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Lycée professionnel : N. Vallaud-Belkacem ouvre cinq chantiers

Paru dans Scolaire, Orientation le mardi 08 septembre 2015.

Vendredi 4 septembre la ministre de l'Education nationale a lancé l’année des 30 ans du bac pro dans un contexte difficile: la filière manque de reconnaissance, les syndicats expriment des attentes très fortes, et il faut désormais favoriser la suite du parcours des bacheliers dans le supérieur. Najat Vallaud-Belkacem a discuté avec des élèves boulangers et pâtissiers, les a interrogés sur leurs motivations et a même roulé un petit croissant avec eux. Elle était au lycée Rabelais, dédié aux métiers de l’hôtellerie et de la restauration, à Dardilly (au nord de l’agglomération lyonnaise) et devant de nombreux proviseurs de lycées professionnels, elle a promis d’ouvrir cinq chantiers pour l’enseignement professionnel.

Elle a auparavant rappelé quelques mesures prises depuis 2012 : le campus des métiers, qui consiste à mettre en réseau des établissements, le parcours avenir pour favoriser le contact des collégiens avec le monde professionnel, ou encore la prime annuelle de 300 euros pour les enseignants. Mais ces mesures ont déjà été jugées insuffisantes par plusieurs syndicats. "Le ministère ne peut continuer à occulter la réalité émanant des différentes études et rapports de ses services : le lycée professionnel concentre le plus de difficultés et ses personnels ont les conditions de travail les plus dégradée" a ainsi déclaré le SNUEP-FSU en mars 2015, réclamant un vrai "plan d’urgence" afin de "lutter contre le décrochage et améliorer les conditions d’études des élèves et de travail des personnels".

Réflexion, adéquation ; orientation

Le premier de ces chantiers  concerne la formation des enseignants. Actuellement, certaines disciplines enseignées en LP n’ont pas de master, ce qui prive les débutants de décharge horaire dans les ESPE. L’inspection générale va donc se pencher sur "la pédagogie particulière et (les) parcours de formations adaptés que les ESPE doivent pouvoir proposer au public spécifique que représentent les PLP, qu'il s'agisse de professionnels en reconversion ou des jeunes issus des filières professionnelles". La seconde réflexion portera sur l’année de seconde. Selon la ministre, le plus jeune âge des élèves (depuis la réforme de 2009) complique la situation. "Un groupe de travail associant les partenaires sociaux, et piloté par (son) cabinet et par la DGESCO " devra faire des propositions destinées à entrer en vigueur pour la rentrée 2016". Les syndicats considèrent plutôt que c’est l’orientation par défaut qui fait problème.

Un troisième chantier consiste à "mettre en lien la cartographie des filières de la voie professionnelle et l’évolution à long terme des métiers qui composent ces filières". Pour cela, l’étude de France Stratégie sur les métiers en 2022 servira de canevas. Le quatrième chantier porte sur l’orientation. "La voie professionnelle ne doit pas être un long corridor sans issues" martèle la ministre qui insiste sur des passerelles existantes mais qui doivent "à présent fonctionner de manière effective, pas seulement de l’enseignement général vers l’enseignement professionnel, mais aussi de l’enseignement professionnel vers l’enseignement général".

 Montrer tout le savoir-faire des lycées des métiers

Le cinquième chantier est en revanche déjà entamé. C’est celui de la promotion de l’enseignement professionnel. Il a été ouvert par la visite de la ministre vendredi au lycée Rabelais et se poursuivra par des rendez-vous déjà fixés : un concours "je filme mon lycée pro" après les vacances de la Toussaint, des journées portes ouvertes en janvier, et une exposition en mai à Paris dans la foulée, pour montrer tout le savoir-faire des lycées des métiers.

Face à ces annonces, les syndicats ont exprimé des réactions mitigées. Le SNUEP-FSU, le SNEP-FSU et le SNPI-FSU rappellent leurs critiques sur la réforme de la voie professionnelle mise en place en 2009 et ne veulent pas écarter sa remise en cause, guettant par ailleurs le bilan – prévu en automne -, de la réforme. Ils mettent aussi en avant les difficultés liées à l’affectation des élèves dans des sections qu’ils n’ont pas voulues. En fonction des places, de la mobilité des jeunes, de l’aspect repoussoir de certaines filières, le rapport entre l’offre de formation et le nombre de candidats varie fortement. "Certains élèves ne savent même pas ce que signifie l’acronyme de leur section. Ils ne savent pas pourquoi ils sont là" souffle un proviseur.

Pour compliquer la mise en œuvre de ces chantiers, l’enseignement professionnel et son bac n’ont plus tout à fait la même finalité. Désormais, un tiers des lycéens poursuit des études, empruntant une sorte d’itinéraire bis moins "scolaire". Mais beaucoup échouent "On ne peut pas se satisfaire du taux de réussite de 3% des bacheliers professionnels à l’université. D’un autre côté, on doit aussi pouvoir progresser sur le taux de réussite des bacheliers professionnels, de l’ordre de 50 %, dans les BTS" a rappelé la ministre. "Il faut donc construire de vrais parcours de réussite pour les bacheliers professionnels". Après avoir gonflé le pourcentage des jeunes accédant au bac, le cursus sensé déboucher sur un emploi doit évoluer pour contribuer à l’objectif des 50 % de jeunes diplômés du supérieur fixés par le Haut Comité éducation-économie-emploi en 2006.

Encadré : Splendeur et misères de la filière professionnelle

Côté positif, la filière professionnelle a répondu à plusieurs attentes. Celles des branches professionnelles en quête de techniciens. C’est d’ailleurs la fédération des industries électriques et électroniques qui a inspiré la création du bac pro en 1985. Elle répond aussi à la commande politique :c’est le fameux "80 % d’une classe d’âge au baccalauréat" de Jean-Pierre Chevènement. Côté main d’œuvre, les spécialités du bac se sont multipliées (plus de 80 aujourd’hui) Côté statistiques, trois bacheliers sur dix sont aujourd’hui issus de la voie professionnelle.

Mais il y a aussi des faiblesses. D’abord, l’égale dignité des filières n’a jamais été atteinte. Sur le plan scolaire, un peu plus de la moitié des élèves en seconde professionnelle ont au moins un an de retard. Sur le plan social, les élèves des terminales générales sont deux fois plus souvent issus de familles socialement favorisées que ceux de terminales technologiques. Lesquelles comptent elles-mêmes deux fois plus d’élèves de familles favorisées qu’en terminales professionnelles. Selon le sociologue Stéphane Beaud, la voie professionnelle a même servi de lieu de relégation, empêchant une vraie démocratisation du lycée

On ne peut que constater que l’institution elle-même donne plusieurs indices de hiérarchisation. Elle a ainsi longtemps mis à part le taux d’accès au bac professionnel dans les indicateurs de réussite scolaire. L’accès en seconde générale (ou professionnelle) sert encore à mesurer les performances des collèges. Dans les lycées professionnels les enseignants touchent une indemnité plus faible que leurs collègues du secondaire, et ce sont deux fois plus souvent des contractuels que dans les lycées généraux.

 

 

Muriel Florin

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