"La fabrique des diplômés" (Fabienne Maillard) interroge la montée des certifications professionnelles
Paru dans Scolaire, Orientation le mardi 29 septembre 2015.
Avec "La fabrique des diplômés", Fabienne Maillard (Lille-III) convie le lecteur à un véritable voyage à l’intérieur des nombreuses certifications professionnelles. Des CAP au BTS, du bac pro aux certifications nombreuses, du rôle des CPC (commissions professionnelles consultatives) et de la démocratisation du système éducatif" jusqu’à "l’injonction au diplôme" aujourd’hui. L'auteure rappelle que Pierre Naville, dès 1945 fustigeait "les ambitions de rationalisation scientifique du système d’orientation professionnelle, dédiées à une prétendue mise en concordance des aptitudes des élèves et des besoins des entreprises" au profit d’une méthode dite relativiste où les diplômes sont largement demandés bien qu'ils n’insèrent pas vraiment dans les professions pour lesquelles ils ont été façonnés.
Dit autrement, "le système éducatif jouit d’une autonomie relative forte par rapport à l’économie" et "le système productif est également très autonome, les employeurs n’ayant jamais attendu que l’école leur fournisse les ‘produits’ espérés pour faire fonctionner leurs entreprises".
"Certifier n’est pas qualifier"
A la recension des différentes étapes de la professionnalisation de l’école correspond l’évocation des inflexions apportées par le Législateur mais aussi par la pratique des différents ministères et des partenaires sociaux ; les questions abordées restent très concrètes. L’auteure ne cache pas son aversion pour les approximations ou glissements sémantiques, qui introduisent une confusion de sens. C'est le cas entre "certification" et "qualification". La certification est du côté de la conformité à un référentiels quand la qualification situe la valeur professionnelle d’un salarié sur la grille hiérarchique, en fonction de sa formation, de son expérience et de ses responsabilités. C’est cependant à cette dernière définition que la certification "est en général associée, comme si être certifié et être travailleur était une seule et même situation. Or tout montre qu’il faut passer d’un état à l’autre et que ce cheminement ne va justement pas de soi (...) Attribuer la qualification à l’individu relève d’une approche substantialiste qui néglige de considérer les rapports sociaux régissant l’allocation des emplois, des classifications professionnelles et des salaires qui vont avec."
Dès lors, l'auteur conteste la politique de développement du "marché des certifications" alors qu'il ne peut être régulé du fait des distorsions entre prévisions et réalités économiques, entre nouveaux diplômes et structurations économiques effectives. Plus fondamentalement, l’individu n'est pas une "petite forteresse mobile, armée de droit et de titres", incarnation de la modernité qui voudrait que les inégalités cessent d’être "sociales pour ne plus être qu’individuelles".
"La Fabrique des diplômés", Fabienne Maillard, Le bord de l'eau, 8 €.