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Enseignement français à l'étranger : prévoir des redéploiements, voire des sacrifices (Cour des comptes)

Paru dans Scolaire le jeudi 20 octobre 2016.

La Cour des comptes plaide pour "un développement harmonieux du réseau" de l'enseignement français à l'étranger et son rapport met en évidence un contexte concurrentiel. "La concurrence la plus significative que doit affronter le réseau français est issue de la multitude d’établissements privés anglophones." Ces institutions visent "exclusivement les 5 % les plus riches du monde non anglophone" et se développent rapidement, on compte "500 créations d’école par an", ce qui "devrait conduire à 11 000 écoles internationales anglophones en 2020". Il s'agit d'un marché à l'exportation de 14 milliards de livres soit "un chiffre d’affaires supérieur à celui des services financiers ou du marché automobile".

En effet, alors que les crédits diminuent, que le nombre des agents de l'Education nationale détachés à l’étranger est plafonné, on assiste à "une hausse continue de la demande de scolarisation (...) qui, à défaut d’être entendue, trouvera sur le marché international de l’éducation des solutions souvent plus onéreuses pour les familles mais de qualité". C'est dans ce contexte que la Cour envisage deux hypothèses. La première est celle de "la poursuite du désengagement de l’État" qui "aurait des effets négatifs certains sur l’image de l’enseignement français à l’étranger et, à terme, sur sa pérennité". Si au contraire s'affirme la volonté "de permettre un développement harmonieux du réseau", "l’État doit se fixer un seuil minimal à ne pas franchir" et "opérer des choix et des redéploiements significatifs, voire (des) sacrifices".

S'adapter aux évolutions démographiques

Se  pose une question de définition des besoins. "La population des Français de l’étranger est en perpétuel mouvement : les départs massifs de Chine, qui ont eu lieu en 2015 et 2016, n’ont pas été anticipés (...) La définition de priorités géographiques, qui seraient le reflet de priorités diplomatiques, n’apparaît pas aujourd’hui atteignable sans des efforts conséquents de cartographie."

Le réseau compte 494 établissements scolaires, implantés dans 136 pays, qui scolarisent près de 340 000 élèves, dont 63 % sont étrangers et 37 % sont français. Ces établissements peuvent être "en gestion directe" ou EGD, c'est le cas de 74 d'entre eux, qui sont "constitués en services déconcentrés" de l'AEFE (Agence pour l'enseignement français à l'étranger, sous tutelle des Affaires étrangères). Ce sont des "établissements de prestige" installés dans les capitales et qui "font souvent figure de 'navire amiral' autour duquel gravitent des établissements de moindre envergure" qui peuvent être "invités à alimenter le 'grand' EGD à l’entrée du collège ou du lycée". Les 156 "établissements conventionnés" sont gérés par des associations de droit privé "qui ont passé une convention administrative, financière et pédagogique avec l’AEFE" qui porte notamment sur "les conditions d’affectation et de rémunération d'agents titulaires de l’Éducation nationale et sur l’attribution de subventions". Enfin les 264 "établissements partenaires" ont signé un accord de partenariat qui définit "les prestations auxquelles ils peuvent prétendre, notamment en termes de formation continue de leurs personnels, d’inspection, d’ingénierie pédagogique, de conseils en gestion et de gouvernance, d’orientation scolaire, d’utilisation des services et des outils mis en place par l’Agence. La Mission laïque française compte 88 établissements, dont huit "conventionnés" et 80 "partenaires".

Trois statuts pour les enseignants

En ce qui concerne les enseignants, le rapport décrit également trois statuts : "les titulaires expatriés du second degré", les "résidents" et les recrutés locaux. La Cour s'intéresse plus particulièrement aux "résidents", des enseignants titulaires vivant à l’étranger et recrutés par l’AEFE. Mais l'obligation de faire la preuve qu'ils vivent dans le pays "a été détournée de son sens initial", ils sont enseignants en France, financent leur déménagement, sont recrutés par anticipation et résident dans le pays pendant trois mois avant d'être officiellement recrutés. Beaucoup d'entre eux, "du fait de leur ancienneté ou de leur qualité de professeur agrégé", souhaiteraient participer à la formation de leurs collègues locaux, mais "se heurtent au monopole accordé aux enseignants expatriés à mission de conseil pédagogique du second degré". Résultat, "ils assurent, sans rémunération ni décharge, des missions de conseillers/formateurs". La Cour préconise de nouvelles règles de gestion, par exemple leur proposer un contrat de trois ans renouvelable une ou deux fois.

Quant aux expatriés, considérés comme des "enseignants-experts", leur coût et "leur mauvaise répartition géographique" ne jouent pas en leur faveur. Une redéfinition de leurs fonctions "pourrait dégager des marges de manoeuvre financières". Il faudrait "diminuer drastiquement leur nombre" au profit de résidents "sensiblement moins coûteux" et "les orienter davantage vers une mission d’accompagnement pédagogique", "les intéresser aux questions de gouvernance, et leur permettre de mener des audits d’établissements". Il faudrait en revanche "valoriser le statut de recruté local (...) par une formation d’intégration, la création d’un parcours professionnel et l’accès aux responsabilités pédagogiques et administratives des intéressés".

Combien d'élèves non scolarisés ?

Le rapport porte aussi sur les aides à la scolarité des élèves après la suppression en 2012 du PEC (la prise en charge des frais de scolarité pour les lycéens français) et la mise en place d'un nouveau système de bourses qui "a permis de maîtriser les dépenses". Cela s'est-il traduit par "des déscolarisations pour des raisons financières" comme le suggèrent "certains observateurs" ? La Cour constate que "les éventuelles non-scolarisations pour raisons financières sont difficiles à évaluer (...) Les seuls éléments disponibles font état d’une nette augmentation des non inscriptions pour raisons financières d’élèves boursiers, tout particulièrement pour le rythme nord : on compte 35 cas, soit 1,9 % des boursiers non scolarisés du rythme nord, en 2012-2013, 174 cas en 2013-2014, 159 cas en 2014-2015 et 98 cas en 2015-2016. Toute aussi délicate est l’estimation du nombre de familles qui renonceraient à demander une bourse."

Le rapport est téléchargeable ici

 

 

 

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