Penser l'école "de toujours" à l'ère du numérique, un nouveau défi pour les "vieux républicains" (Medium)
Paru dans Scolaire le vendredi 28 août 2015.
Le titre du dernier numéro de la revue Médium, dirigée par Régis Debray, "Demain l'école" ne doit pas nous tromper. Il "relève moins de la prospective que du manifeste" de défense de "l'école de toujours", pour reprendre l'expression qui conclut la contribution du philosophe J. Billard. Mais le numérique est "sans précédent" prévient Paul Soriano, il constitue "une autre sphère". Il "n'affecte guère les invariants", il ne dispense pas de la nécessité d'apprendre et d'enseigner, mais il "ouvre de nouvelles opportunités" et "la refondation de l'école requiert la diversité, au risque d'offusquer les vieux républicains", ajoute-t-il. Pour Régis Debray d'ailleurs, les "bascules technologiques" sont "bienvenues". Pour lui non plus pourtant, l'objectif n'a pas changé, trouver une "place pour le savoir désintéressé dans une démocratie d'opinion".
J. Billard de même continue de s'inscrire résolument dans les pas de l'ancien doyen de l'inspection générale de philosophie, Jacques Muglioni, lequel a, dans les années 80, donné ses fondements à la critique de la modernité et de la pédagogie. Il le cite implicitement à plusieurs reprises, comme autant de clins d'oeil au lecteur averti et plaide, comme lui, pour une école non pas "anhistorique" mais "transhistorique". Il ne se contente pas pourtant d'affirmer sa fidélité à une pensée. Il examine les effets du numérique sur le monde réel, auquel il tend à substituer un cybermonde. Mais "la pédagogie n'étant, affirme-t-il, en aucune manière une affaire technique", elle n'est "guère affectée par l'évolution en ce domaine (...) L'efficacité d'une démarche enseignante tient au maître lui-même beaucoup plus qu'à sa méthode."
Le Vrai, le Beau, le Bien
L'auteur déplace alors la question : "Si nous ne savons plus très bien ce que l'école doit être, c'est que nous ne savons plus ce qu'est la culture", alors que "c'est la culture" et non pas l'enfant qui doit être "le centre de l'école". Mais "que peut-on enseigner lorsque toute vérité n'est que provisoire ? (...) S'il n'y a plus ni Vrai, ni Beau, ni Bien, qu'enseigner ?" Pour lui, l'Ecole se trouve "prise dans une situation absolument nouvelle". Comment dès lors éviter qu'elle ne devienne "progressivement un centre de gestion de l'enfance et de la jeunesse" ? Il suffit, dit-il, "de ne pas oublier ce qu'elle est (...) L'école, c'est la graphosphère. Le maître, c'est le philosophe."
Nathalie Bulle (sociologue, CNRS) va-t-elle vraiment dans le même sens quand elle écrit que "l'enseignement ne devrait se centrer ni sur les savoirs, ni sur les compétences en tant que tels, mais sur la compréhension" et "nourrir le développement de la sensibilité humaine, à travers l'expression littéraire et artistique", "tenir la diversité des personnalités et des expériences humaines comme une richesse pour la démocratie" ?
A noter un article de Marie-Anne Chabin très favorable aux MOOC, ces "cours en ligne ouverts à tous" et sur lesquels "l'Education nationale doit se pencher, faute de quoi le secteur public se priverait d'un nouvel outil de développement pédagogique" et ils resteront "le domaine des acteurs privés".
Systématiser les temps d'échanges et les rites républicains (N Vallaud-Belkacem)
A noter aussi une longue interview de Najat Vallaud-Belkacem qui annonce que l'Ecole doit "proposer des temps collectifs, à travers la participation aux rites républicains et aux commémorations patriotiques, mais aussi par l'organisation d'un temps annuel d'échanges avec l'ensemble de la communauté éducative (cérémonie de remise de diplômes, valorisation des réussites des élèves, spectacles de fin d'année) qui sera systématisé à compter de la prochaine rentrée et inscrite dans les projets d'établissements".
Médium, Demain l'école, n° 44-45, juillet-décembre 2015, 368 p., 24 €, associationmedium@gmail.com et www.mediologie.org