Grande pauvreté et réussite scolaire : la réussite de tous "est LE problème" de l'Ecole (J-P Delahaye)
Paru dans Scolaire le dimanche 06 décembre 2015.
"À ce niveau atteint par les inégalités, il devient absurde et cynique de parler d’égalité des chances, c’est à l’égalité des droits qu’il faut travailler", s'exclame Jean-Paul Delahaye dans une note pour la Fondation Jean-Jaurès. L'auteur du rapport sur "grande pauvreté et réussite scolaire" y rappelle que "vivre en situation de grande pauvreté, c’est vivre en danger humain, social et scolaire" et que "cette situation touche 1,2 million d’enfants et adolescents" en France. La réduction des inégalités suppose la mise en oeuvre de politiques sociales, mais elle nécessite aussi "de trouver les moyens de mettre en application le principe 'tous les élèves sont capables de réussir' qui figure dans la loi de refondation".
Or, si personne ne s'y oppose, "la réussite de tous n’est pas nécessairement une priorité" pour tous, et tous "n’ont pas forcément envie que l’école se transforme". C'est d'ailleurs "l’organisation même du système éducatif" qui est en jeu, puisqu'il est fondé sur une logique de tri et de sélection, alors que "notre élitisme n’a rien de républicain, il est essentiellement social".
Dépasser le compassionnel
L'inspecteur général entend donc "travailler sans relâche à convaincre qu’il est de l’intérêt de tous d’introduire plus de justice au sein de l’école en dépassant les actions philanthropiques et compassionnelles à l’égard des plus démunis". Il distingue pour ce faire plusieurs leviers, "une concentration accrue des efforts et des moyens en direction des élèves et des territoires les plus fragiles", "une part significative d’enseignement collectif en classes hétérogènes", "la constitution d’équipes pédagogiques et éducatives pérennes en éducation prioritaire", "l’alliance éducative indispensable entre l’école, les parents d’élèves, les collectivités territoriales et les associations". Il insiste, "la confiance ne s’obtient que si les familles pauvres sont d’abord considérées comme des familles qui tentent, comme les autres familles, d’élever leurs enfants dans les meilleures conditions possibles. Elles ne sont pas différentes des autres familles. Beaucoup de choses peuvent changer dès lors que les regards évoluent et que les préjugés tombent."
Il insiste aussi sur la nécessité de prévenir les objections : "Refonder l’école, ce n’est pas niveler par le bas comme certains font semblant de le redouter, c’est élever le niveau de tous (...) Et tout le monde y gagnera, y compris les élites, dont la base sociale est trop étroite et dont les résultats ont tendance à stagner, voire à régresser (...) La réussite scolaire des enfants des pauvres n’est pas un problème parmi d’autres rencontrés par le système éducatif français, c’est LE problème."
A noter qu'un déjeuner avec Jean-Paul Delahaye était inscrit à l'agenda du président de la République mercredi 2 décembre.
Le site de la fondation Jean-Jaurès ici