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L'enseignement de l'histoire entre roman national et esprit critique (Dossier de veille de l'IFE)

Paru dans Scolaire le mardi 29 mars 2016.

"Les rapports entre histoire et esprit critique sont au coeur des interrogations des historiens", fait remarquer Annie Feyfant dans le dernier "dossier de veille" de l'IFE, consacré à "l'histoire scolaire". Elle ajoute que les enseignants sont "confrontés à la difficulté de traiter des questions socialement vives" avec des élèves "pour qui le roman national ne fait pas sens", mais qui doivent "acquérir une conscience historique et critique leur permettant de comprendre l’histoire des civilisations".

Or les élèves sont rarement mis en situation de produire une mise en récit de l'histoire. Lors des examens, la formulation des consignes, "racontez", "expliquez", les amène "à communiquer un savoir, mais pas à le produire par une approche critique des faits", ce qui pose la question du sens même de cet enseignement. S'il est discuté, une certitude néanmoins s'impose, "l’histoire se réfère à ce qui est arrivé dans le passé", mais "elle est aussi le témoignage de l’expérience humaine, dans le temps et dans l’espace"; "elle est mobilisée pour essayer de comprendre le présent et envisager ce que pourrait être l’avenir" et pour "former des citoyens responsables".

Le caractère politique de l'histoire scolaire

Pour comprendre l’histoire de cette discipline, il ne faut donc négliger "ni les attentes de la société", "ni le caractère politique de l’histoire scolaire" explique dans sa thèse Patricia Legris. Les programmes "sont en quelque sorte le reflet de l’évolution du rôle de l’État". En 1977, on passe "d’une citoyenneté stato-centrée nourrie d’un individualisme républicain à une citoyenneté ouverte qui multiplie les appartenances" et le récit historique intègre en 1982 "cette citoyenneté diverse": "les programmes de terminale et de troisième évoquent les victimes de la Shoah ; en 2000, ils intègrent le rôle des femmes dans l’histoire ; en 2002, l’enseignement de la Shoah est introduit dans les programmes de CM2 ; en 2008, une thématique est consacrée aux immigrés." Pour Benoît Falaize, l’enseignement de l’histoire "a été bousculé" par les deux guerres mondiales, "car le choc a été tel qu’on se demande ce qu’il faut dire aux enfants".

Entre récit national et pensée historique

L'auteure souligne que "certaines recherches mettent en avant l’absence d’une approche globalisante" puisque l’Europe "n’est pas envisagée sous l’angle d’une histoire partagée, dans le cadre de perspectives mondiales". Et d'autres montrent que "la construction de la nation à travers la transmission des mythes collectifs (...) déconnecte l’enseignement de l’histoire de la discipline scientifique de l’histoire". Et "tous les travaux de recherches, en Europe et outre-Atlantique, relatifs à la place de l’histoire dans les curriculums, s’interrogent sur la place du 'roman national' dans la construction de l’histoire scolaire" : on est passé d'une pédagogie du récit déjà constitué "qu’il ne s’agissait que de faire connaître" à une "pédagogie de l’apprentissage de la pensée historique".

En France, dans le secondaire, la démarche privilégiée par les enseignants est l’analyse de documents issus du manuel, photocopiés "ou élaborés par l’enseignant. "À côté de l’analyse de documents, la séance d’histoire est occupée par le discours de l’enseignant" et l'élève "recopie ce que l’enseignant écrit au tableau" ou écrit sous sa dictée tandis que "la prise de parole des élèves est très peu favorisée". Pour définir les finalités de la discipline, il faut se référer aux critères qui ont été retenus pour l'évaluation des élèves, "situer dans le temps et dans l’espace, lister les éléments d’un espace, d’une période, replacer un événement, un fait dans son contexte, etc." ; sélectionner des informations implicites ou explicites dans des documents; interpréter une situation, proposer une synthèse ; distinguer une information d’une opinion, critiquer une information ; reformuler des informations en utilisant différents langages...

Des exigences intellectuelles et une forme scolaire

Mais une enseignante, Laurence De Cock fait remarquer que les nouvelles épreuves d’étude critique de documents des baccalauréats ES et L "demandent une autonomie et une intensité intellectuelle auxquelles la forme scolaire et les pratiques traditionnelles d’enseignement ne préparent pas". L'un de ses collègues, Charles Heimberg évoque une contradiction entre "intentions critiques et les doxas tyranniques, qui non seulement ne facilite pas l’apprentissage de l’esprit critique mais peut y faire barrière".

"Les enjeux de la construction d’une histoire scolaire commune", Annie Feyfant. Dossier de veille de l’IFÉ, n° 109, mars, à télécharger ici 

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