La grande école du numérique, ni une, ni école, ni grande
Paru dans Scolaire, Périscolaire, Orientation le jeudi 17 septembre 2015.
François-Xavier Marquis, l'un des "préfigurateurs" de "La grande école du numérique" (ou GEN) le dit au président, "les mots nous ont surpris" quand celui-ci a annoncé, au mois de février, ce projet. Pourquoi "la", qui implique une unicité, pourquoi "école", qui suppose un corps enseignant, pourquoi "grande", qui induit l'idée de sélection. François Hollande, à qui il a remis le rapport de la mission ce 17 septembre, tient à le rassurer, c'est "tout le contraire", elle est "ouverte à tous", "partout sur le territoire", sans exigence de diplôme à l'entrée, mais avec un diplôme à la sortie, et des formateurs qui ont une multiplicité de statuts, enseignants, formateurs, entrepreneurs... Déjà beaucoup de formations, de "fabriques" existent, une cinquantaine selon le rapport, et le président insiste, il ne s'agit pas de les fusionner, mais de les rassembler en réseau, et de les labelliser. Elles devront recruter les jeunes "et les moins jeunes" sur le seul critère de leur motivation, user des formes pédagogiques qu'elles voudront, mais répondre à une exigence de qualité, avoir pour objectif l'emploi, offrir des formations qui dureront de 3 mois à 2 ans et qui déboucheront donc sur une certification inscrite au RNCP (répertoire national des certifications professionnelles).
Le président de la République évoque pour la structure nationale un GIP, et pour le financement des étudiants un système de bourses dont le principe est déjà inscrit au budget, précise-t-il, sans en divulguer le montant. Il estime qu'une cinquantaine de formation pourraient être labellisées avant la fin de l'année, pour 2 500 stagiaires. Et il revient sur le nom de "grande école". "Nous sommes en train d'inventer l'Ecole polytechnique de demain", mais, ajoute-t-il avec un sourire, lui qui était sur le plateau de Saclay le matin même, "ils ne le savent pas encore". Il estime que l'Etat joue son rôle face à "une innovation de rupture", mais qu'il appartient aux citoyens de s'en emparer, d'en inventer les règles.
De nouveaux modes pédagogiques
Les trois rapporteurs, François-Xavier Marquis (consultant), Gilles Roussel (président de l'université de Marne-la-Vallée) et Stéphane Distinguin (président de Cap Digital) préconisent "de rendre prioritaires les publics traditionnellement éloignés de la formation et de l'emploi" (sans toutefois que ces formations leur soient réservées, l'objectif serait de 50 % de public prioritaire), "d'offrir à chaque apprenant un statut", "de promouvoir et de soutenir la généralisation de nouveaux modes pédagogiques" dont les élèves seraient des "co-concepteurs", de créer des passerelles entre les fabriques, avec l'enseignement supérieur et avec les entreprises... Ils estiment aussi qu'il faut "réaffirmer le rôle des établissements de formation", notamment les établissements d'enseignement supérieur. Les IUT sont d'ailleurs cités dans le rapport.
L'objectif est de former 10 000 jeunes "dès les trois premières années", "soit un peu plus du doublement des effectifs bénéficiant d'ores et déjà de formation répondant au modèle" que la grande école "souhaite diffuser et consolider" avec un réseau de 200 "fabriques" contre une cinquantaine de formations labellisables aujourd'hui. Les formations seront gratuites, les préfigurateurs estiment à 150M€ (sur 3 ans) le montant du fonds d'amorçage, auxquels s'ajouteraient les fonds de la formation professionnelle. Le budget de l'association qui lance la GEN et qui va procéder aux premières labellisations est estimé à 500 K€.
L'identification des compétences en perspective
Le GIP qui devrait être créé très rapidement, associera le ministère de la Ville, de la Jeunesse et des Sports, le ministère de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique, le ministère du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social, le ministère de l’Education nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et le Commissariat général à l’investissement. Participeront également au conseil d'administration "des organisations représentant les entreprises", "des entreprises ou structures oeuvrant dans le domaine de la réinsertion", "une représentation des élus locaux". Cinq commissions, "chacune animée en appui sur un correspondant désigné par les ministères", assureront les missions de base, l'une aura en charge "la validation du cahier des charges de la labellisation" et l'instruction des demandes, et une autre d'aider les membres du réseau à "mettre en oeuvre une politique d'identification des compétences, à même d'entrer dans les critères de la certification".