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Réforme du collège : des critiques motivées par le refus de voir l'enseignant passer d'exécutant à un professionnel en "capacité à faire des choix" (M. Develay, Profencampagne)

Paru dans Scolaire le mardi 11 août 2015.

"Ce que nous préjugeons, c'est que, au-delà des changements de contenus, ce qui est refusé par les délateurs de cette réforme du collège, c’est d'abord une philosophie de l'école qui accorde de l'autonomie aux établissements, donc aux enseignants et en dernier ressort aux élèves. Par cette réforme, les enseignants, loin d'exister comme des exécutants (d'horaires, de contenus) sont considérés comme des professionnels qui ont à faire des choix." Telle est l'analyse que porte Michel Develay, professeur émérite en sciences de l'éducation à l'université Lumière-Lyon 2, sur les critiques actuellement portées contre la réforme du collège. Ce chercheur spécialisé sur la didactique des sciences, les apprentissages scolaires et la formation, défend ainsi l'idée, dans une tribune intitulée "Réforme du collège : un nouveau rôle pour l’enseignant...", et publiée ce samedi 8 août 2015 sur le blog Profencampagne, que ce qui se joue en ce moment, c'est l'acceptation d'un nouveau rôle de l'enseignant, qui passera d' "exécutant" à "concepteur" de son enseignement et à un professionnel en "capacité à faire des choix explicités, justifiés, et à les assumer dans des pratiques".

Le chercheur appuie son argumentaire en reprenant la plupart des critiques portant sur les contenus de la réforme pour tenter de démontrer que c'est souvent la marge de manœuvre laissée à l'enseignant que semblent rejeter les opposants à la réforme.

En histoire, c'est la possibilité laissée à l'enseignant de faire des choix, que dénoncent les opposants

Concernant d'abord le programme d'histoire, celui-ci estime que "ce qui est dénoncé, ce n'est pas tant la conception de l'histoire retenue que la possibilité laissée à l'enseignant de faire des choix". Ainsi, explique-t-il, la réforme propose de valoriser "des sujets à traiter, certains obligatoires d'autres au choix et le programme réserve à l'année de 3e l'après Première guerre mondiale", au détriment de "la liste boursouflée des dates et des notions à apprendre". À ceux qui s'opposent à cette nouvelle conception du programme et avancent le risque de la disparition d’un souci de la chronologie, le chercheur rétorque qu'il s'agit là d'une "vision raccourcie de l'identité professionnelle et de la conscience disciplinaire des professeurs regardés comme des exécutants, non comme des concepteurs capables d’initiations expertes". "Mais qui peut croire qu’un professeur d’histoire ne possède pas une conscience de sa discipline suffisamment réfléchie", développe-t-il, "pour ne pas viser à travers les sujets obligatoires et les autres à replacer l'ensemble dans un espace de temps construit ?"

Autre exemple avancé, celui des EPI (enseignements pratiques interdisciplinaires) qui suscitent également beaucoup de critiques. Or, pour le chercheur, "l'interdisciplinaire se nourrit de la maîtrise des disciplines" et "en justifie même l'existence". De plus, poursuit-il, "en plus du sens qu’ils sont censés conférer aux activités des élèves, [ces EPI] conduiront les professeurs à être créatifs et à travailler collégialement. Encore une dimension de la professionnalité enseignante refusée par certains". Pour lui, ce sont ici de "vieilles oppositions qui renvoient à une conception de l'École déconnectée du monde social en général".

Laisser plus de créativité aux acteurs pour qu'ils s'adaptent à des établissements et à des élèves parfois aux antipodes

Le changement du rôle de l'enseignant, de "personnel d'exécution à l'enseignant personnel de conception" est d'autant plus indispensable, selon Michel Develay, que l’École n'est pas uniforme mais qu' "elle s'actualise sur le territoire à travers des établissements aux antipodes en termes d'élèves, d'enseignants, d'environnement". Dimension plurielle qui doit donc conduire "vers davantage d’adaptabilité et de créativité des acteurs dans les établissements". Une évolution qui avait été initiée selon lui par la notion de projet d'établissement et que reprend la réforme du collège "au niveau collectif et individuel". Pour le professeur, cette "nouvelle identité professionnelle" "en gestation autour de la réforme du collège" doit donc se poursuivre "en termes de formation et de gouvernance".

Cette analyse avait également été publiée en mai 2015 sur le site des Cahiers pédagogiques. 

La tribune ici

Camille Pons

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