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Le problème des "maths pour tous" (Cahiers pédagogiques)

Paru dans Scolaire le mercredi 11 mai 2016.

"Une droite, prénommée Domitille, souffre de courbatures à force de s’étirer sans fin ; un triangle est en pleurs car il se sent quelconque ; un point refuse de s’aligner aux points d’une droite pour conserver sa liberté ; un segment se désole d’être limité ; le centre d’un cercle se prend pour le centre du monde et se conduit en tyran…". Avec des élèves de 9 à 12 ans, Sylvie Leclerc-Reynaud, professeure documentaliste, a mis en place des ateliers autour de contes, en mêlant philosophie et mathématiques.

C’est l’une des tentatives d’enseigner les maths "autrement" présentées dans le dossier des Cahiers pédagogiques du mois de mai intitulé "Des maths pour tous". Guillaume Caron, professeur de mathématiques et formateur, et Rémi Duvert, ancien professeur en collège et formateur, coordonnateurs de ce dossier, résument ainsi leur objectif : "Et si on essayait de vraiment changer l’image des mathématiques ? De les faire apprécier de tous (élèves, parents, journalistes) ? […] Et de redire le plaisir qu’on éprouve à s’approprier des problèmes, à chercher en équipe, et surtout à trouver des solutions ? Où à créer une petite œuvre d’art géométrique ?".

Un enseignement dual

 Des maths pour tous ? Pas sûr, nous rappelle Xavier Sido, maître de conférences en didactique des mathématiques à Lille-III, en revenant sur l’histoire des mathématiques du XXe siècle à nos jours. En effet, "de la fin du XIXe siècle jusqu’au début des années 1960, tous les élèves soumis à l’obligation scolaire (jusqu’à 13 ans en 1882 puis 14 ans en 1936) ne reçoivent pas le même enseignement mathématique". Il distingue "l’ordre primaire et secondaire". Le premier "destiné au peuple", vise "à préparer l’entrée dans la vie active", d’où un enseignement en mathématique "concret et intuitif, centré sur l’acquisition de connaissances pratiques et usuelles, utiles à la vie sociale".

Parallèlement, "l’ordre secondaire, lui scolarise dès les petites classes les élèves de l’élite sociale et intellectuelle, et s’inscrit dans la perspective d’une poursuite d’études dans le supérieur". Cette éducation est essentiellement centrée sur "une culture des humanités classiques désintéressée". Face aux enjeux économiques et industriels, c’est la réforme de 1902, souligne Xavier Sido, qui "met fin au monopole des humanités classiques en étendant la possibilité de faire des mathématiques, dans les sections modernes, dès le premier cycle du lycée et non plus seulement en dernière année". Mais "cet enseignement des humanités scientifiques reste ancré dans une culture de l’esprit, loin de la culture mathématique pratique et utilitaire revendiquée pour le primaire".

Le modèle du secondaire

Ce dualisme perdurera malgré toutes les réformes suivantes et même en 2005, lorsque le socle commun de connaissances et de compétences visera à définir une "culture mathématique pour tous". Pour Xavier Sido, il serait temps de "mener une réflexion pour résoudre le paradoxe de la construction depuis les années 1960 d’une culture mathématique commune, dans une scolarité obligatoire dominée par le modèle de l’enseignement des mathématiques du secondaire".

François Moussavou, enseignant en lycée professionnel, s’interroge sur les "maths pour tous" et les "maths pour spécialistes". Il reconnaît que "déterminer les contenus d’enseignement des mathématiques pour la scolarité obligatoire reste un exercice particulièrement difficile. Il faut tenir compte des besoins qu’auront les futurs citoyens évoluant dans une société en perpétuelle évolution et de plus en plus technologique". Tentant d’imaginer "des mathématiques pour demain", François Moussavou pose le problème : "Il faut préparer et armer ceux qui choisiront de s’orienter vers des carrières scientifiques ; il faut également permettre aux élèves qui s’engageront, immédiatement après la 3e dans des formations professionnelles d’avoir les bases mathématiques jugées nécessaires pour acquérir les compétences de chaque métier" et tenir compte "de la spécificité d’apprentissage et d’abstraction des enfants et des jeunes adolescents". La quadrature du cercle ?

"Des maths pour tous", Cahiers pédagogiques, n°529, mai 2016, 10€.

 

 

 

 

 

Colette Pâris

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