Scolaire » Actualité

La refondation de l'Ecole peut-elle échapper au débat partisan ? (Y. Durand, comité de suivi)

Paru dans Scolaire le mercredi 13 janvier 2016.

La question de l'Ecole doit "dépasser les clivages partisans", et le suivi de la loi de refondation doit être l'occasion de la construction d'un "socle républicain", estime Yves Durand. Le député (socialiste), président du comité de suivi qui rassemble 8 députés et sénateurs de droite et de gauche ainsi que 4 personnalités désignées par le ministre*, considère que "si on arrive à créer cela, on aura fait un progrès considérable", notamment pour éviter qu' "une réforme chasse l'autre" et pour que les politiques scolaires s'inscrivent dans la durée. Le débat de la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale, ce 13 janvier, a montré que ce n'était pas acquis. Patrick Hetzel (LR) par exemple, conteste l'idée que les principes énoncés dans la loi fassent consensus. Et, bien que l'objet du comité porte sur les leviers et les freins à la mise en oeuvre de la loi, et non sur la loi elle-même, plusieurs députés ont été tentés de revenir sur le débat qui a précédé son adoption. "L'esprit de la concertation de l'été 2012", voulue par Vincent Peillon, n'est pas toujours présent. En revanche, le rapport lui-même fait consensus. 

Voulu par la loi, ce premier rapport annuel représente "une première" puisqu'il porte sur une loi en cours d'application et non pas sur un bilan après mise en oeuvre. Cette application ne porte pas seulement sur la publication des décrets et autres textes réglementaires : "une loi ne s'applique réellement que quand les acteurs en ont perçu le sens et la cohérence", insiste Y. Durand qui en appelle à "une pédagogie de la loi". D'une part "la succession trop rapide des réformes" en masque l'essentiel. C'est ainsi que les rythmes scolaires et maintenant la réforme du collège occultent la priorité au primaire. S'y ajoute des retards, "en particulier sur les programmes", qui sont pourtant, selon les mots d'une enseignante, "la matrice de ce que nous sommes". Enfin "la loi ne peut pas s'arrêter là", elle doit avoir pour "prolongement" une réflexion sur le métier d'enseignant. Tout le monde est d'accord sur l'intérêt d'avoir un cycle 3, à cheval sur le 1er et le second degré, mais qui doit rassembler des professeurs qui n'ont ni les mêmes statuts, ni la même culture.

 "Au milieu du gué"

Le rapport porte sur quatre chapitres, la priorité au primaire, la formation des enseignants, le CSP (conseil supérieur des programmes) et le Cnesco (Conseil national d'évaluation du système scolaire), la relation entre l'école et les parents. Il sera complété par des rapports thématiques sur la collaboration de l'école avec les parents et ses partenaires, sur le numérique, sur le recrutement des enseignants, leur pré-recrutement et la place du concours, sur l'orientation, sur les divers parcours (éducation artistique et culturelle, santé, avenir, citoyen), sur le pilotage des écoles et EPLE, sur la voie professionnelle, sur l'inclusion, sur l'apport des recherches en éducation.

En ce qui concerne la priorité au primaire, les acteurs ont le sentiment qu'elle est "restée au milieu du gué", que sa mise en oeuvre est "inégale" selon les territoires. Ils évoquent une "parcellisation" de son application : elle "ne concerne aujourd'hui que peu d'enseignants sur le fond de leur métier", faute de nouveaux programmes, et ils ont "une relative méconnaissance de la cohérence d'ensemble de ses objectifs". De plus, elle ne porte pas "sur les structures et l'organisation administrative". Les moyens budgétiares sont "peu visibles". Le rapport invite de plus à "promouvoir l'analyse de pratiques auprès des enseignants", à "développer la recherche accompagnement", à mettre en place des formations communes aux personnels municipaux et aux enseignants... Il faudrait aussi "des outils d'évaluation (de la réforme des rythmes scolaires) avec des critères communs aux collectivités et aux enseignants", et s'interroger sur l'efficacité du dispositif à l'école maternelle.

