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"La subordination, ce n’est pas bon pour la santé, pas bon pour le pays, pas bon pour la démocratie" (Yves Clot, colloque du SNUIPP).

Paru dans Scolaire le mardi 19 janvier 2016.

"Les enseignants se sentent à la fois fiers et impuissants. C’est un mélange explosif. Cette impression de ne pouvoir agir sur l’administration, cette fierté contrariée, c’est beaucoup d’énergie gâchée, c’est une conscience professionnelle mal utilisée, c’est un danger pour leur santé et c’est finalement un facteur d’inefficacité", a déclaré Yves Clot, titulaire de la chaire de psychologie du travail au CNAM, en commentant le nouveau sondage Harris Interactive sur "Les préoccupations des enseignants de primaire".

Présentée ce 19 janvier lors du colloque sur le métier d'enseignant organisé par le SNUIPP (le syndicat FSU du 1er degré) à Paris, cette enquête en ligne réalisée en novembre et décembre 2015 auprès de 5 555 enseignants, couplée à une enquête auprès du grand public fait suite à une première enquête menée en 2014 sur le même thème. Même si le nombre de satisfaits de leur situation professionnelle progresse (+5 points), les enseignants du primaire restent très majoritairement insatisfaits (58%) et estiment que leur profession s’est dégradée au cours des dernières années (88%).

 Si le bilan sur leur situation reste sévère, l’état d’esprit des enseignants apparaît plus positif qu’en 2014. En effet, si le stress et le sentiment d’impuissance sont fréquemment évoqués, ils se disent parallèlement, et davantage qu’il y a un an, fiers d’exercer leur métier (80%, +7points) et motivés (75%, +6 points). La volonté de transmettre le savoir et la pédagogie (59%) ainsi que la réussite des élèves (54%) constituent les principales motivations des enseignants dans leur métier.

Le travail en équipe est indispensable

L’ambiance de travail (77%, +4 points) et la diversité des contenus enseignés (73%, +5 points) représentent des éléments de satisfaction importants alors que le temps et la charge de travail et le salaire constituent toujours des points de crispation majeurs. Si le travail en équipe est jugé indispensable (70%) les enseignants regrettent de ne pas disposer de suffisamment de temps pour le pratiquer.

Le bilan concernant la qualité des relations des enseignants avec les différents acteurs de l’école est globalement positif à l’exception de celles entretenues avec l’Inspection et le ministère. Plus de 9 enseignants sur 10 souhaiteraient davantage avoir une relation de confiance avec leur inspecteur, qu’il soit plus dans le conseil et moins dans le jugement. 

Les activités pédagogiques complémentaires, telles qu’elles existent aujourd’hui, suscitent l’insatisfaction pour plus de 8 enseignants sur 10 et le déficit de formation est exprimé par une majorité d’entre eux (72%).

Enfin, comme en 2014, des différences statistiques significatives apparaissent selon le profil et l’environnement de travail : les femmes, les plus jeunes, les directeurs, les enseignants exerçant dans de petites écoles et en zone rurale témoignent d’un regard plus positif que les enseignants en Ile-de-France et ceux plus avancés en âge.

Faire descendre les problèmes

Suite à cette présentation, Yves Clot est intervenu sur le thème : "le métier des enseignants : un problème ou une solution pour l’institution ?". Insistant sur le travail en équipe, il a distingué "la fonction psychologique du collectif, celle qui permet d’avoir du collectif en soi, de la fonction sociale du collectif, celle qui permet d’intervenir sur l’organisation du travail". Il note que globalement dans la société, "on a beaucoup de responsabilités dans le travail mais peu de droits sur l’organisation de ce travail". Un constat particulièrement dommageable chez les enseignants.

Pour Yves Clot, "le travail enseignant génère des conflits sur les critères qui doivent définir la qualité du travail. Face à cela, l’institution peut y voir un problème, nier ces conflits, chercher à les réduire voire à les supprimer en les pasteurisant. Elle fabriquera alors plus de nouvelles prescriptions imposant par exemple les bonnes méthodes à tous. Mais l’institution peut au contraire donner la possibilité au collectif de travail de se saisir de ces conflits de critères pour les instruire." Il en donne deux exemples issus du sondage : l’insatisfaction vis à vis de la formation continue et de l’inspection. "Au lieu, de faire remonter les problèmes, faisons les descendre, faisons descendre l’organisation du travail au plus près de ceux qui travaillent. La subordination ce n’est pas bon pour la santé, pas bon pour le pays, pas bon pour la démocratie."

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