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Lycées : le bilan des réformes ne fait que partiellement consensus

Paru dans Scolaire, Orientation le vendredi 08 juillet 2016.

"L'inefficacité de la réforme Chatel (du lycée) est patente" estime une intersyndicale (SNES et SNUEP-FSU, SNLC-FO, Educ'action-CGT, SNCL et SIES-FAEN, SNALC-FGAF) qui réagit au bilan qui en a été dressé par l'administration de l'Education nationale au terme d'un cycle de recontres avec les représentants des enseignants, des élèves, des parents, et des personnels d'encadrement. Pour ces organisations syndicales, "l’objectif de rééquilibrage des filières n’est en rien atteint, la globalisation des horaires met en concurrence les enseignements, l’accompagnement personnalisé et les enseignements d’exploration ne facilitent pas l’aide aux élèves en difficulté ni une orientation choisie des élèves". Elles considèrent de plus que la réforme du collège est "construite sur les mêmes principes que les réformes du lycée" et elles confirment qu'elles en demandent l'abrogation.

ToutEduc a eu copie de ce "bilan de la rénovation de la voie professionnelle et de la réforme du LEGT" conduit avec cinq groupes de travail de novembre 2015 à avril 2016. Mais six organisations syndicales se sont retirées de la consultation, le 25 janvier (FSU, SNETAA, CGT, SNALC, Sud Education, SNFOLC), le SNES ayant repris sa participation le 7 avril. Les points de consensus doivent donc être relativisés. Voici l'essentiel de ce document de synthèse des débats.

Des périodes d’accueil des élèves à l’entrée en seconde

Premier constat, le système scolaire peine à accompagner les élèves lors des "périodes de transition", alors que "la rupture à l’entrée en seconde est ressentie" comme rude par les parents et par les lycéens, d'autant que ceux-ci sont plus jeunes qu'auparavant". Le document préconise "des périodes d’accueil des élèves à l’entrée en seconde" telles qu'elles sont déjà organisées en seconde professionnelle", ainsi qu'une meilleure articulation entre les programmes de la classe de seconde et le socle commun. Se pose aussi la question de la transition entre le lycée et l’enseignement supérieur, mais le document reconnaît la difficulté d'expliciter en terminale les attendus de l’enseignement supérieur.

Second constat, "l’orientation active (vers l'enseignement supérieur) n’est pas effective malgré les nombreux dispositifs prévus et la réaffirmation périodique de son importance dans les textes réglementaires" tandis que "l’orientation est biaisée, voire limitée par la structure de l’offre de formation". De plus l’outil APB apparaît "comme une banque de données complexe et difficile d’appropriation par les élèves". 

Un déficit d'information en 3ème

Le bilan porte aussi sur les enseignements d’exploration mis en place par la réforme en classe de seconde générale et technologique et dont le principe "est apprécié positivement par une large majorité de partenaires", mais "qui souffrent par ailleurs d’un déficit d’information" en classe de 3ème et dont il n'est pas clair s'ils sont exploratoires ou prédéterminants d'une orientation. Les lycéens souhaiteraient d'ailleurs qu'ils soient semestriels, ce qui leur permettrait "d’aborder plusieurs enseignements dans l’année", ce "qui les rendrait moins déterminants".

En ce qui concernent les programmes, "mis à part en EPS et en langues vivantes", les enseignants les jugent "trop lourds et ambitieux compte tenu du volume horaire dévolu". Certaines organisations estiment que les programmes de seconde GT "sont élaborés selon une progression logique partant des exigences du baccalauréat, voire de CPGE au lieu de s’inscrire dans la continuité de la troisième". Quant au tronc commun, il "présente l’avantage de mélanger les élèves de classes de première de séries différentes", mais il a "l’inconvénient de complexifier la construction des emplois du temps" et "de perturber l’identification des élèves à un groupe classe unique". 

L'accompagnement personnalisé consacré à un enseignement disciplinaire déguisé

L'accompagnement personnalisé est souvent "consacré à un enseignement disciplinaire déguisé", estiment plusieurs organisations qui demandent "un retour à la situation antérieure", mais d'autres lui reconnaissent "un rôle important en matière d’approfondissement méthodologique, d’orientation, d’ouverture culturelle, d’innovation" bien que 62% des lycéens "disent faire la même chose qu’en cours". Pourtant leur intérêt pour l’accompagnement personnalisé "va croissant en fonction du niveau", passant de 27% qui le jugent utile ou très utile en seconde GT (36 % pour les élèves de LP) à 54% et 52 % en terminale. Le document concut à la nécessité d' "une amélioration de son efficacité et de sa lisibilité" plutôt qu'à "sa remise en cause". 

Les lycéens "regrettent que les TPE occupent une place relativement faible dans leur formation", et les autres groupes de travail estiment qu'ils "permettent de bien préparer les élèves aux méthodes du supérieur". A défaut de les étendre en terminale, il faudrait du moins envisager "l’extension de la démarche de projet". Lui donner une place accrue pourrait contribuer à améliorer le climat scolaire et à "renforcer la responsabilisation des lycéens". Encore faudrait-il "renforcer la formation des enseignants en la matière". 

