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Enseignement professionnel : les réformes se multiplient dans tous les pays (Conférence de comparaisons internationales) )

Paru dans Scolaire, Orientation le samedi 21 mai 2016.

"Il n’y a plus de doute possible sur le fait que nos sociétés sont entrées dans une nouvelle évolution paradigmatique dont l’ampleur et le contenu n’auraient rien à envier à ce qu’ont connu nos sociétés lors de ce qui a été appelé des révolutions industrielles", prévient Alain d’Iribarne, sociologue et membre de la Fondation maison des sciences de l’homme, en ouverture de la conférence de consensus intitulée "Quel avenir pour l’enseignement professionnel ?" qui s’est tenue les 19 et 20 mai au lycée Diderot à Paris.

Organisée par le Conseil national d’évaluation du système scolaire (Cnesco) et le Centre international d’études pédagogiques (Ciep), en partenariat avec le Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Céreq) et le Laboratoire d’Economie et de sociologie du travail (LEST), cette conférence a permis à des experts français et internationaux de réfléchir ensemble aux évolutions possibles de la formation professionnelle pour "concilier les aspirations éducatives des jeunes et les besoins du marché du travail". 

Pertes de repères et de sens

Pour Alain d’Iribarne, on assiste aujourd’hui à "une déstabilisation des normes et des standards de travail et d’emploi entraînant des pertes de repères et de sens". Citant à la fois les temps de travail des "constamment connectés", les espaces de travail nomades ("open space", télétravail, "desk sharing"), les statuts professionnels liés au travail (salarié, indépendant, "bénévole troqueur de services"), ou la remise en cause des fonctionnements hiérarchiques et le passage de la pyramide au réseau, le sociologue décrit clairement le challenge : "Toutes les institutions d’éducation et de formation du monde sont à des degrés divers contraintes de procéder à une grande revue de leur nature et de leurs pratiques dans une perspective d’efficacité et de qualité de services rendus, cette qualité étant mesurée par la qualité des insertions sur le marché du travail avec des statuts ou non de salarié".

Si l’adaptation est nécessaire, "de récentes recherches ont indiqué que les systèmes d’éducation et de formation professionnelle ne doivent pas être analysés indépendamment des complémentarités qui existent entre la formation des compétences et d’autres aspects de l’économie", a souligné Marius Busemeyer, professeur à l’université de Constance. "Ainsi, dans certains pays comme l’Allemagne et le Japon, les entreprises sont fortement impliquées alors qu’en Grande Bretagne et aux Etats-Unis, elles le sont beaucoup moins ; la Suède a un système avant tout étatique alors que la France a choisi un système hybride où l’Etat et les entreprises interviennent".

Ces disparités ont marqué ces deux jours de conférence. Pierre Doray, professeur à l’université du Québec à Montréal, a ainsi décrit l’évolution de la formation professionnelle dans son pays : "Dans les années 1960, on a décrété que la formation professionnelle, identifiée à la formation des métiers, allait se réaliser dans l’enseignement secondaire, alors que la formation technique, destinée à la formation d’emplois dits de techniciens, allait être dispensée dans une nouvelle institution, les collèges d’enseignement général et professionnel. Mais au cours du temps, la formation professionnelle a connu une diminution drastique de ses effectifs. L’hémorragie a été très forte et en 1986, il a été décidé de fusionner la formation professionnelle des jeunes et celle des adultes. Depuis, la majorité des élèves sont des adultes, la moyenne d’âge est de 26 ans". 

L’apprentissage en question

Enseignement professionnel intégré ou non, formation en alternance, apprentissage... Mona Granato, chargée d’études à l’Institut fédéral de la formation professionnelle en Allemagne, a fait le point sur le "système dual" : "La formation professionnelle initiale en alternance est le chemin le plus important pour la majorité des jeunes afin d’obtenir un diplôme professionnel, étant donné qu’environ 40% des jeunes d’une classe d’âge obtiennent un baccalauréat à la fin de la scolarité d’enseignement général". Si on compte 1,4 million d’apprentis en Allemagne, "on manque de places, on constate une baisse du nombre d’entreprises formatrices". Manque de temps, hétérogénéité des formations, pour Mona Granato, "c’est un phénomène inquiétant, d’autant que ce sont les jeunes issus de l’immigration qui ont le plus de difficultés à trouver une place. On assiste à une fermeture ethnique et à un risque d’exclusion durable".

L’enseignement professionnel préoccupe tous les pays et les réformes se multiplient. En Grande Bretagne, "on veut 3 millions d’apprentis dans les années à venir", annonce Lorna Unwin, professeure émérite à l’Institut d’éducation. "En 2013, face au chômage des jeunes, le gouvernement coréen a développé de manière ambitieuse un système d’alternance pour les étudiants des lycées professionnels et d’autres jeunes demandeurs d’emploi", constate Eon Lim, chercheuse au Centre d’éducation professionnelle continue. "Ces changements de politiques, mis en œuvre ces dernières années, a quelque peu atténué ‘la fièvre de l’éducation’ de la Corée en diminuant le taux d’entrée dans l’enseignement supérieur".

Le rapport du Cnesco sera publié le 8 juin.

 

 

 

Colette Pâris

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