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Le redoublement n'est pas rendu impossible par décret (Conseil d'Etat - une analyse d'A Legrand)

Paru dans Scolaire le jeudi 21 avril 2016.

La question du redoublement a fini par atteindre les prétoires. On sait que ce phénomène a toujours revêtu une importance particulière en France et qu’au milieu des années 2000, notre pays était encore, au sein de l’OCDE, en tête de ceux qui faisaient redoubler leurs élèves. Il n’y a donc rien eu d’étonnant à ce que, suivant de nombreux exemples étrangers, dont certains interdisent par exemple le redoublement dans les premières années du primaire, la France ait essayé d’encadrer le phénomène, en édictant des textes cherchant à le limiter. Mais, depuis que la loi Jospin l’a prohibé en cours de cycle, tout en précisant dans son rapport annexé "qu’il ne s’agissait pas de l’interdire, mais simplement de le limiter, car, souvent vu comme une sanction, il doit être réduit à des cas bien particuliers d’échec scolaire", et à mesure que l’application de ces règles a entraîné en France le plus fort recul du redoublement parmi les pays de l’IOCDE, la question a soulevé des controverses de plus en plus vives au sein du système éducatif et de la société civile et politique en général.

L’hostilité au redoublement s’est exprimée par des formules un peu différentes dans les textes ultérieurs. Si la loi Fillon de 2005 sur l’avenir de l’école était plus nuancée, en réintroduisant la possibilité du redoublement en cours de cycle et en affirmant dans son rapport annexé qu’il "doit être regardé comme une solution ultime, même si son existence est nécessaire", la loi Peillon de 2013 a adopté une formule perçue par ses adversaires comme plus restrictive, en introduisant dans l’article L . 311-7 du code de l’éducation une disposition selon laquelle "le redoublement ne peut être qu’exceptionnel".

C’est sur la base de cette disposition qu’a été pris l’article 27 du décret du 18 novembre 2014 (article D. 331-62 du code de l’éducation). Selon ce texte, "à titre exceptionnel, un redoublement peut être mise en œuvre pour pallier une période importante de rupture des apprentissages scolaires"; il intervient avec l’accord écrit des représentants légaux de l’élève ou de l’élève lui-même, s’il est majeur. 

Le SNALC contestait ce texte devant le Conseil d’Etat ; il lui reprochait de restreindre le champ d’application de la loi et, en modifiant le processus de prise de décision, de retirer aux enseignants une de leurs dernières prérogatives. Dans le cadre de son contrôle restreint, le Conseil a rejeté le recours dans un arrêt du 7 avril 2016, en estimant que le décret restait dans le cadre de la loi. En décidant que la seule hypothèse possible de redoublement était le cas où il fallait pallier une période importante de rupture des apprentissages, le décret, dit le CE ne fait que préciser, sans méconnaissance de la loi ni erreur manifeste d’interprétation, le sens du mot "exceptionnel". Et la nécessité de l’accord écrit des parents ne rend pas, ajoute le juge, le redoublement impossible et il respecte les prescriptions de la loi qui le rend exceptionnel sans l’interdire absolument.

 

 

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André Legrand

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