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Comment un établissement scolaire apporte-t-il son soutien aux élèves ? (rapport de recherche)

Paru dans Scolaire le vendredi 12 février 2016.

Il ne suffit pas de constater que les élèves de certains établissements qui ont comme caractéristique commune d'être "chaleureux-exigeants" obtiennent de bons résultats, encore faut-il comprendre pourquoi. Comment comprendre que leurs élèves "trouvent du sens à l’école et à ce qu’ils y apprennent, y prennent un certain plaisir" et obtiennent "des résultats qui les satisfont", ainsi que leurs enseignants et leurs parents ? Il faut examiner de plus près leur fonctionnement si on part de l'hypothèse que la réussite n'est pas uniquement le fait des individus, "que c’est le dispositif qui, par ce qu’il offre aux élèves ou attend d’eux, par les expériences sociales et scolaires qu’il leur permet de vivre, favorise ce type de résultat".

C'est ce qu'a fait une équipe d'enseignants chercheurs coordonnée par Dominique Glasman (Université de Savoie), Patrick Rayou (Paris-VIII) et le Centre Alain Savary-IFE*. Ils ont étudié les fonctionnements d'un "microlycée", du collège-lycée Célestin Freinet, du collège-lycée Malherbe, du collège Annie Ernaux, du lycée Copernic, du collège-Lycée Simone De Beauvoir. Ces établissements "ont en commun le projet d’offrir la palette d’étayage la plus large possible pour la réussite scolaire des élèves en les responsabilisant dans leur projet d’apprentissage" et ils "se caractérisent par une dialectique permanente entre individualisation et appui sur le collectif". A côté des internats d'excellence figurent des établissements accueillant des anciens "décrocheurs", des établissements "moins spécifiques voire plus ordinaires", et dans ces établissements, "des élèves réussissent et certains échouent", car s'ils "conduisent de fait leurs élèves vers une certaine réussite, voire une réussite incontestable", "les résultats sont assez différents au sein d’un même établissement, d’un même dispositif, pour des élèves qui ont bénéficié des mêmes soutiens, des mêmes accompagnements".

La bienveillance comme prérequis

Dans ces établissements, "l’exigence scolaire est bien présente", mais les enseignants "ont en commun de considérer la bienveillance et le climat de confiance comme un prérequis pour entrer dans les apprentissages". Ils se situent "dans la tradition pédagogique socioconstructiviste". Dans l’ensemble, la didactique est assez "classique" et les enseignants s'inscrivent "dans le registre du cours dialogué (...) Les collaborations entre enseignants sont nombreuses et (...) conduisent les élèves à envisager les connaissances sur un mode différent dans une perspective transversale (...). Des pratiques de soutien plus individualisés permettant un accompagnement des élèves dans leur singularité (...) sont associées à des pratiques d’explicitation des attendus scolaires (...)". Dans leur description des dispositifs mis en oeuvre, les chercheurs évoquent aussi "la pédagogie de projets" qui passe par des projets d’écriture, des activités artistiques, ou encore des ateliers scientifiques, "autant d’activités inscrites dans la tradition des pédagogies de détour". Autre caractéristique, la désignation d'un adulte référent qui "est le repère de l’élève et de sa famille pour toute l’année scolaire" et qui "joue un rôle de médiateur entre l’environnement scolaire, l’élève et les familles". D'ailleurs, "pour les publics adolescents, une plus grande intégration des familles dans le processus est souhaitée par les agents éducatifs, mais elle reste difficile (...)".

Il sont animés, ajoutent les auteurs, par un double postulat, "si l’élève travaille plus, il va réussir mieux" et "pour que l’élève travaille plus et mieux il doit être réconcilié, heureux en confiance avec l’activité scolaire". Mais est-ce si sûr ? Pour tous, les dispositifs de soutien sont "quelque chose de précieux, parce qu’inespéré", c'est "le signe que l’on s’occupe d’eux". Cette aide est souvent bienvenue, mais elle peut être rejetée, car l’aide proposée "leur dit qu’ils ne sont pas des élèves normaux". Ils sont aussi parfois dans une perspective de réussite immédiate et l'un d'eux se dit qu'il préférerait "bosser sur un contrôle ou un cours plutôt que pendant trois heures apprendre à faire des photos". En revanche, les élèves déclarent "avec une grande récurrence, que ce qui les aide c’est qu’ils bénéficient d’un 'encadrement', qu’ils sont 'cadrés'. Dans leur bouche, c’est un cadre qui les protège des autres, ceux des collèges de leur quartier (...) C’est aussi un cadre qui les protège d’eux-mêmes car ils se savent tentés de ne pas travailler, de 'sécher' les cours."

Une jeune fille souriante

Au total, même s'il est nécessaire de "définir plus précisément la notion de réussite des élèves", le rapport évoque le parcours d'une élève qui, arrivée avec de grandes difficultés, a finalement obtenu son bac S. "Elle a fait des dossiers pour entrer en STAPS à l’université (...) Les 5 années d’internat ont consolidé ses acquis et ont accompagné sa transformation en jeune fille souriante". En règle générale, les élèves de ces structures "obtiennent des résultats en termes de maintien dans l’école d’élèves qui l’auraient abandonnée, mais aussi de maintien dans un bon niveau, voire de progrès scolaires et éducatifs". Mais attention, "il n’y a pas de cercle spontanément vertueux" et de bons élèves "peuvent se retrouver en échec s’ils ne comprennent pas que le curriculum exige de plus en plus d’eux un engagement subjectif qui dépasse le simple comportement de bon élève" tandis que d’autres, "symboliquement requalifiés par un accueil enfin compréhensif de leur personne, peuvent baisser à nouveau dans leur propre estime si (...) leurs résultats scolaires stagnent ou se détériorent". Autrement dit, "les soutiens les plus efficaces sont ceux qui (...) tentent de permettre à chaque élève de les mobiliser".

* Les autres membres de l'équipe sont Elisabeth Bautier, Anne-Marie Benhayoun, Audrey Boulin, Arielle Compeyron, Carole Daverne-Bailly, Emile Dubois, Cynthia Freinet, Michèle Guigue, Laurent Lescouarch, Françoise Lorcerie, Nadia Nakhili, Filippo Pirone. Leur rapport est édité conjointement par l'ACSE, le CGET (commissariat général à l'égalité des territoires, et l'IFE-ENS.

"Qu'est-ce qui soutient les élèves ? Dispositifs et mobilisations dans divers établissements scolaires"

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