Scolaire » Actualité

France : "Des mesures disproportionnées" prises parfois au nom de la laïcité (Comité des droits de l'Homme de l'ONU)

Paru dans Scolaire, Justice le mercredi 15 juillet 2015.

"En vertu du principe de la laïcité, il arrive parfois que des mesures disproportionnées soient prises comme le révèlent certaines plaintes parvenues au Comité", affirme le Comité des droits de l'Homme de l'ONU lors de son examen du rapport présenté par la France sur la mise en œuvre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le 10 juillet. À cette occasion, il fait part de ses questions et observations à la délégation française conduite par François Alabrune, directeur des affaires juridiques au ministère des Affaires étrangères et du Développement international.

Le comité demande notamment à la France de revoir sa position sur l'article 27 du Pacte sur le droit des minorités à leur propre vie culturelle. Sur ce point, la France estime que "les principes de l'égalité de tous et de l'indivisibilité de la nation excluent la reconnaissance de droits collectifs d'une minorité ou droits spécifiques à une section du peuple." "En pratique, toute personne a le droit d'exercer ses droits et libertés aussi bien dans la sphère privée que dans le domaine public", estime la délégation française.

Interdiction du port de signes religieux : quelles statistiques sur les abandons scolaires ?

Au sujet de la loi de mars 2004 sur l'interdiction du port de signes religieux ostensibles dans le milieu scolaire et en public, le comité des droits de l'homme juge "trop succincte la réponse reçue de la France car le Comité avait exprimé, en 2008, son inquiétude à ce propos et avait été saisi d'une communication individuelle." Il souhaite "obtenir des statistiques précises sur les abandons scolaires résultant de cette loi mais aussi des plaintes déposées par les groupes ethniques et religieux".

Sur ce point, la délégation française ne répond pas à la demande chiffrée. Elle déclare que "la France est une république indivisible, laïque, démocratique et sociale", citant la Constitution. "Les Français accordent une énorme importance au terme 'laïcité', qui s'exprime par la garantie de la liberté de culte, y compris de l'abattage rituel tant chez les musulmans que les juifs. C'est au nom du libre exercice du culte que les forces de l'ordre veillent à la protection des mosquées et de synagogues depuis les événements de janvier dernier", ajoute-t-elle.

Elle précise par ailleurs que "l'année dernière, il y a eu 850 actes antisémites et ceux-ci sont en augmentation en 2015. Les actes contre les musulmans sont aussi en hausse et les réseaux sociaux et Internet ne doivent pas se convertir en réceptacles de la haine raciale". La délégation mentionne "les consultations actuelles du gouvernement avec 150 représentants des musulmans de France avec lesquels il y a eu un dialogue très approfondi. Neuf millions d'euros ont été débloqués pour la sécurisation des lieux de culte musulman, 1 000 mosquées ont été construites au cours des dix années écoulées et une unité de lutte contre l'incitation à la haine contre l'Islam en ligne a été mise sur pied."

Elle évoque aussi la loi de 2010 qui "interdit la dissimulation intégrale du visage dans l'espace public, qui pose problème aux Français. La Cour européenne des droits de l'homme a finalement validé cette loi au nom du vivre ensemble et de la très faible sanction prévue (amende de 150 euros)."

Rétention des mineurs non accompagnés à Mayotte : combien de jeunes concernés ?

Parmi les autres questions abordées par le Comité des droits de l'Homme, figure notamment "la détention des mineurs non accompagnés à Mayotte". Celui-ci s'interroge sur le nombre de jeunes concernés. Des organisations non gouvernementales spécialisées dans les questions de migration ont-elles accès aux mineurs non accompagnés à Mayotte ? questionne-t-il. Il se demande aussi "si la loi sur les expulsions était conforme au principe de non-refoulement."

En réponse, la délégation française souligne "la grande spécificité de Mayotte, à proximité des Comores, où plus de la moitié de la population est mineure et qui cherche à se rendre sur le continent en passant par Mayotte". Les mineurs ne sont placés en rétention "que lorsqu'ils accompagnent un adulte et ce pour une durée maximale de 17 heures à Mayotte", précise-t-elle. Elle indique également que "l'Office français de l'immigration est effectivement présent à Mayotte avec trois agents et un arrêté est en discussion pour envisager des aides aux mineurs isolés se trouvant sur le territoire en vue de la réunification familiale aux Comores."

Pour mémoire, les cinq associations intervenant dans des centres ou locaux de rétention administrative (ASSFAM, Forum Réfugiés/Cosi, FTDA, la Cimade, Ordre de Malte), évaluent à 59% en 2014 la hausse du nombre d'enfants placés en rétention administrative à Mayotte (de 3 512 à 5 582), dans un rapport publié en juin 2015. Selon elles, à Mayotte, la pratique qui consiste à "rattacher" arbitrairement un mineur à un adulte interpellé en même temps aurait persisté en 2014. L’enfant est alors "placé sous le statut d’accompagnant et expulsé rapidement" (voir ToutEduc ici).

Le compte rendu de l'examen par le Comité des droits de l'homme du rapport présenté par la France sur la mise en œuvre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques est consultable ici

Diane Galbaud

« Retour


Vous ne connaissez pas ToutEduc ?

Utilisez notre abonnement découverte gratuit et accédez durant 1 mois à toute l'information des professionnels de l'éducation.

Abonnement d'Essai Gratuit →


* Cette offre est sans engagement pour la suite.

S'abonner à ToutEduc

Abonnez-vous pour accéder à l'intégralité des articles et recevoir : La Lettre ToutEduc

Nos formules d'abonnement →