Scolaire » Actualité

Réforme du collège : indispensable mais la mise en œuvre est brutale selon le SPELC (interview)

Paru dans Scolaire le vendredi 02 septembre 2016.

Alors que les établissements du premier et second degrés viennent de faire leur rentrée, le SPELC (Syndicat professionnel de l'enseignement libre catholique), qui représente 26 % des personnels de l'enseignement privé, dénonce une mise en œuvre brutale de la réforme du collège, l'absence de prise en compte de certaines fonctions propres au privé dans le protocole PPCR (Parcours professionnels, carrières et rémunérations) et propose une formation pour les enseignants dans le cadre de la politique sécuritaire, points que reprend pour ToutEduc le secrétaire général du syndicat, Luc Viehé.

ToutEduc : Votre syndicat évoque à cette rentrée l'inquiétude qui "demeure" au sujet de la réforme du collège. Pourquoi ?

Luc Viehé : Le SPELC ne s'est jamais opposé à la réforme. Il considère comme inadmissible que chaque année 140 à 150 000 jeunes sortent du système scolaire sans qualification. En 8 ans, cela représente 1 million de gamins ! Il fallait faire quelque chose. Mais nous regrettons le côté bâclé et brutal. La réforme se met en place sur les quatre niveaux en même temps, ce qui pose des problèmes matériels, d'organisation, de locaux et de personnels particulièrement lourds à gérer. Où va-t-on caser par exemple les petits groupes alors que dans la plupart des établissements, les classes sont prévues pour 30 élèves ? De plus la plupart des enseignants n'ont pas été correctement formés à des méthodes totalement nouvelles, même si je n'ai pas les chiffres. Et tous les manuels scolaires ne sont pas prêts à temps. Du coups, les enseignants doivent accéder à des ressources via internet alors que les profs de français, notamment, ne sont même pas dotés de matériel informatique. Un passage niveau par niveau aurait été préférable, il aurait permis notamment de fluidifier la formation et aux chefs d'établissement de réfléchir plus sereinement avant la rentrée à la répartition des équipes pédagogiques.

ToutEduc : Quelles méthodes "nouvelles" risquent notamment de faire problème ?

Luc Viehé : Les EPI (Enseignements pratiques interdisciplinaires) par exemple. La formation initiale n'a pas pris en compte cette nouvelle manière d'enseigner qui intègre travail interdisciplinaire et enseignement pratique. Nous sommes dans le flou et il va falloir expérimenter. Même si les enseignants feront leur travail. Mais cette année sera dure. De leur côté, certains parents expriment des inquiétudes. Que vont devenir par exemple les disciplines fondamentales ponctionnées de 20 % justement pour les EPI ? Ils ont peur que la transmission des connaissances soit délaissée au profit de disciplines qu'ils ne connaissent pas. Là aussi le ministère n'a pas bien communiqué.

ToutEduc : Vous dites néanmoins avoir soutenu la réforme...

Luc Viehé : Les EPI peuvent avoir du bon. Ils sont d'ailleurs utilisés depuis longtemps en établissements d'enseignement professionnel et agricole. Mais les enseignants n'ont pas été formés, c'est un peu choquant.

ToutEduc : Vous affichez d'autres regrets à cette rentrée...

Luc Viehé : Le plan ministériel de modernisation des parcours professionnels, des carrières et des rémunérations est une mesure que nous saluons. 1 milliard d'euros va enfin être débloqué afin de mieux payer les enseignants. Même si ça ne les mettra que dans la moyenne de l'OCDE. Nos regrets portent sur les difficultés d'adaptation de ce protocole PPCR aux enseignants du privé. Nous avons en effet beaucoup de fonctions qui ne relèvent que de l'enseignement privé et non de l’État, comme les conseillers pédagogiques ou les référents handicap. Les enseignants d'EPS assument aussi d'autres fonctions comme celles d'organiser des événements. Et les chefs des établissements du second degré sont tous des salariés du privé. Or le protocole PPCR ne prévoit pas la prise en compte de ces fonctions car l'accord national a été signé par les organisations syndicales du public. Mais nous avons été déjà conviés plusieurs fois au ministère pour discuter de la transposition de ces fonctions particulières au protocole PPCR. La prochaine réunion au cabinet ministériel est prévue le 20 septembre et nous espérons leur prise en compte au 1er janvier 2017, avec la deuxième phase de mise en place du protocole.

ToutEduc : Alors que les ministres viennent de présenter les mesures sécuritaires concernant les établissements dans le contexte créé par les attentats, vous suggérez de former les enseignants...

Luc Viehé : Nous regrettons la position du gouvernement qui ne prend pas assez en compte le côté éducatif. Des mesures purement sécuritaires ne sont pas suffisantes. Il faut élargir le débat et que les enseignants puissent bénéficier d'une formation qui leur permette d'appréhender la diversité sociologique et culturelle de la France car ils font face parfois à des situations complexes et exacerbées. Il faut former par exemple à la façon de faire face à une réaction violente, à gérer l'agressivité, à la façon de faire coexister les valeurs des uns et des autres.

ToutEduc : D'autres points importants concernant l'enseignement privé ?

Luc Viehé : Début juillet, le collège employeur de l'enseignement privé a refusé l'augmentation des rémunérations des salariés du privé. Nous en avons pas moins de 70 000, et parmi eux des temps partiels, essentiellement des femmes et dans les catégories professionnelles les moins qualifiées. Le bureau fédéral du SPELC doit se réunir le 8 septembre pour décider des actions de protestation à mettre en place, actions qui pourront aller jusqu'à des débrayages.

Camille Pons

« Retour


Vous ne connaissez pas ToutEduc ?

Utilisez notre abonnement découverte gratuit et accédez durant 1 mois à toute l'information des professionnels de l'éducation.

Abonnement d'Essai Gratuit →


* Cette offre est sans engagement pour la suite.

S'abonner à ToutEduc

Abonnez-vous pour accéder à l'intégralité des articles et recevoir : La Lettre ToutEduc

Nos formules d'abonnement →