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"Parmi les injustices, la première, c’est l’orientation" (Conférence de consensus sur les discriminations à l’école).

Paru dans Scolaire, Orientation le jeudi 04 février 2016.

"Au fond, une bonne relation avec les entreprises, c’est ne pas se fâcher avec elles. C’est un discours de plus en plus en plus présent dans la relation école/entreprise. Les enseignants ont l’impression d’avoir une dette vis-à-vis de l’entreprise. Leur envoyer un stagiaire, c’est une charge pour l’entreprise. Donc, on va leur envoyer l’élève qu’ils attendent et qui puisse bien vendre son établissement par la même occasion. Et ainsi, on finit par justifier la discrimination." Pour Fabrice Dhume, enseignant-chercheur en sociologie à Paris VII Diderot, "la discrimination dans l’accès et pendant les stages est flagrante".

Il intervenait dans le cadre d’une conférence de consensus sur les discriminations à l’école organisée, hier 3 février, par l’académie de Créteil, en partenariat avec Réseau Canopé, l’UPEC-ESPE de Créteil, le centre Alain Savary IFé/ENS de Lyon et le commissariat à l’égalité des territoires et parmi les différentes tables rondes, l’une d’elles était intitulée "Ségrégation et orientation scolaire".

"L’ethnicisation sociale"

Françoise Lorcerie, directrice de recherches au CNRS, a insisté sur "l’ethnicisation sociale", la catégorisation ethnique que l’on retrouve aussi à l’école : "C’est un phénomène encore mal étudié en France mais il faut savoir que le processus existe. Et, comme dans la société, il s’active en cas d’échec, quand un professeur face à un élève finit par dire ‘je n’y peux rien ! Ce n’est pas de ma faute, les causes sont ailleurs…’ C’est ce qu’on appelle aux Etats-Unis le ‘racisme institutionnel’. Et dans ce cas l’élève, répond évidemment par une ethnicisation réactionnelle."

Jusqu'à 80 % de pertes d'élèves du secteur

"Difficile de mesurer le sentiment de discrimination", ajoute Yael Brinbaum, sociologue (Université de Bourgogne). "Mais, parmi les injustices ressenties par les élèves issus de l’immigration, la première est liée à l’orientation. Ce sentiment de discrimination est plus élevé chez les moins diplômés et surtout, des enquêtes menées auprès des 18/35 ans prouvent qu’il persiste bien après la sortie de l’école".

Pour la plupart des intervenants la carte scolaire n’est pas un outil de lutte contre les discriminations. "Il est difficile d’avoir une estimation globale des dérogations scolaires", constate Rémi Rouault (géographe, Université de Caen.) "Mais dans certains établissements, on se retrouve avec des pertes d’élèves du secteur qui vont jusqu’à 80% ! Inversement, plus l’établissement est valorisé par des sections recherchées et plus la distance moyenne entre le lieu d’habitation et l’établissement s’allonge. Surtout pour les élèves issus de milieux aisés."

Autre constat partagé : les enseignants ne sont pas formés pour lutter contre les discriminations. "On a de grandes difficultés à aborder ce sujet, on l’évite", regrette Fabrice Dhume. "On est dans une sorte de déni. C’est un sujet qui devrait faire partie intégrante de la formation initiale et surtout continue des enseignants".

Plus d’infos sur le Réseau national de lutte contre les discriminations à l'école ici

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