La fonction du baccalauréat

Personne ne remet en cause l'existence du baccalauréat mais c'est "sa fonction qui a été réinterrogée par les différents groupes de travail", la sanction des études secondaires prime sur l'accès à l'enseignement supérieur. De plus, "selon les lycéens et les cadres académiques, les attendus et les modalités d'évaluation au baccalauréat impactent les pratiques enseignantes dès la classe de seconde, laissant peu de place à une pédagogie innovante dans le cycle terminal, le but des enseignements étant de préparer au baccalauréat plus qu'à la poursuite d'études supérieures". Les lycéens "souhaitent une évolution des modalités d'évaluation favorisant une pédagogie de projet et la valorisation de compétences". La "lourdeur certificative" est souvent déplorée au lycée professionnel, et des dispositions viennent d'être prises pour un allègement du CCF (contrôle en cours de formation). 

En ce qui concerne "l’objectif de rééquilibrage des séries", qui était l'un des objectifs de la réforme des lycées, il "n’est atteint que de manière très partielle", la voie générale "voit paradoxalement l’accroissement de la prédominance de la série S" et la série L n’a été que "peu revalorisée", tous déplorant "la disparition de l’enseignement obligatoire de mathématiques en classe de première, d’autant que l’option Mathématiques en terminale n’est pas proposée dans tous les établissements, ce qui peut réduire les débouchés de poursuites d’études des littéraires".

L’hétérogénéité des classes de CAP

Dans la voie technologique, on observe "une absence de lisibilité, renforcée par des acronymes compliqués". La série STI2D "connaît désormais une dynamique positive", mais "une grande partie de la voie technologique semble en crise d’identité et de visibilité". Quant à la voie professionnelles, malgré son dynamisme, elle "continue à avoir une image sociale plutôt négative, car liée à une orientation subie et à l’échec scolaire". Certains proposent de réinterroger ""le modèle de construction et l’organisation du lycée", soit en développant "une logique modulaire" ou "un système de majeure/mineure", ou en regroupant certaines séries des voies générale et technologique pour faire émerger des séries transversales.

Tous les intervenants soulignent "l’hétérogénéité des élèves dans les classes de CAP" qui accueillent "des sortants de SEGPA mais aussi des élèves allophones et, de façon croissante, des élèves en situation de handicap". Ils s'inquiètent aussi de l'orientation en CAP, "compte tenu du faible taux de satisfaction des premiers vœux (58%) et du taux de décrochage de 20% sous statut scolaire et de 29% en apprentissage". Plusieurs organisations syndicales dénoncent de plus "le regroupement de filières, voire de différents niveaux de formation, dans les enseignements généraux" : "il peut se traduire par des effectifs de 24, parfois même 30 élèves, difficilement acceptables compte tenu des difficultés de ces élèves."

Pas de consensus sur le conseil pédagogique ni l'autonomie des établissements

Le "conseil pédagogique" a réussi à s’affirmer peu à peu, estime le document de synthèse, et il est "considéré aujourd’hui comme un réel lieu d’échanges au service de la pédagogie, mais "le SNES-FSU estime qu'il a au contraire cassé le collectif", et que les enseignants sont "fatigués par des remises en question constantes". Quant à l'autonomie des établissements, elle est également loin de constituer un thème consensuel. Les deux organisations de personnels de direction, SNPDEN-UNSA et ID-FO estiment qu' "il devrait y avoir une tolérance accrue envers la différence, voire la divergence entre établissements", une solution rejetée par le SNES-FSU notamment. De toute façon, l’utilisation des marges de manœuvre "est limitée par un ensemble de contraintes matérielles et pédagogiques : disponibilité de salles ou d’ateliers, plages horaires banalisées, mise en barrettes d’horaires de langues ou d’accompagnement personnalisé, organisation d’épreuves en cours d’année ou des PFMP, prescriptions des programmes disciplinaires".

La réforme "a donné une nouvelle impulsion à la démocratie lycéenne", mais "le bilan est plus que contrasté", les maisons des lycéens ont été mises en place dans seulement un lycée sur deux et les conseils des délégués pour la vie lycéenne ont du mal à tenir leur véritable rôle "car ils sont peu représentatifs de l’ensemble de la population lycéenne et méconnaissent souvent les compétences qui leur sont dévolues" : "la parole lycéenne est encore trop peu entendue au sein du lycée". D'ailleurs, "les lycées professionnels rencontrent une grande difficulté à susciter l’engagement des lycéens".

Des objectifs pour les uns, des moyens pour les autres

Mais le document de synthèse souligne aussi que, "tout au long du bilan, se sont croisés le questionnement de la DGESCO sur les résultats des réformes au regard de leurs objectifs, et les réponses de plusieurs organisations syndicales sur une ressource humaine fortement sollicitée et faiblement accompagnée ou soutenue, voire reconnue".

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