La difficile réforme de la formation des enseignants

La réforme de la formation des enseignants "est perçue comme une nécessité" mais sa mise en oeuvre dans les Espé "s'avère difficile". Membre du comité de suivi, l'ancien recteur Alain Bouvier fait valoir que ce sont des "instances nouvelles" et il a "bon espoir" qu'elles établiront finalement dans de bonnes conditions leurs relations avec les universités. Il est davantage inquiet pour le "budget de projet", "un objet d'un type nouveau", qui peine à trouver sa forme comme outil de répartition des charges entre les diverses instances.

Le rapport est plus pessimiste : "le cadrage existant conduit parfois à des mises en oeuvre de façade, comme on le constate au sujet du tronc commun (...) Les enseignants stagiaires n'ont pas toujours le sentiment que l'offre de formation (...) leur soit utile pour le métier (...) Des questions a priori tranchées par la réforme sont toujours actives : la place du concours est la plus vive. Mais la question du pré-recrutement, parfois pratiqué dans une configuration non-juridique, est à examiner. Enfin la participation (des Espé) à la formation continue (...) a souvent été retardée." Là encore, la réforme est "au milieu du gué". Manque aussi la définition d'une "déontologie du métier d'enseignant" et il faudrait "accroître la proportion des enseignants chercheurs dans les Espé", redéfinir la notion de tronc commun...

La difficile indépendance du CSP et du CNESCO

Le rapport consacre un chapitre au CSP et au CNESCO, "des instances aux missions de grande ampleur" dont la mise en oeuvre s'est faite "à marche forcée". En ce qui concerne le Conseil supérieur des programmes, son "organisation interne (est) défaillante" en l'absence de "schéma de fonctionnement". Son rapport avec les inspections générales et la DGESCO (direction générale de l'enseignement scolaire) doit être précisé pour éviter que son indépendance ne soit compromise. De plus, le rapport évoque "un flottement persistant" dans la conception du lien entre le socle et les programmes, le premier est-il "le soubassement", en interaction avec les programmes, ou un "grand cadre" sur lequel on ne reviendra pas, et qui n'est pas opérationnel ?

Pour le Conseil national d'évaluation, là encore manque une définition. Tantôt son activité, sur le redoublement par exemple, recoupe celle d'autres entités, notamment la DEPP. Tantôt, elle porte sur des sujets qui sont "en dehors du champ de ses objets statutaires. Sa mission doit donc être "clarifiée". Yves Durand parle de "recadrage". 

La co-éducation avec les parents reste à définir

Enfin le rapport évoque de "premiers constats encore décevants sur la relation entre l'école et les parents". Il suggère de "vérifier l'existence de formations à la relation école-parents dans les Espé", de "critériser les apports de chacun, parents, collectivités, écoles et établissements dans les PEDT", de "définir la co-éducation, peut-être sous forme d'une charte" et de "commander au CNESCO une évaluation de l'impact de la participation des parents sur la réussite des enfants". 

* Les membres du comité sont les députés Yves Durand (SRC, président), Jean-Noël Carpentier (RRDP), Martine Faure (SRC) et Dominique Nachury (LR), les sénateurs Dominique Bailly (PS), Marie-Annick Duchène (LR), Brigitte Gonthier Maurin (SRC) et Michel Savin (LP). Les personnalités désignées sont Khaled Bouabdallah (président de l'Université de Lyon), Alain Bouvier (ancien recteur), Viviane Bouysse (IGEN) et Béatrice Gille (rectrice de l'académie de Créteil).

« Retour


Vous ne connaissez pas ToutEduc ?

Utilisez notre abonnement découverte gratuit et accédez durant 1 mois à toute l'information des professionnels de l'éducation.

Abonnement d'Essai Gratuit →


* Cette offre est sans engagement pour la suite.

S'abonner à ToutEduc

Abonnez-vous pour accéder à l'intégralité des articles et recevoir : La Lettre ToutEduc

Nos formules d'abonnement →