Scolaire » Actualité

L'Ecole des Roches entre ambitions et souvenirs d'avoir été pionnière pour les pédagogies actives

Paru dans Scolaire le mercredi 29 juin 2016.

"L'école des Roches" fait rarement parler d'elle. Les frais de scolarité la réservent à une élite fortunée qui préfère la discrétion. Son fondateur en 1899 avait pourtant suscité le débat. Edmond Demolins était un pédagogue audacieux qui s'est inspiré des écoles nouvelles anglo-saxonnes et qui a, à son tour inspiré les pédagogues français de l'entre deux guerres et de la Libération*. Le retour au calme avait ensuite prévalu. Mais depuis quelques semaines, à l'entrée du campus, parmi une forêt de drapeaux du monde entier, de grands panneaux annoncent sa réhabilitation et une agence de communication a prévenu la presse du recrutement d'un "chef gastronomique" pour la cantine. Comment comprendre ce tournant dans la politique de cet établissement? Frédéric Catogni, son directeur général délégué, répond à nos questions.

ToutEduc : Comment faut-il comprendre le recrutement d'un chef étoilé ?

Frédéric Catogni : Il n'est pas "étoilé", mais il vient du groupe Barrière, il a l'habitude des "5 étoiles". Nous considérons que la gastronomie fait partie de notre patrimoine. Nous avons 50 à 100 élèves chaque année qui viennent de l'étranger, qui ne parlent pas français, et qui ont un an pour apprendre la langue et s'intégrer progressivement. La cuisine est un vecteur de la francophonie et elle participe à la culture française, au même titre que les sorties culturelles que nous organisons pour eux deux fois par semaine.

Je travaille aussi avec la fondation Paul Bocuse et les élèves, français comme étrangers, seront amenés, à partir de la rentrée, à faire à tour de rôle, avec le chef gastronomique, la cuisine de manière gastronomique. Ils repartiront avec des recettes signées Paul Bocuse.

ToutEduc : Vous avez des travaux sur le campus ? S'agit-il de réhabiliter l'existant ou de construire de nouveaux bâtiments ?

Frédéric Catogni : Les deux. Le campus est vieillissant. Nous avons commencé par l'Internet et par un réseau de 183 bornes wifi, nous en avons eu pour 1 million. Mais toutes les maisons d'internat vont être réhabilitée. Il y en a pour 4 ou 5 ans. Il ne s'agit pas d'un coup de peinture, nous refaisons toute l'électricité, les réseaux d'assainissement, et le chauffage avec une chaudière biomasse. Nous avons remis en état notre piste d'aviation et repris les cours de pilotage qui avaient été abandonnés, nous avons également créé une zone de pratique pour le golf, nous prévoyons la rénovation du théâtre, la création d'un gymnase, d'un nouveau restaurant, d'un nouveau centre équestre...

ToutEduc : Lorsque l'Ecole a été rachetée par le groupe Gems et que vous en avez pris la direction, il y a deux ans, vous avez déclaré à Paris-Normandie (ici) que vous vouliez construire 5 à 9 maisons supplémentaires, onze cours de tennis, trois terrains de basket et vous avez évoqué un budget de 50 M€...

Frédéric Catogni : Ce sera la phase 2, en fonction de l'évolution des effectifs, et pas avant 5 ans au moins...

ToutEduc : Quel est l'effectif actuel, et quel est votre objectif ? Quel est le montant des frais de scolarité ?

Frédéric Catogni : Nous avons actuellement 320 élèves et nous voudrions doubler ce nombre. Les droits sont, en externat, de 6 370 €/an, mais avec l'internat et les différentes options, ils peuvent atteindre 25 à 30 000 €, sachant que l'Ecole distribue chaque année sur ses fonds propres, 250 000 € de bourses. L'Ecole est partiellement sous contrat, et nos classes comptent au maximum 16 élèves.

ToutEduc : D'après Paris-Normandie, l'Ecole comptait 400 élèves en 2014. En a-t-elle perdus depuis ?

Frédéric Catogni : 400 élèves est une moyenne sur l’Ecole des Roches mais les années ont été très variables dans le passé. Nous avons volontairement limité le nombre d’élèves pour assurer la fermeture des maisons pendant le temp de rénovation**. Aujourd’hui, 4 maisons sont fermées pendant le temps des travaux.

