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Pédophilie : N. Vallaud-Belkacem souligne la responsabilité du recteur dans l'affaire de Villemoisson

Paru dans Scolaire, Périscolaire le vendredi 22 avril 2016.

"Si l’affaire s’était déroulée aujourd’hui, la question du maintien en poste du recteur se poserait", déclare à Libération Najat Vallaud-Belkacem qui revient sur la décision prise à l'encontre d'un enseignant du collège Blaise Pascal de Villemoisson-sur-Orge (Essonne), condamné pour des faits de pédophilie en Angleterre, mais que la CAPA de Versailles (la commission administrative paritaire académique) n'avait pas révoqué. La ministre de l'Education nationale publie ce 22 avril le rapport de l'IGAENR (Inspection générale de l'administration) qui s'est penchée sur les faits. Elle résume : "des dysfonctionnements et des erreurs d'appréciation graves ont eu lieu dans cette affaire sans pouvoir les faire reposer sur une faute individuelle", mais les délégués du personnel n'ont pas eu "d’attitude corporatiste". Elle ne donne pas le nom du recteur alors en fonction dans l'académie de Versailles, et qui a entériné la décision de la CAPA (Alain Boissinot, ndlr) mais rappelle qu'il est à la retraite et que donc la question de son maintien en fonction ne se pose pas. 

Dans leur rapport, les inspecteurs rappellent que les forces de police ont découvert fortuitement "des faits mettant en cause un professeur de mathématiques" (voir ToutEduc ici). Il est aussitôt suspendu par l'autorité académique qui "découvre, à l’occasion de l’examen de son dossier administratif, qu’il avait déjà été condamné à 15 mois de prison ferme par un tribunal anglais en 2006 pour agression sexuelle sur mineurs et voyeurisme". Alors qu’il était moniteur d’une colonie de vacances, il était entré "dans la chambre de trois garçons et (avait) tenté de baisser leurs shorts boxer pendant leur sommeil" et il avait "observé deux garçons nus pendant qu’ils se douchaient".

Pas de communication des pièces par le Royaume Uni

Le rectorat avait suspendu le traitement de l'enseignant tandis que celui-ci purgeait sa peine, et, à son retour, l'avait suspendu "à titre conservatoire". Il avait demandé au procureur de la République des informations, mais n'avait pas obtenu de réponse. "L’autorité judiciaire ne disposait en droit d’aucun moyen de se faire communiquer les éléments précis sur la situation judiciaire de l’intéressé au Royaume Uni", et à cette date, "une peine prononcée au Royaume-Uni n’était pas reconnue judiciairement en France". Désormais, le casier judiciaire national français "est connecté avec la totalité des autres états membres de l’Union européenne, à l’exception de Malte, du Portugal et de la Slovénie (...) En revanche, l’inscription au fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (FIJAIS), n’est toujours pas automatique."

Cela n'interdisait pas au rectorat d’engager une procédure disciplinaire à l’encontre de l’enseignant, mais, à l'unanimité, la CAPA "avait proposé qu’aucune sanction ne soit prononcée contre l’enseignant, avis qui avait été suivi par le recteur". Les inspecteurs s'étonnent de la décision prise par la CAPA. Mais celle-ci a fait preuve, dans des affaires similaires "d’une grande rigueur dans le traitement de ces dossiers". Dans le cas présent, l'avocat de l'enseignant "a su mettre en avant les failles du dossier administratif" et il a soutenu que le procès avait été partial, sans expertise visant à "vérifier la crédibilité du témoignage des enfants". Il a produit une attestation de l'épouse de l'enseignant et le certificat d’une psychothérapeute "attestant qu’il ne présent(ait) pas de signes de dangerosité dans le cadre de sa profession". La mission s'étonne toutefois que "ni la lourdeur du quantum de la peine d’emprisonnement prononcée, ni la mesure d’interdiction d’exercer auprès de mineurs" n'aient "apparemment", pas été évoquées lors des débats (...) Mais les débats au sein de la commission administrative paritaire ont été sérieux et le délibéré long, preuve que l’avis n’a certainement pas été rendu à la légère". Pour la mission, il n'y a "aucune faute qui puisse être reprochée mais bien une succession de circonstances qui peuvent éclairer les motifs de la décision prise à l’époque, quelque surprenante qu’elle puisse apparaître aujourd’hui".

L'administration ne peut remettre en cause une décision de justice

La mission préconise donc "qu’une instruction rappelle aux rectorats que la matérialité des faits s’impose quand le jugement est définitif", et elle estime que, même si la sanction prise par l'administration "n’est jamais automatique", elle ne peut aboutir "à remettre en cause une décision de justice". Elle demande que les recteurs président personnellement les CAPA "dans les affaires mettant en cause des mineurs" et qu'ils en informent systématiquement le ministère "avant de prendre ou non une sanction, y compris quand ladite sanction ou l’absence de sanction relève des pouvoirs propres du recteur" tandis que l’expertise juridique des rectorats pourrait être renforcée.

Le dossier de presse du ministère rappelle que la loi "relative à l'information de l'administration par l'autorité judiciaire et à la protection des mineurs" a été publiée au JO le 14 avril.  C'est au mois de mai que sera publié le décret d'application .C'est aujourd'hui que doit être publié au BO "l’instruction de politique disciplinaire concernant les faits portant atteinte à l’intégrité physique ou morale des mineurs". Elle rappellera "l’exigence d’exemplarité attendue des personnels de l’éducation nationale en contact habituel avec des mineurs" ainsi que "les règles relatives à l’articulation entre l’action pénale et l’action disciplinaire. Elle demande que les CAPA réunies en formation disciplinaire soient "systématiquement" présidées par les recteurs ou les DASEN "lorsque sont en cause des faits portant atteinte à l’intégrité physique ou morale des mineurs", et que les dossiers soient "transmis aux services de ressources humaines ministériels afin qu’un regard croisé sur la sanction la plus adaptée puisse être porté en amont de la prise de décision (...) Des formations seront par ailleurs proposées à l’ensemble des acteurs impliqués dans le suivi des procédures disciplinaires."

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