Pédagogie : l'inspection évolue partout, sauf en France (Revue Administration et Education).
Paru dans Scolaire le mercredi 18 mai 2016.
"Au sein d’un paysage éducatif morcelé, on observe une harmonisation croissante des inspections intervenant au niveau local – hormis en France", constate Stéphane Kesler, IGAENR, dans le dernier numéro de la revue Administration et éducation intitulée "Les inspecteurs territoriaux : médiateurs du changement". Résumant les principales caractéristiques du modèle européen, l'inspecteur général remarque que "presque partout, les inspecteurs ont été dessaisis des tâches administratives, confiées à des acteurs distincts" et qu’ils n’évaluent plus les personnes, chefs d’établissement ou enseignants. C’est notamment le cas en Pologne et en Belgique francophone où l’inspection ne procède plus à l’évaluation d’enseignants mais à l’évaluation d’établissements.
A ce niveau, le rôle de l’inspecteur est de "décrire fidèlement ce qui a été observé", de "confronter cette réalité avec le cadre donné au niveau central" et de "réaliser un diagnostic de la situation du terrain". Cette inspection locale ne se conçoit, selon l’auteur, "qu’en fonction d’un cadre de référence clair, comportant un certain nombre d’indicateurs et de normes élaborés au niveau central, et valables pour l’ensemble du système éducatif considéré". Un cadre qui a récemment été mis en place en Italie, en Hongrie ou en Grèce.
Un cadre large d’évaluation
Ce type d’évaluation porte sur "un champ extrêmement large", souligne Stéphane Kesler. La grille d’appréciation comprend en général quatre domaines clés : "la qualité de l’enseignement en classe ; les résultats des élèves ; le comportement des élèves et leur sécurité ; la gestion et le management de l’école". L’inspection écossaise a "théorisé sous le nom de triangulation l’utilisation, à côté de l’observation de la classe, de deux autres éléments d’évaluation de l’enseignement : des données quantitatives (dont en partie les résultats des élèves) ; des questionnaires et interviews auprès d’interlocuteurs variés (parents, élèves, personnels)".
Face à ce modèle européen, l’inspection française fait figure d’exception, même si, au travers des différents articles de la revue, les auteurs ressentent incontestablement le besoin d’une évolution. Dans cette perspective, Jean-Marie Panazol, IGEN et directeur de l’Ecole supérieure de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche (ESENESR), imagine quelles seront "les missions des inspecteurs à compétence pédagogique en académie dans dix ans". Selon lui, "l’évaluation-contrôle" n’aura pas disparu mais "elle devra dépasser nécessairement une vision disciplinaire pour adopter une entrée systémique, transversale, en contextualisant l’observation, l’analyse et les préconisations".
La dimension managériale
Dès lors, il s’interroge sur "les critères prioritaires pour le recrutement des inspecteurs et notamment quelle place réserver désormais à l’expertise disciplinaire", sur leur formation initiale et continue et sur "la reconnaissance de la diversité et de la complexité des missions dans le suivi de la carrière et la rémunération". Parmi "quelques évolutions à défaut d’une révolution", Jean-Marie Panazol propose notamment "la possibilité pour un inspecteur d’assurer temporairement les missions de chef d’établissement, de conseiller de recteur ou de DASEN, voire de chef du service éducation d’une collectivité, indépendamment des préoccupations de carrière".
Constatant que "les fondements de la légitimité d’un inspecteur évoluent et l’expertise disciplinaire n’est plus la seule référence", le directeur de l’ESEN affirme que "la dimension managériale devra être centrale dans la formation initiale et proposée en renforcement en formation continue". Il suggère de "fusionner les différentes catégories d’inspecteur au sein d’un même corps" et de revoir l’appellation de ce corps, "l’appellation actuelle faisant explicitement appel à une pratique désormais en voie de régression".
Revue Administration et éducation, n°149, mars 2016, 20€.