"Plus de maitres que de classes" : quel impact sur les pratiques des écoles ? (Centre Alain Savary)
Paru dans Scolaire le vendredi 20 mai 2016.
Le dispositif "Plus de maitres que de classes" fait-il changer l'école ? C'est la question explorée par le Centre Alain Savary (Institut français de l'éducation) dans une synthèse publiée en mai. Première observation, les pratiques s'avèrent très hétérogènes, y compris au sein d'une même école. Certains enseignants souhaitent d’abord "alléger l’effectif pour gagner en calme et en capacité d’action au plus proche des élèves". Ils privilégient les "cours doubles" rassemblant des élèves de plusieurs classes d’âge, les groupes de soutien pour certains élèves. L'objectif est la remédiation, en raison d'apprentissages insuffisants ou d'erreurs de l'élève. "Mais très peu d’écoles font le choix d’interventions 'massées' d’au moins quatre à six heures pour les élèves concernés", remarque le Centre Alain Savary.
D’autres enseignants, eux, préfèrent que le maître supplémentaire vienne travailler avec eux dans le cadre de la classe, soit pour renforcer l’aide proposée aux élèves, soit pour proposer des modalités "décrochées" qui permettent de faire une brève explication à un groupe, soit pour accompagner des tâches complexes (résolution de problèmes, production d’écrit, enseignement de la compréhension, géométrie…) nécessitant à la fois de la "main-d’œuvre enseignante" et de nombreuses interactions verbales. Les recommandations officielles privilégient largement ce co-enseignement "dans le but de ne pas favoriser l’externalisation de la difficulté scolaire". Cependant, le premier modèle, axé sur la rémédiation, prévaut parfois.
L’amélioration du climat de classe
Quels sont les atouts de ce dispositif ? Aux yeux des enseignants, le travail à deux (ou plus) facilite la gestion des groupes "notamment lorsqu’ils comportent des élèves turbulents, inattentifs ou perturbateurs". Les maîtres se recentrent sur les situations d’apprentissage et l’accent est davantage mis sur les conditions d’une meilleure maitrise du "lire, écrire, parler, compter". En outre, tous soulignent "l’amélioration du climat de classe (plus serein, plus calme, plus propice à l’étude) et ses corolaires, l’accroissement de l’attention et de l’engagement des élèves dans les tâches".
Autre bénéfice : l'augmentation des interactions entre enseignants et élèves généré par le dédoublement des effectifs et les interventions conjointes. "Les élèves attendent moins pour bénéficier d’un avis sur leurs productions et sont destinataires de beaucoup plus de feedbacks positifs. Autant de facteurs qui favorisent les apprentissages des élèves", souligne le Centre Alain Savary.
L’évaluation bienveillante du travail de chacun
Le travail collectif entre enseignants à l’échelle des dyades ou des équipes d’école est perçu comme un autre point très positif. Le Centre Alain Savary constate : "Il implique de plus en plus les conseillers pédagogiques dont la professionnalité évolue à son tour, en se rapprochant du terrain, et en construisant avec d’autres métiers (directeurs, coordonnateurs, réseaux d’aide parfois) les conditions d’un 'intermétier' qui développe des compétences à dégager des 'observables communs', des priorités, des temporalités plus précises, et des conditions de l’évaluation bienveillante du travail de chacun, y compris des enseignants !"
Enfin, le dispositif "met le pilotage en mouvement, qu’il soit départemental ou local". Ainsi, au niveau départemental, un suivi pluricatégoriel permet de donner les grands axes. "Dans de nombreux départements, sont mis en œuvre par les directeurs académiques des espaces de travail qui réunissent inspecteurs, conseillers pédagogiques, directeurs, coordonnateurs, maitres supplémentaires pour partager les démarches, mieux connaitre les expériences, tirer des conclusions et faire de nouveaux projets", relève le Centre Alain Savary. Le pilotage local, quant à lui, contribue à mettre en adéquation ce qui est prescrit avec la réalité de terrain, en requestionnant notamment le rôle du directeur de l’école dans son rôle d’animateur.
La synthèse du Centre Alain Savary est consultable ici
Diane Galbaud