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Face au numérique, quelles finalités pour l'école ? (table ronde au Collège des Bernardins)

Paru dans Scolaire, Périscolaire, Orientation le jeudi 06 octobre 2016.

Comment reconsidérer les finalités de l'école ? C'est la question posée lors d'une table ronde de la journée d'étude organisée par le Collège des Bernardins ce 6 octobre, sur le thème "Apprendre et enseigner à l'ère numérique". "L'école permet-elle aux élèves de s'émanciper des dispositifs socio-techniques ?", interroge d'emblée Elisabeth Schneider, maîtresse de conférences en sciences de l'information et de la communication à Unicaen-Normandie Université. Ainsi, l'enseignement peut-il contribuer à réfléchir aux utilisations d'Internet ? La chercheuse remarque que les jeunes d'origine défavorisée gardent des usages stéréotypés : "ils se rendent toujours sur les mêmes plateformes, alors que d'autres adolescents, eux, ont des pratiques plus diversifiées."

Elisabeth Schneider met aussi l'accent sur l'éthique de la médiation pédagogique dans le cadre du numérique : que s'autorisent professeurs et élèves dans ce contexte ? Elle relève qu'une partie des enseignants ne se sentent pas associés et se retrouvent en difficuté par rapport à ces évolutions. Quant aux parents, dans des milieux ruraux ou de petites villes, certains se sentent en situation d'injonction face aux attentes de l'école. "Que font les familles qui ne peuvent pas financer Internet de manière permanente ?" questionne la chercheuse. Devant ce facteur d'exclusion, se repose à ses yeux l'enjeu de "l'accès démocratique au savoir".

Un métissage des pratiques

Alain Boissinot, ancien recteur d'académie et ancien directeur de l'enseignement scolaire au ministère s'avoue "réservé" sur l'approche qui fait du numérique "une révolution copernicienne". Pour lui, c'est davantage une évolution née d'un métissage des pratiques sur une longue durée. Néanmoins, il admet "l'accélération vertigineuse" du renouvellement des technologies. Il remarque aussi le déplacement du rapport à la connaissance : "le maître se repositionne comme celui qui aide l'élève à fabriquer des savoirs, et non comme celui qui les délivre." Ce modèle lui rappelle les pratiques qui étaient en vigueur au XIXe siècle. "Mais aujourd'hui, il devient encore plus difficile, avec le numérique, de démêler l'éducation de l'instruction", note-t-il.

Sur le plan pratique, Alain Boissinot plaide pour une organisation plus souple des enseignements avec un allègement des heures de cours. Objectif : dégager du temps pour "les relations individualisées, les pratiques d'échanges, le travail en CDI...". Il préconise aussi une autonomie croissante des équipes et des établissements afin d'ouvrir "des espaces d'initiatives, des lieux d'expérimentations". "Il faut déréguler le système et atténuer le poids de la norme".

Donner aux enfants et adolescents une culture générale

De son côté, Florence Rizzo, confondatrice et directrice de SynLab, souligne l'importance de l'interdépendance. "Devant un fonctionnement en silos, avec des disciplines qui se juxtaposent, on a besoin de relier les choses", estime-t-elle. Selon elle, l'école doit privilégier plusieurs axes : la capacité collective à résoudre des problèmes complexes, le discernement éthique, la personnalisation des apprentissages, la sagesse qui permet de vivre ensemble et de "faire société". Pour sa part, Jean-Michel Blanquer, directeur général du groupe Essec et ancien directeur de l'enseignement scolaire au ministère, rappelle le paradoxe de l'éducation : il faut des contraintes pour cheminer vers la liberté. Il pointe "l'accumulation des révolutions, scientifiques et technologiques" (3D, réseaux sociaux, big data, robotique, Moocs...). S'attardant sur les sciences cognitives, il souligne qu'elles révélent le potentiel humain mais tout en montrant que beaucoup d'inégalités "se jouent avant 6 ou 7 ans". Jean-Michel Blanquer note aussi l'impact cognitif des évolutions technologiques.

Comment définir le rôle de l'enseignement face au numérique ? "L'école doit donner aux enfants et adolescents une culture générale et une mise en perspective", juge-t-il. Cette place est complémentaire du positionnement de l'offre numérique. Quant aux nouvelles approches de transmission des savoirs, "elles ne ne se décrètent pas Rue de Grenelle, mais s'envisagent au niveau des équipes éducatives", affirme Jean-Michel Blanquer. Néanmoins, il ajoute : "Encore faut-il former les professeurs à cela".

Diane Galbaud

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