Les atouts de l'Onisep vus par son nouveau directeur, Michel Quéré (interview)
Paru dans Scolaire, Orientation le jeudi 03 novembre 2016.
Michel Quéré a été nommé à la direction de l'Onisep le 31 mai. Il vient de recevoir son premier budget et de réunir le "comité des tutelles". Il répond aux questions de ToutEduc
ToutEduc : La Cour des comptes, dans son rapport sur l'Onisep, s'inquiétait de la qualité des liens de l'organisme avec le ministère de l'Education nationale. Où en êtes-vous ?
Michel Quéré : Effectivement, la Cour évoque le caractère "lâche" des liens avec la tutelle, alors que ce qui fait notre valeur ajoutée, si nous comparons notre situation à celle de nos concurrents du privé, c'est justement l'insertion de l'Office dans l'Education nationale. J'estime que nous devons donc avoir des relations plus suivies avec les différentes directions du ministère, avec la DGESCO (l'enseignement scolaire, ndlr) bien sûr, mais aussi avec la DGESIP (l’enseignement supérieur et l’insertion professionnelle, ndlr) puisque nous avons à faire avec l'enseignement supérieur autour de la transition sco/sup et de la cohérence des parcours dans l’enseignement supérieur, plus largement. Mais nous travaillons aussi activement avec la DNE, la direction du numérique éducatif, puisque le numérique joue un rôle important dans l'information pour l'orientation, et avec la Délégation à la communication, car notre activité peut venir à l’appui ou relayer celle de la Delcom. C'est le cas notamment pour "Reviens te former" qui s'adresse à des jeunes en situation de décrochage scolaire que l’institution n’est plus directement en mesure d’atteindre. Nous sommes aussi en relation avec la DREIC (relations européennes et internationales, ndlr) qui nous apporte son expertise quand nous sommes sollicités par des pays qui veulent organiser leur système d'orientation et évidemment avec la DAF, les affaires financières, qui assure l’animation de ces tutelles.
J'ai souhaité remettre en chantier le "comité des tutelles" qui réunit tous nos interlocuteurs internes au ministère, de façon à dépasser le cadre d’échanges strictement bilatéraux. Il a été réuni une première fois il y a quelques jours, depuis ma nomination, pour préparer le conseil d'administration de la fin novembre.
ToutEduc : Le projet de loi de finances pour 2017 vous demande de réaliser 20 % de votre budget en ressources propres, et 7 % avec des financements publics autres que la subvention de l'Education nationale pour "charges de service public". Est-ce réaliste ?
Michel Quéré : Nos ressources propres, ce sont d'abord nos collections papiers, avec les collections "Dossiers" et "Parcours" et contrairement aux idées reçues, elles sont bien utiles pour assurer le montant attendu de nos ressources propres. Mais nous devons mieux nous faire connaître du grand public et améliorer notre offre tarifaire aux établissements scolaires. Actuellement, les tarifs varient selon leur taille, le système est complexe. Nous devons proposer de l'excellente qualité à un prix modique pour partir à la reconquête des établissements, mieux structurer nos relations avec les CDI et renforcer notre utilité opérationnelle dans les établissements scolaires.
ToutEduc : Ces publications sont-elles adaptées au grand public ?
Michel Quéré : Oui, quand j'étais au Céreq, j'enviais justement la capacité de l'Onisep à traduire en termes simples un langage de spécialiste. C'est notre coeur de métier avec le fait de pouvoir entrer dans les classes, dans les CDI, dans les établissements, au niveau académique, dans toutes les strates du système éducatif. Nous savons faire de la vulgarisation au bon sens du terme. Il ne s’agit pas seulement de vendre, il faut surtout savoir parler aux jeunes. C'est une compétence que nous avons et que nous devons davantage valoriser, auprès des établissements et du grand public, essentiellement auprès des parents ; j'ai eu récemment l'occasion, lors d’un salon, de pouvoir discuter avec quelques-uns d'entre eux, qui venaient d'acheter des "Parcours" et des "dicos des métiers", j’ai été frappé de constater combien ce sont des achats très réfléchis, en parfaite cohérence avec leur analyse des besoins d’information de leur enfant.
ToutEduc : Vous avez aussi une mission de service public, donc une offre gratuite....
Michel Quéré : Bien sûr, nous avons nos guides gratuits. Et nous avons notre offre internet, qui est complémentaire de l'offre papier. Là encore, nous devons réfléchir à rendre plus lisible notre offre, et de même que nous avons une partie de l’offre papier qui est gratuite et une partie payante, nous devons réfléchir au développement d'une offre numérique payante, pour ceux qui voudraient bénéficier d'un service davantage personnalisé, d'une forme d’accompagnement à la demande. Je ne sais pas encore quelle forme cela peut prendre, cela reste à inventer, peut-être dans le prolongement de MOEL (le service gratuit "mon orientation en ligne", au téléphone ou par mail ou par "chat", pour aider à la recherche d'informations, ndlr).
