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ESPE : un équilibre fragile et des risques de contournement (rapport des inspections générales)

Paru dans Scolaire le lundi 16 novembre 2015.

"La période de deux ans qui vient de s’achever a permis, non sans difficultés, l’installation progressive des ESPE (écoles supérieures du professorat et de l'éducation) dans un paysage universitaire lui-même en forte évolution. Si ce positionnement n’est pas encore totalement et également reconnu sur l’ensemble des sites, de nombreux signes positifs conduisent à relativiser les quelques situations de ' résistance' qui subsistent dans certaines académies" estiment les deux inspections générales de l'Education nationale qui, entre janvier et avril 2014, se sont rendues "dans près de la moitié des ESPE". Le ministère vient de publier leur second rapport conjoint, qui ne cache rien des fragilités de ces "composantes universitaires" et des risques qui les menacent. 

Elles relèvent que "toutes les instances (de leur pilotage) sont désormais opérationnelles" ou ... "en passe de l’être", même quand leur existence apparaît "dans les dossiers d’accréditation". Mais "de nombreuses instances spécifiques ont été rajoutées au dispositif initial (...) Le plus souvent, des comités de suivi, de direction ou de pilotage de l’ESPE qui associent les recteurs, les présidents des universités du site, les directeurs d’ESPE, les doyens des IA-IPR, le directeur de la pédagogie du rectorat ont été créés" et leur complexité correspond à "la multiplicité des acteurs et des périmètres d’intervention".

La répartition des droits d'inscription

Pourtant, des tensions perdurent. "La reconnaissance de l’ESPE comme une composante universitaire à part entière (...) ne va pas de soi et a pu provoquer ici ou là des crispations, voire des tensions." Se pose notamment la question "de la répartition des droits d’inscription des étudiants" et la mission souligne "une grande disparité de pratiques"; elle note au-delà, que "l’absence de données fiables et exhaustives concernant tant les étudiants que leurs parcours et leurs résultats aux concours demeure une source de difficulté non négligeable pour le pilotage des ESPE", voire de la réforme elle-même. Certes, "les statuts de plusieurs universités prévoient la passation d’un contrat d’objectifs et de moyens (COM)" avec l'ESPE, mais "leur rédaction et leur mise en application ont bien du mal à se concrétiser".

Le budget de l’Ecole est à la fois celui "d’une composante interne à l’université", donc soumis aux contraintes budgétaires de celle ‐ ci, et celui "d’un projet plus vaste" impliquant à la fois les universités du site, d'autres établissements d’enseignement supérieur, l'académie et les collectivités territoriales : "Les possibles conflits de gouvernance" entre l'ESPE et ses partenaires universitaires, notamment l'université de rattachement "peuvent parfois inquiéter les différents acteurs concernés". La mission encourage les universités intégratrices à conclure des COM qui permettront "l’élaboration d’un budget de l’ESPE à coût complet, incluant la masse salariale qui lui est affectée". Cette transparence aurait l'avantage "de tempérer les revendications des autres composantes universitaires"...

Une identification des charges et des ressources

Autre préconisation de la mission, "étudier la faisabilité d’une cartographie des activités concourant à la formation des enseignants", ce qui faciliterait "l’identification des moyens (charges et ressources) consacrés par chaque institution partenaire au financement de ses activités". En tout état de cause, "la mission estime prématuré le transfert des ESPE dans les COMUE" (communauté d'universités) qui "sont aujourd’hui pour la plupart embryonnaires". 

La mission accorde un satisfecit aux académies : elle "a pu constater à quel point les instances statutaires ou informelles constituées par les recteurs avaient joué et continuaient à jouer un rôle majeur dans le suivi et la régulation du système", tandis que, "au niveau des universités, le mode de pilotage, souvent initié par l’université intégratrice, se heurte à davantage de difficultés". 

Les ESPE n'attirent pas les chercheurs

Et la critique se fait plus vive et surtout davantage systémique s'agissant de la place de la recherche et des conséquences de l'organisation du concours en fin de M1. En ce qui concerne "la recherche en et sur l'éducation", certes "de nouvelles collaborations se créent (...), des séminaires se mettent en place, des perspectives d'appels à projets, aujourd'hui à une échelle locale plus que nationale, se dessinent", mais elles ne sont pas suffisantes pour "attirer des jeunes talents (...), leur permettre d'avoir une carrière semblable à celle des universitaires d'autres domaines". Alors qu'un des objectifs de la réforme était que les résultats de la recherches "nourrissent la formation des futurs professeurs", cela "demeure visiblement un horizon". Même en considérant que le master MEEF n'a pas pour fonction de préparer de futurs doctorants, il est possible "d'envisager qu'une partie de la formation dispensée dans les ESPE soit au plus proche de ce qui se produit actuellement dans les laboratoires".

Se pose alors un autre problème : la formation mise en place n'est-elle pas trop ambitieuse et ne devrait-elle pas "se poursuive au-delà de la titularisation, en particulier lors des deux premières années d'exercice, comme cela est déjà le cas dans quelques académies" ?

Un concours qui reste disciplinaire

Mais surtout, "la seconde année de master MEEF a été conçue dans une logique linéaire, c'est-à-dire pour des lauréats de concours issus de M1 et préparant un M2 en alternance pendant leur année de stage". La réalité est "tout autre" et "dans certaines spécialités du second degré, les stagiaires n'ayant pas suivi le parcours type 'licence disciplinaire / M1 MEEF / concours' étaient plus nombreux que ceux qui l'avaient suivi". Les équipes ont dû construire des parcours adaptés à des situations très diverses et ils sont "parfois "plus allégés que réellement adaptés".

Les concours jouent un rôle essentiel. La tradition veut qu'ils évaluent "des connaissances disciplinaires". Mais s'il s'avérait que "réussir aux concours devait rester possible, voire plus facile, sans aucune expérience professionnelle et sans aucune formation hors formation disciplinaire, nul doute que d'une part les formateurs de master réduiront la part dévolue à l'acquisition de compétences professionnelles lors de la première année de master MEEF et que d'autre part les étudiants choisiront une voie certes un peu plus longue mais garante de succès, celle du master disciplinaire (...) Dans ce cas, un parcours de réussite (en particulier dans le second degré) pourrait être : 'M2 disciplinaire – réussite au concours – parcours adapté avec assiduité modérée à l'ESPE – titularisation', parcours bien différent du parcours type de la réforme".

Le rapport signale encore des "angles morts", le tronc commun qui donne rarement satisfaction, la formation des professeurs des voies professionnelles et technologiques, la formation continue et l'évaluation du coût de la formation

Le rapport "Le suivi de la mise en place des écoles supérieures du professorat et de l'éducation au cours de l’année 2014 -2015" ici

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