’inscrit dans le cadre de l’apprentissage et de l’enseignement au 21e siècle en tant qu’objectif principal du document "Atteindre l'excellence : Une vision renouvelée de l'éducation en Ontario".

Nos éducatrices et éducateurs, de même que le personnel enseignant, les élèves et les parents méritent qu’on reconnaisse leurs efforts inlassables. Le taux d’obtention de diplôme en Ontario a augmenté pour atteindre son niveau le plus élevé dans l’histoire de la province, soit une augmentation de 17,5 points de pourcentage. Il est passé de 68 % en 2003-2004 à 85,5 % en 2014-2015. Le nombre d’élèves qui obtiennent leur diplôme en possédant les compétences et les connaissances nécessaires à la réalisation de leur plein potentiel n’a jamais été aussi élevé.

Nous avons consacré beaucoup d’efforts pour donner la possibilité aux élèves de l’Ontario de développer leurs points forts, leurs intérêts et leurs objectifs durant leur scolarité, grâce à des programmes comme l'éducation coopérative, la récupération de crédits, le sauvetage de crédits, la double reconnaissance de crédit et la "Majeure Haute Spécialisation". Ce dernier vient d'ailleurs d'être élargi pour favoriser l’accès de 48 000 élèves qui seront inscrits dans 1 835 programmes à l’échelle de la province. Ce programme novateur permet aux élèves du palier secondaire de se concentrer dans un cheminement de carrière qui correspond à leurs compétences et à leurs intérêts, tout en respectant les conditions relatives à l’obtention de leur diplôme d’études secondaires. Tous ces programmes aident les élèves à prendre des décisions éclairées sur les prochaines étapes après les études secondaires.

L’Ontario a l’un des meilleurs taux d’obtention de titres postsecondaires au monde. En 2015, 67 % des adultes âgés de 25 à 64 ans en Ontario avaient un grade, un diplôme ou un certificat d’études postsecondaires, soit le taux le plus élevé des pays de l’OCDE.

ToutEduc : Voyez-vous des points communs entre tous les pays (ou régions) qui réussissent le mieux?

Heather Irwin : Une étude récente (en anglais) de McKinsey & Company a identifié certaines caractéristiques des vingt systèmes d’éducation dans le monde qui réussissent bien, y compris celui de l’Ontario. Voici certains de leurs points communs :

· Pour améliorer le rendement du système, il faut concentrer ses efforts sur la prestation de l’enseignement plutôt que sur la modification du contenu de l’enseignement.

· Six mesures sont communes à l’amélioration du système : perfectionner les techniques d’enseignement des enseignantes et enseignants, ainsi que les compétences en gestion des directrices et directeurs d’école; évaluer les élèves; améliorer les systèmes de données; favoriser les améliorations en mettant en œuvre des documents stratégiques et des lois relatives à l’éducation; réviser les normes et le curriculum; garantir aux enseignantes et enseignants et aux directrices et directeurs d’école un cadre approprié de rémunération et de primes.

· L’amélioration durable est le résultat d’un équilibre entre l’autonomie des établissements scolaires et une pratique de l’enseignement cohérente.

· La pérennité de la direction joue un rôle essentiel.

ToutEduc : Les questions de politique éducative font-elles chez vous consensus, ou au contraire, avez-vous comme en France des polémiques et des débats violents ? Comment gérez-vous les réformes ?

Heather Irwin :  L’Ontario s’est employé à faire participer l’ensemble des partenaires dans le processus de renouvellement de notre système d’éducation. Nous avons mis en place des tables de discussion où tous les partenaires se réunissent régulièrement afin d’entretenir un dialogue et de contribuer aux activités et aux politiques du ministère. Ces tables rondes rassemblent les conseils scolaires, les enseignantes et enseignants, les parents, les élèves et les organismes communautaires. En organisant ces réunions, nous montrons l’importance que nous attachons à la parole de toutes les personnes impliquées dans le système et nous rappelons que nous travaillons en collaboration pour améliorer le rendement et le bien-être des élèves.

Il est possible de contribuer aux politiques en prenant part :

- à une table de concertation;

- au groupe ministériel de référence des directions d'école;

- au Comité provincial des initiatives ministérielles;

- au Conseil consultatif ministériel des élèves.

Ces comités sont constitués de différents intervenants en éducation, notamment des directrices et directeurs de l'éducation, des partenaires des fédérations, des associations des directions d’école, des éducatrices et éducateurs et des élèves.

Le curriculum de l’Ontario repose sur de vastes consultations et sur des travaux de recherche intergouvernementaux. Dans le cadre de ces vastes consultations, les éducatrices et éducateurs, y compris les directrices et directeurs d’école, ainsi que tous les autres intervenants, participent de manière continue à l’examen des politiques relatives au curriculum grâce à des analyses techniques, à des groupes de concertation, à la rédaction de révisions et à des consultations de rétroaction.

Le ministère de l'Éducation de l’Ontario a publié récemment une note Politiques/Programmes sur la collaboration professionnelle. En Ontario, ce type de collaboration se définit comme l’ensemble des professionnels, à tous les paliers du système d’éducation, qui travaillent ensemble et partagent leurs connaissances, leurs compétences et leurs expériences en vue d’améliorer le rendement des élèves, ainsi que le bien-être tant des élèves que du personnel. Les partenaires ministériels, notamment les conseils scolaires, partagent notre détermination à renforcer cette culture de collaboration professionnelle. Nous saisissons d’ailleurs cette occasion pour examiner notre mode de collaboration avec nos partenaires et pour étudier comment nous pourrions renforcer notre culture de collaboration afin de mieux soutenir les apprenantes et apprenants ontariens.

Heather Irwin a ajouté à ses réponses une autre citation de la ministre de l’Éducation de l’Ontario, Mitzie Hunter :

"Je suis convaincue que la plus grande richesse naturelle de l’Ontario réside dans sa population et qu’il relève de la responsabilité du gouvernement de veiller à ce que notre système d’éducation prépare les enfants au monde qui les attend en dehors de la salle de classe.

Auparavant, nous inculquions aux élèves les compétences dont ils avaient besoin pour soutenir la concurrence dans l’économie manufacturière. Aujourd’hui, les diplômés évoluent dans un tout autre monde, qui est ancré dans l’économie du savoir. Nous sommes déterminés à fournir aux élèves les atouts nécessaires pour qu’ils puissent participer à la main-d’œuvre moderne et hautement qualifiée.

C’est pourquoi, plus que jamais, nous mettons l’accent sur la lecture, l’écriture et les mathématiques, car ces compétences fondamentales sont les facteurs d’égalité requis pour pouvoir prendre part à cette nouvelle économie.

Mais pour réussir et atteindre l’excellence dans un monde en pleine évolution, les élèves ont aujourd’hui besoin d’une nouvelle gamme de compétences. Nous avons pris des mesures audacieuses pour intégrer des possibilités dans le curriculum, afin que les enfants améliorent leur capacité à la résolution de problèmes, leurs habiletés en collaboration, leur créativité, leurs compétences financières et leur aptitude à entreprendre et à bâtir un monde meilleur en contribuant à la vie de leur collectivité à l’échelle locale, tout en ayant une vision mondiale."

Propos recueillis par P. Bouchard et C. Baudoin, photo Claude Baudoin ("Les piliers de la Justice", Edwina Sandys, 2007, Toronto)

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