ToutEduc : Votre école candidate pour le programme IB (le baccalauréat international). De quoi s'agit-il ?

Frédéric Catogni : C'est un diplôme créé dans les années 60 à l’initiative des universités de Harvard et Oxford. Les programmes du Diplôme sont actuellement rédigés par le top 5 des universités anglo-saxonnes. Les bureaux du Baccalauréat International (BI) sont localisés à Genève, Cardiff et en Hollande. C'est le diplôme le plus prisé par le "top ten" des universités, notamment Stanford. Le cursus que nous développons aux Roches porte sur les deux dernières années, première et terminale, et il ne s'agit pas tant de cours dans une autre langue que de programmes internationaux. Par exemple, les élèves n'étudient pas l'histoire de France, ou vue de France, mais l'histoire mondiale.

ToutEduc : L'Ecole a été achetée il y a deux ans par le groupe Gems ? Comment s'inscrit-elle dans la stratégie de ce groupe ?

Frédéric Catogni : Elle constitue un élément tout à fait à part. Le groupe a été créé par un couple d'enseignants indiens installés à Dubaï, deux chrétiens. Ils ont fondé une première école, puis une seconde, puis une troisième, et ils sont aujourd'hui à la tête d'un ensemble qui compte plus de 100 000 élèves dans le monde. Leur philosophie, c'est l'éducation de masse et leurs établissements présentent toute la gamme, avec des frais de scolarité faibles ou très élevés. L'Ecole des Roches est leur premier investissement en France, et elle conservera les valeurs de son fondateur, la bienveillance, le partage, l'auto-discipline...

ToutEduc : Sur LindedIn, vous indiquez que vous étiez directeur de l'Ecole de l'Oasis de Maadi, au Caire de 2010 à 2014. En quoi cette expérience vous est-elle utile ? Et au-delà, comment devient-on directeur de l'Ecole des Roches ?

Frédéric Catogni : C'est une erreur sur LinkedIn. J'ai été directeur pédagogique de l'Oasis de Maadi dans les années 2005-2010. Ne parlant pas arabe, je ne pouvais pas en être le directeur administratif. C'est une grande école internationale, avec trois langues, français, anglais, arabe, dès l'école maternelle. J'avais été recruté pour assurer la certification de l'Ecole pour le baccalauréat international. Je l'ai quittée parce que je voulais que mes enfants soient élevés en France, et parce qu'il n'est pas toujours évident de travailler en Egypte plus d’un certain temps.

J'ai commencé ma carrière comme certifié de mathématiques dans l'enseignement privé sous contrat et j'ai été chef d'établissement. J'ai été propriétaire et directeur de l'Ecole des Cèdres, une école hors contrat en Seine-Saint-Denis. Quand je suis rentré en France, j'ai passé le CAPES de l'enseignement public. J'avais postulé pour un poste en Suisse quand j'ai vu, sur un site de petites annonces (monster.fr), que le groupe Gems cherchait un directeur pour les Roches. J'avais l'expérience du public, du privé sous contrat, du privé hors contrat et du baccalauréat international.

 

* Gustave Monod, directeur de l'enseignement du second degré juste avant et juste après la seconde guerre mondiale, initiateur des classes nouvelles et président du comité de rédaction des Cahiers pédagogiques, avait été professeur de philosophie à l'Ecole des Roches avant la première guerre, et il y avait découvert les méthodes actives (avec Wikipédia)

** Selon des informations recueillies par ailleurs par ToutEduc, mais non confirmées, cette baisse du nombre des élèves serait, pour partie, due à la défection de familles russes.

Propos recueillis par P. Bouchard et relus par F. Catogni

« Retour


Vous ne connaissez pas ToutEduc ?

Utilisez notre abonnement découverte gratuit et accédez durant 1 mois à toute l'information des professionnels de l'éducation.

Abonnement d'Essai Gratuit →


* Cette offre est sans engagement pour la suite.

S'abonner à ToutEduc

Abonnez-vous pour accéder à l'intégralité des articles et recevoir : La Lettre ToutEduc

Nos formules d'abonnement →