Après "Charlie" : "Tout ce qui est politique est extérieur aux élèves" (L. de Cock)
Paru dans Scolaire le lundi 19 octobre 2015.
"L'année dernière, j'étais professeure au lycée de Nanterre, et les réactions des élèves après les assassinats de janvier n'ont pas du tout été un rejet de la République et de ses valeurs, contrairement à ce qu'on a pu dire, mais l'expression du sentiment que tout ce qui était politique, tout ce qui touchait l'Etat était totalement extérieur à eux." Laurence de Cock enseigne l'histoire, et elle participera le 24 octobre à la table ronde "éducation et laïcité" dans le cadre du colloque organisé par la Ligue de l'enseignement sur la laïcité (voir ToutEduc ici).
ToutEduc : Que dire sur la laïcité qui n'a pas déjà été dit ?
Laurence de Cock : Nous assistons en effet à un retour en force de la laïcité dans les discours publics comme s'il y avait les actes commis par ces terroristes révélaient un problème avec la laïcité. C'est d'ailleurs une corrélation qui n'est absolument pas comprise à l'étranger. La laïcité est présentée comme un remède, comme si son introduction dans la classe, comme celle de l'enseignement du fait religieux permettaient de prévenir ce genre de drames.
ToutEduc : N'est-ce pas un principe essentiel pour notre vie en société ?
Laurence de Cock : Bien sûr, mais le risque est de la naturaliser, de multiplier les textes, de la normer, de la naturaliser. Nous devons nous interroger sur cette nouvelle politique publique.
ToutEduc : Elle a été initiée en réponse aux interrogations des élèves lors de la minute de silence... Comment vos élèves ont-ils réagi ?
Laurence de Cock : Pas comme on l'a dit. Ces jeunes de banlieue ne rejettent pas la République et ses valeurs, ils n'ont pas de problème avec la religion, mais ils ne se voient absolument pas comme des acteurs politiques, ni aujourd'hui, ni demain, et nous devons inventer une façon de faire pour qu'ils se sentent acteurs, qu'ils donnent un sens à leurs actes, à leur citoyenneté. Il ne faudrait pas que la laïcité occulte la dimension politique de leur vie, au lycée et en dehors. Nous devons faire bouger les lignes, ne pas nous contenter d'un discours sur les valeurs...