Langues vivantes : l'APEL milite pour un enseignement plus efficace, tourné vers la communication
Paru dans Scolaire le samedi 28 novembre 2015.
"Seuls 17% des enseignants déclarent que l'enseignement des langues étrangères en France est efficace", si l'on en croit un sondage OpinionWay pour l'APEL (les parents de l'enseignement catholique). Les parents sont un peu plus optimistes, puisqu'ils sont 43 % à le penser, mais, comme le fait remarquer un participant à la présentation de cette enquête, peut-être est-ce dû au fait qu'ils comparent le niveau de leurs enfants avec le leur ! En revanche, ils sont tous d'accord, à 97 % et 99 % pour considérer que maîtriser une langue étrangère est un atout, et presque autant à y voir une chance et un plaisir.
Pour une majorité d'enseignants et un tiers des parents, cet enseignement privilégie l'écrit sur l'oral, or il faudrait "mettre la capacité à communiquer oralement au coeur de l'enseignement des langues étrangères" (90 % des parents, 93 % des enseignants), organiser des séjours à l'étranger d'au moins 15 jours (88 et 91 %), faire un trimestre, voire une année d'étude à l'étranger à partir de la 4ème (71 et 70 %) et faire en sorte "que certains cours puissent se dérouler en langue étrangère" (77 et 82 %). Il faudrait aussi que "tous les enseignants maîtrisent l'anglais" (69 et 56 %). Mais il faudrait aussi favoriser l'apprentissage de langues non européennes comme l'arabe et le chinois (56 et 52 %).
Enseignants et parents estiment que les jeunes Français sont "moins à l'aise" que leurs homologues d'autres pays européens, et ils considèrent que, "pour bien maîtriser une langue étrangère, il faut d'abord maîtriser le fonctionnement de la langue française" (78 et 76 %). Or c'est une idée reçue ... et fausse.
Inutile de maîtriser le français avant d'apprendre une autre langue
C'est ce qu'affirme Michèle Kail (CNRS) pour qui il faut commencer tôt cet apprentissage, donc bien avant de maîtriser la langue française, du moins pour saisir "la musique de la langue", son accentuation, sa prosodie, avec des "native speakers". C'est en effet du côté de la phonologie, qu'est la principale difficulté. Elle ajoute que "notre cerveau est configuré pour acquérir plusieurs langues", même si le bilinguisme parfait est exceptionnel puisqu'un enfant dont les deux parents ne parlent pas la même langue n'en réside pas moins dans l'un des deux pays, dont la langue devient dominante. Elle parle en revanche de "bilinguisme fonctionnel" et elle décrit "un cercle vertueux", l'enfant reçoit une information que son cerveau traite et du coup, le cerveau "se reconfigure", comme avec la musique d'ailleurs. Et, comme la musique, il faut l'entretenir.
Claude Lessard, ancien président du Conseil supérieur de l'éducation du Québec, approuve, "l'apprentissage d'une deuxième langue augmente la capacité à réfléchir sur le langage". Il estime que "rien ne permet d'affirmer qu'il y a un âge optimal pour commencer l'apprentissage d'une langue étrangère, mais que la fin du primaire "est un bon moment pour intensifier cet apprentissage, avec 300h et ensuite 100h par an pendant les années de collège". Mais ce programme d'enseignement intensif a rencontré, ajoute-t-il, de très fortes résistances. Il concerne quelque 15 % des élèves. Dans l'idéal, il faut, calculent les spécialistes, 1 200h pour arriver à un "bilinguisme fonctionnel" (et 10 000 pour un bilinguisme véritable).
L'APEL demande notamment un éveil à l'anglais en grande section de maternelle, un plus grand nombre d'heures pour des cours d'anglais à l'école élémentaire et l'enseignement d'une seconde langue dès la 6ème. Les parents d'élèves demandent que l'élève qui passe un an à l'étranger ne soit pas pénalisé et amené à redoubler, et que soit favorisée l'intervention de locuteurs natifs, ils demandent aussi que soit favorisée la diffusion à la télévision de programmes étrangers sous-titrés.