ToutEduc : Un tel développement correspond-il à votre cahier des charges ?
Michel Quéré : Bien sûr. Nous devons développer nos "ressources propres". Personne n'est choqué de nous voir commercialiser une partie de notre production papier, il n'y a aucune raison qu'il en aille différemment pour le numérique.
ToutEduc : Où en est le numérique ?
Michel Quéré : La fréquentation du site est impressionnante, 55 millions de visites par an et chaque mois, un million de consultations des fiches métier ou des fiches formation. J'attends pour la mi-novembre, pour le salon de l'éducation dans l'idéal, une version ajustée pour le collège du nouveau dispositif Mon Orientation Augmentée (MOA, une application à télécharger sur un téléphone portable, ndlr). Pour le niveau lycée, nous attendrons d'avoir les réactions des élèves à la version collège. Pour les vidéos, nous les renforçons car elles sont très attractives et très utilisées par les jeunes. Nos partenariats avec les branches nous permettent de présenter différemment une activité professionnelle, d'attirer l'attention, par l’image, des jeunes sur des métiers qu’ils ne connaissent pas nécessairement, donc qu’ils n’envisageraient pas sans cet effort d’information. Mais là encore, nous devons renforcer notre visibilité, mieux organiser notre banque d’outils vidéos et plus largement savoir mieux valoriser l’ensemble de notre catalogue de produits et de services, gratuits et payants.
ToutEduc : En quoi la réforme territoriale impacte-t-elle votre organisation ?
Michel Quéré : Nous avions 28 délégués régionaux (les Dronisep) qui étaient tous également CSAIO (chefs du service académique d'information et d'orientation). Nous n'avons plus que 17 délégués régionaux qui sont CSAIO des régions académiques et des délégués régionaux adjoints dans les autres académies, mais le lien avec le CSAIO de ces académies n'est plus automatique. Il faut d'une part que se stabilisent les relations entre le Dronisep et les adjoints et entre le Dronisep et les CSAIO des autres rectorats. C'est un peu compliqué, c'est un choc, mais le principe de réalité prévaudra. Nous offrons un service de proximité, et c'est donc l'académie qui est, et reste, notre unité de compte naturelle. Pour autant, les nouvelles Régions ont parmi leurs compétences l'apprentissage, le lien entre développement économique et orientation, la lutte contre le décrochage, des thèmes pour lesquels nous devons penser de façon mutualisée, à l’échelle de la Région, donc parfois de façon inter-académique. J'ai demandé aux délégués régionaux de construire le programme d’activité 2017 en distinguant les activités mutualisables (régionales) de celles qui doivent rester au niveau académique.
ToutEduc : Et la réforme des COP, les conseillers d'orientation-psychologues qui deviennent des psychologues en charge de l'orientation ?
Michel Quéré : Elle ne change pas la nature de nos relations. Nous produisons de l'information à des fins d'orientation. L'utilisent ceux qui en ont besoin, les chefs d’établissement, les conseillers d'orientation psychologue, les professeurs documentalistes, les professeurs principaux, les parents et leurs enfants... Nous sommes des producteurs de ressources pédagogiques pour accompagner la réalisation des parcours éducatifs, dont le parcours avenir. Par exemple, nous venons de développer un kit sur les métiers existant au centre Pompidou. Ou encore, récemment, avec Pro2science, nous proposons des ressources pour quatre EPI (enseignements pratiques interdisciplinaires) et pour découvrir les métiers qui participent à la création d'objets connectés. Ce sont de formidables vecteurs pédagogiques pour encourager des vocations.
ToutEduc : Quel est l'avenir de l'Onisep ?
Michel Quéré : L'Onisep dispose d'un vrai capital d'image même si le grand public ne sait pas exactement tout ce que nous produisons. Nous devons asseoir plus encore notre relation avec les parents, comme en témoigne la mise en place au national d’un "espace parents" porté par notre délégation régionale d’Orléans-Tours. De plus, nous avons des outils à inventer pour aider à la construction de parcours cohérents dans le cadre du "bac - 3 / bac + 3". Savez-vous que 15% des décrocheurs de l'enseignement supérieur sont de très bons élèves qui ont du mal à s’approprier les codes et les règles de l’enseignement supérieur ? Nous avons là un rôle à jouer pour conforter les parcours de formation raisonnés des jeunes, dès le plus jeune âge et jusqu’à leur sortie diplômée de l’enseignement supérieur.
Propos recueillis par P. Bouchard et relus par M. Quéré