"L'Education nationale organise le dialogue avec les 3 grands opérateurs du numérique" (M. Jeandron, exclusif)
Paru dans Scolaire le mercredi 20 janvier 2016.
Najat Vallaud-Belkacem sera, jeudi 21 au BETT (British Educational Training and Technology Show) de Londres. Mathieu Jeandron, le directeur du numérique pour l'éducation répond aux questions de ToutEduc sur le sens même de la présence de la ministre de l'Education nationale dans cette manifestation, et sur la signature par le ministère d'un partenariat avec Microsoft (voir ToutEduc ici).
ToutEduc : Pourquoi la ministre, et vous-même, considérez-vous votre présence au BETT comme nécessaire ?
Mathieu Jeandron : Le BETT est incontournable, son audience est mondiale, et nous devons y être d'abord pour exercer notre mission de veille. C'est l'occasion d'avoir un panorama assez massif des innovations et donc de découvrir les services les plus pertinents, les plus efficaces, que nous pourrons proposer aux enseignants par exemple. C'est aussi l'occasion de rencontrer nos homologues, et de mettre en valeur un plan numérique pour l’éducation en France qui n’a pas d'équivalent dans le monde. Enfin, la France a un pavillon qui héberge des entreprises françaises du secteur du numérique éducatif, sociétés qui proposent des contenus et des services au monde de l'éducation, et nous les accompagnons pour promouvoir le développement international de la filière française de ce secteur économique en forte croissance.
ToutEduc : Au-delà de la conjoncture créée par le salon, comment pourriez-vous définir les apports du numérique à l'éducation ?
Mathieu Jeandron : J'en vois principalement trois. Il permet de faciliter le déploiement de pédagogies qui ont fait la preuve de leur efficacité, comme les pédagogies actives, différenciées, collaboratives, de projet. Le numérique joue le rôle d'un catalyseur de ces pédagogies. Il doit aussi permettre de lutter pour l'inclusion et l'égalité des chances. Tous les enfants aujourd'hui baignent dans un monde numérique et les réseaux sociaux, nous devons éviter la reproduction des inégalités sociales, accompagner tous les élèves pour entrer dans une culture numérique, leur donner des outils pour protéger leurs données personnelles, pour structurer leurs connaissances fondamentales et leur esprit critique pour savoir traiter l’abondance d’informations ; il y a là un rôle central pour l'école. Enfin, le numérique leur donne une ouverture sur le monde, qu'il s'agisse de leur orientation ou de l'accès à la culture. Quel que soit le lieu où ils sont scolarisés, ils peuvent visiter un musée parisien, découvrir le pas de tir de la fusée Ariane... Pensez à la richesse d'Eduthèque, notre portail de ressources numériques pour l'éducation issues des opérateurs culturels et scientifiques publics...
ToutEduc : Le ministère a signé une convention de partenariat avec Microsoft qui a provoqué des réactions assez violentes. Comment les comprenez-vous ?
Mathieu Jeandron : Microsoft provoque parfois des réactions épidermiques qui sont liées à son histoire. Cette entreprise américaine a longtemps occupé une position ultra monopolistique. La quasi totalité des systèmes d'exploitation et des suites bureautiques venaient de Redmond (sur la côte Ouest)... Ce n'est plus vrai aujourd'hui. Le marché des tablettes et de la mobilité se partage entre les environnements de Microsoft, Apple et Google.
Nous devons organiser le dialogue avec chacun de ces trois opérateurs. Dans le cadre du partenariat avec Microsoft, il y a, comme pour toutes les conventions avec de grandes entreprises, un volet classique d'appui à la formation des enseignants, comme il en existe dans d’autres domaines riches en technologie. Mais, et c'est plus original, nous avons travaillé aussi sur la protection des données des élèves, de façon que l'Education nationale en conserve la pleine maîtrise. L'entreprise a ainsi accepté de travailler pour améliorer l'interfaçage avec nos dispositifs, et nous permettre de garantir de ne pas diffuser de données personnelles.
ToutEduc : Et avec Google et Apple, vous n'avez pas prévu de partenariats ?
Mathieu Jeandron : Nous travaillons avec eux dans la même logique de protection des données personnelles. Nous travaillons à l'élaboration d'une charte (annoncée dans la convention avec Microsoft, ndlr) qui devrait voir le jour dans quelques semaines. Il s'agit surtout de rappeler les termes de la loi et ses conditions d'application dans le domaine de l’éducation, qu'il s'agisse de la protection des données et des règles de la CNIL ou de la traduction en français des conditions d'utilisation, mais aussi de la nécessité de respecter un délai si un service gratuit devient payant. La filière française et les grands acteurs du numérique sont prêts à s'engager. Nous sommes confiants, nous travaillons dans de bonnes conditions.