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"Il faut au plus vite nous désintoxiquer de la note". Un ouvrage de l’Education nouvelle

Paru dans Scolaire le mardi 29 septembre 2015.

"Au début étaient le maître, l’élève et le marché de l’enseignement. […] Le dernier mot restait aux parents, libres de bien ou mal évaluer la prestation, et de la rémunération ou pas en fonction de cette appréciation […] Tout change lorsque l’apprentissage formel devient l’enjeu d’un profit collectif et pas seulement individuel. On sait que le Ratio studiorum instaure à la fin du XVIe siècle un ensemble de principes et de règles destinées à formaliser, à systématiser et à rationaliser le travail pédagogique dans les centaines de collèges peu à peu ouverts dans le monde entier par la Compagnie." Olivier Maulini, professeur en sciences de l’éducation à l’Université de Genève, date "l’évaluation par les rangs" de l’époque où les Jésuites ont décidé de "notifier les écarts de performance".

Ce rappel historique fait partie d’une série de contributions réunies dans un livre intitulé "Evaluer sans noter, Eduquer sans exclure", qui vient de paraître aux éditions Chronique sociale. Coordonné par Michel Neumayer du Groupe français d’éducation nouvelle et Etienne Vellas du Groupe romand d’éducation nouvelle, cet ouvrage "est né d’un sentiment de grande urgence : la conviction qu’il faut au plus vite nous désintoxiquer de la note".

Dé-chiffrer l’être humain

"Ceux qui, nombreux, en Education nouvelle comme ailleurs, inventent d’autres manières de dé-chiffrer l’humain, affrontent deux défis", soulignent les coordonnateurs. "D’une part, celui de convaincre autour d’eux de la nécessité de ne plus réduire les travaux, les productions, les savoirs, les compétences des apprenants à des notes, chiffres ou lettres. De l’autre, celui de se former à lire autrement l’intelligence et la création humaines à l’œuvre…"

Fruit de la collaboration d’enseignants, de formateurs, de chercheurs de différents pays, ce livre rassemble les outils, les valeurs et les théories, travaillés dans le cadre du Lien international d’Education nouvelle. Jean-Marc Richard et Etienne Vellas, tous deux enseignants en Suisse, tirent les leçons d’une expérience menée contre l’échec scolaire dans le canton de Genève entre 1960 et 1990 : "Tout s’est passé comme si les ressources supplémentaires, alors engagées, avaient profité avant tout aux enfants des classes moyennes et supérieures".

La résistance en faveur de la note

En 1994, nouvelle exploration, et cette fois-ci avec suppression des notes. Elle crée "l’enthousiasme". "Rompant avec la note, les enseignants éprouvent très vite combien le sens de la culture scolaire change quand il n’a plus aucun lien qui transformait l’acquisition des savoirs en couperets", constatent les auteurs. Mais "la résistance en faveur de la note s’est organisée". L’association "Refaire l’école" annonce, en 2002, son objectif : "Mettre à mort la rénovation de l’enseignement primaire en réclamant le maintien du système de notation." Elle y réussit : "L’initiative populaire pour le maintien des notes, lancée par l’ARLE, passe en votation cantonale et 76% des votants plébiscitent le maintien des notes."

"Cette expérience genevoise marque par ricochet toute la Suisse", soulignent les enseignants. "Elle facilite l’installation d’une gérance de l’éducation dans notre pays à l’image de ce qui se passe dans toute l’Europe, voire d’une partie du monde : la promotion d’une culture de résultat, qui passe par un renforcement de la gestion organisationnelle des dispositifs et démarches éducatives, contrôlées hiérarchiquement."

"Osons parler d’addiction" 

Eugénie Eloy, membre d’Enseignants sans frontières, en appelle "à une désintoxication de la note scolaire" et ce, dès la maternelle : "Osons parler d’addiction. Le terme n’est pas trop fort. Non ! Car il s’agit d’une vraie dépendance. Oui, souvent les éducateurs, les parents, les enseignants sont pris par l’habitude de récompenser, punir, juger, afin de gérer les comportements, les acquisitions des écoliers, petits ou grands." En contrepoint, elle déclare : "Oui à une attention permanente à nos pratiques pour les débarrasser de toute coutume de répression, de comparaison. […] Oui, à une organisation ouverte qui installe dès la plus tendre enfance un climat de paix et de sécurité. Oui, à une organisation délibérément citoyenne dès la maternelle."

"Evaluer sans noter, éduquer sans exclure", Editions Chronique Sociale, 8€

 

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