Scolaire » Recherches et publications

Peter Gumbel dresse un panorama hétéroclite des "dissidents de l'éducation" (ouvrage)

Paru dans Scolaire, Périscolaire le vendredi 30 octobre 2015.

"L'une des plus grandes faiblesses de l'Education nationale, c'est sa difficulté à se remettre en cause", estime Peter Gumbel dans "Ces écoles pas comme les autres", un ouvrage paru à cette rentrée (édition La librairie Vuibert). Ce journaliste britannique n'en est pas à son coup d'essai en matière de critique incisive du système éducatif français. Il a publié notamment en 2010 "On achève bien les écoliers", où il dénonçait la cruauté de l'école française qui humilierait les élèves au lieu de les valoriser.

Cette fois, c'est aux "dissidents" qu'il s'intéresse, en présentant un panorama hétéroclite de dispositifs alternatifs : Montessori, Freinet, Decroly, microlycées pour "décrocheurs", instruction en famille, écoles Steiner-Waldorf... Il brosse à grands traits les principes directeurs de leurs méthodes pédagogiques et laisse la parole aux acteurs, à travers de multiples témoignages et scènes croquées sur le vif dans les établissements. Peter Gumbel s'attarde sur quelques expériences tendant à illustrer l'éternel combat de ces innovateurs face à une institution qui resterait sourde.

"Après trois années de batailles sanglantes contre les fonctionnaires de l'académie"

Dans ce tableau qui ne s'encombre guère de nuances, il y a par exemple cette enseignante formée à la pédagogie Montessori qui a pris en charge une classe de maternelle en ZEP à Gennevilliers. Elle élabore ses propres techniques en s'appuyant sur les sciences cognitives. Au final, elle apprend aux enfants à lire, écrire et à compter. Ses résultats "extraordinaires" attirent l'attention des médias et de plusieurs chercheurs, tel le neuroscientifique Stanislas Dehaene. Aux yeux de Peter Gumbel, l'intérêt de ces apprentissages précoces ne fait visiblement aucun doute. "Après trois années de batailles sanglantes contre les fonctionnaires de l'académie qui ont inspecté son travail, les responsables de son école, ses collègues et enfin le ministère de l'Education lui-même qui a refusé qu'elle poursuive son expérience, elle a fini par jeter l'éponge", déplore-t-il. Et de conclure : "Elle était tout simplement trop brillante et trop intransigeante".

Peter Gumbel n'hésite pas à mêler des expériences sans aucun lien, sinon le refus du système dominant. Son curseur semble sans limite, jusqu'à évoquer deux établissements hors contrat liés à l'Opus Dei qui pratiquent la non-mixité. Il s'intéresse aussi aux familles choisissant l'instruction à la maison qui peuvent être regroupées selon lui en deux catégories : celles dont les enfants trouvent l'école trop dure et celles qui pensent qu'elle est trop laxiste... L'Education nationale serait donc toujours "trop" pour les partisans de cette tendance, encore modeste mais dont "le taux de croissance est frappant". L'auteur cite par exemple Farida Belghoul, l'une des leaders du mouvement contre le prétendu enseignement de la "théorie du genre", qui a choisi d'instruire ses trois enfants à la maison. Elle affirme vouloir fonder son propre syndicat de "parents d'élèves courageux" visant à privilégier les établissements hors contrat et l'école à la maison. "Il est facile de se moquer de Farida Belghoul et de ses ambitions. Il existe toutefois des signaux clairs qui montrent que ce mouvement de protestation contre l'école commence à avoir un impact sur certains cercles", avance l'auteur.

"Un modèle plus flexible et plus pragmatique"

Après ce large éventail d'exemples, de témoignages, Peter Gumbel livre la trame qui sous-tend tout son ouvrage : il plaide pour "un modèle plus flexible et plus pragmatique, au sein duquel les écoles fonctionneraient avec un haut degré d'autonomie", tout en conservant des normes nationales. Il défend aussi l'idée d'une évaluation systématique : "les enseignants devraient être évalués, tout comme les directeurs et les établissements tout entiers." Dans ce cadre, la manière dont les élèves perçoivent leurs enseignants serait prise en compte et les écoles conduiraient "un exercice d'autocritique annuel".

Quant au service d'inspection, "il serait reconstitué sous la forme d'une agence séparée, indépendante du ministère de l'Education, avec un mandat lui permettant de contrôler la qualité, les progrès et les performances de toutes les écoles, publiques et privées, d'une manière cohérente". Peter Gumbel suggère des spécialisations au sein de ce service : experts Montessori, experts de l'école à la maison, etc. Avec lucidité, il devine la "tempête de protestations" que souleveraient ces mesures, mais, assure-t-il, "pour la France, c'est une bataille qui en vaut la peine".

Diane Galbaud

« Retour


Vous ne connaissez pas ToutEduc ?

Utilisez notre abonnement découverte gratuit et accédez durant 1 mois à toute l'information des professionnels de l'éducation.

Abonnement d'Essai Gratuit →


* Cette offre est sans engagement pour la suite.

S'abonner à ToutEduc

Abonnez-vous pour accéder à l'intégralité des articles et recevoir : La Lettre ToutEduc

Nos formules d'abonnement →