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Outils pédagogiques favorisant l’autonomie des élèves : un risque de creusement des inégalités scolaires (revue "Recherches en éducation")

Paru dans Scolaire le mercredi 02 mars 2016.

Les outils pédagogiques visant à favoriser l’autonomie des élèves à l’école primaire peuvent accroître les inégalités entre les enfants : c 'est le constat d'Héloïse Durler, sociologue, chargée d'enseignement à la Haute École pédagogique de Lausanne, dans la revue "Recherches en éducation" datée de mars 2016. La chercheuse s'appuie sur les résultats d’une enquête ethnographique menée à l’école primaire.

Première observation : une pluralité d’utilisation de ces outils (listes de tâches à réaliser, bilans, auto-évaluations...) par les élèves. Mais certains usages donnent lieu à des discours négatifs de la part des enseignants. Ainsi, si certains enfants parviennent à réaliser "dans les temps" les activités demandées et se voient considérés comme autonomes, d’autres en revanche sont jugés "trop lents" et par conséquent moins autonomes. "Les enseignants se plaignent alors d'une population particulière d'élèves, selon eux en augmentation : les enfants qui ont besoin de plus de temps pour apprendre'", souligne Héloïse Durler.

Les élèves "tentent tant bien que mal de s’adapter à un univers peu familier"

Autre motif d'insatisfaction des enseignants : le "manque de concentration" de certains élèves qui les sollicitent trop souvent. Comment l'expliquer ? La sociologue suggère : "Pour reprendre l’hypothèse proposée par Bernard Lahire (1993), ces sollicitations et demandes d’information à l’enseignant ou entre élèves renvoient à des pratiques par lesquelles les élèves ne disposant pas de ressources suffisantes tentent tant bien que mal de s’adapter à un univers peu familier : ils ont constamment besoin d'un appui extérieur pour réaliser leur travail, il faut faire précéder la tâche d'un petit dialogue, poser des questions, etc."

Enfin, certains enfants ne "participent" pas et ne font pas un usage "actif ", autrement dit réflexif des supports pédagogiques. Sur ce point, Héloïse Durler rélève un paradoxe : "C’est la plupart du temps sur les élèves qui rencontrent les plus grandes difficultés scolaires que la pression à la participation est la plus grande, alors que ce sont précisément ces élèves-là qui ont, de par leur socialisation familiale, une plus faible probabilité de posséder des ressources pour entendre ce qui leur est implicitement ou explicitement demandé."

Des injonctions "étranges ou vides de sens"

Au nom de l’autonomie de l’élève, l’enseignant évite parfois d’indiquer très précisément une marche à suivre ou de donner des indices qui pourraient aider à effectuer le travail demandé. Or, "en l’absence de ressources constituées au sein de la famille (liées au langage, à l’habitude de s’exprimer sur son expérience, à la familiarité avec les concept scolaires d’apprentissage, etc.), il semble difficile pour une partie des élèves, en particulier lorsqu’ils sont issus de milieux populaires, de percevoir les indices utiles à la réalisation du travail scolaire à partir des supports pédagogiques observés", explique la chercheuse.

Et d'ajouter : "Les injonctions et conseils des enseignants, ainsi que les attentes contenues dans les supports pédagogiques, demandant aux élèves d’établir un rapport réflexif à leur travail scolaire, leur semblent alors étranges ou vides de sens".

La revue "Recherches en éducation" n° 35, mars 2016, est consultable ici

Diane Galbaud

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