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L'enseignement professionnel soumis à des injonctions contradictoires (inspections générales)

Paru dans Scolaire, Orientation le samedi 03 septembre 2016.

La formation professionnelle apparaît "davantage comme une réponse aux impératifs de la scolarisation et de qualification des jeunes qu’aux réalités économiques locales, au demeurant, souvent mal connues". Le constat des deux inspections générales de l'Education nationale, chargées de dresser "une cartographie de l’enseignement professionnel" est sévère, et sans avoir recours à l'expression "injonctions contradictoires", elles montrent bien à quelle situation impossible cette voie se trouve confrontée.

En effet les politiques évoquent "le renforcement de la culture générale" comme un "facteur déterminant" pour "une meilleure adaptation de la formation à l'évolution de l'économie et de l'emploi" et les milieux professionnels donnent une place prépondérante à "la fiabilité, la capacité à travailler en équipe, la ponctualité, la disponibilité ou encore l’adaptabilité", autant de compétences qui "tendent à supplanter les contenus techniques". Ces compétences transversales ne sont pas propres à un territoire ni à une formation. Or, depuis 1993, "le législateur n’a eu de cesse de renforcer le rôle pivot des collectivités territoriales dans le domaine des politiques de formation professionnelle" en supposant qu'elles étaient mieux à même de "prendre en compte les demandes ou attentes formulées par les milieux professionnels, les territoires et les individus".

Les inspections, pour expliquer l'échec de cette politique qui fait pourtant consensus, évoquent plusieurs raisons. "Les discours fondés sur la recherche d’une relation étroite entre la formation et l’emploi se heurtent, d’une part, au fait que près de la moitié des diplômés s’insèrent dans un secteur qui n’est pas en lien avec la formation reçue, d’autre part, à l’incapacité pour les entreprises et les branches professionnelles à formaliser leurs besoins à moyen terme". De plus, les CPRDFP (contrats de plan régionaux de développement des formations professionnelles) affichent une volonté politique d'adéquation entre les formations et les besoins, mais n'est-ce pas un simple "élément de langage" ?

Absence de stratégies régionales

Ils sont signés après "un long travail d'analyse, de concertation et de débats, entre de multiples acteurs régionaux  mais les réponses apportées démontrent rarement une véritable stratégie qui peut se traduire dans des actions opérationnelles pour les services académiques (...) La quasi-totalité des schémas régionaux se détermine avant tout par rapport à des études nationales, teintées par des données régionales souvent partielles. Au final, l’analyse des situations économiques est assez similaire d’une région à l’autre. Les caractéristiques régionales énoncées se résument souvent à l’existence de quelques filières particulièrement représentées sur le territoire régional ou à l’impact de la crise économique sur les secteurs industriels classiques. Dans ce contexte, il devient difficile de parler de réelle stratégie régionale pour les CPRDFP."

Par ailleurs, les inspections comptent 187 spécialités de CAP, 52 spécialités de BEP, 101 spécialités du baccalauréat professionnel, 58 spécialités du brevet professionnel, 29 spécialités de mention complémentaire de niveau V et 23 de niveau IV, 134 spécialités du brevet de technicien supérieur et 27 spécialités du diplôme des métiers d’art à la rentrée 2014. Mais, au niveau CAP, 20 % d'entre elles "accueillent plus de 80 % des élèves (...) L’hypothèse selon laquelle cette multiplicité des spécialités serait garante d’une réponse plus en phase avec les besoins exprimées par le monde économique ne résiste pas à l’épreuve des faits". Elles sont d'ailleurs créées par des CPC (commissions paritaires consultatives) où les "professionnels" sont tantôt "des représentants institutionnels de branche, des chefs d’entreprises (...), des représentants d’organismes de formation de branche, des représentants de syndicats de salariés etc." Les inspections préconisent de "revoir la représentativité des milieux professionnels au sein des CPC".

Pour sortir de l'impasse, un socle commun

Elles considèrent aussi qu'il est "impératif de procéder à une rationalisation significative d’une offre de spécialités dont le nombre constitue une gageure pour les décideurs en charge d’élaborer une carte des formations cohérente et un obstacle à l’expression des parcours de formation des jeunes sans pour autant se révéler une réponse pertinente au regard des attentes du monde professionnel." Elles préconisent donc une autre approche, qui passerait par "un socle commun de connaissances et de compétences transposables à plusieurs métiers", plutôt qu’une approche par "diplôme" et "spécialités". Les élèves en acquerraient progressivement les divers niveaux, ce qui aurait l'avantage de ne pas disqualifier, comme actuellement, les certifications intermédiaires.

Le rapport "Cartographie de l'enseignement professionnel" est téléchargeable sur le site du ministère ici

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