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Evaluation : "Nous n'avons pas abandonné le travail" (F. Robine, DGESCO)

Paru dans Scolaire le samedi 13 juin 2015.

"Nous n'avons pas abandonné le terrain de l'évaluation." Florence Robine, la DGESCO intervenait hier 12 juin au colloque du "mouvement contre la constante macabre"; la directrice générale de l'enseignement scolaire répondait à Benoît Hamon qui estimait que, sur ce dossier, "les politiques flanchent". L'ancien ministre de l'Education nationale reconnaît que le contexte n'est pas favorable à la prise en compte des conclusions de la conférence nationale sur l'évaluation des élèves: les attentats du mois de janvier ont amené "une demande d'ordre". Or, et il l'a découvert quand il était ministre, "le mot bienveillance est sulfureux", il est aussitôt associé à "fin des notes" et à "laxisme".

Il apporte clairement son soutien à Najat Vallaud-Belkacem, qui "a raison d'être têtue et tenace", mais il pense que c'est à Matignon ou à l'Elysée qu'on lui a demandé de ne pas évoquer la question en même temps que celle de la réforme du collège. Lui-même voudrait "qu'on soit aussi bienveillant avec les élèves qu'avec les chefs d'entreprise". Florence Robine implicitement reconnaît que les décisions (qui devaient être annoncées au mois d'avril, ndlr) ont été repoussées, mais elle assure que le chantier sera mis en place "dès l'année (scolaire) prochaine" et que cela "doit se retrouver dans le DNB" (le brevet). La DGESCO fait siennes les critiques de l'évaluation qui sert à comparer les élèves entre eux plutôt qu'à construire les parcours des élèves, et elle souhaite qu'elle se fonde sur "un contrat clair et partagé avec les familles". André Antibi, promoteur de "l'évaluation par contrat de confiance" rappelle que son mouvement travaille avec la DGESCO sur le sujet.

Accompagner les familles

Et l'ancien DGESCO, Jean-Paul Delahaye, auteur du rapport sur "Grande pauvreté et réussite scolaire" insiste, il faut accompagner les familles. Il a rencontré une équipe d'enseignants admirables, qui font un excellent travail dans une école d'un quartier en très grande difficulté, et qui ont supprimé les notes. Il a entendu une maman qui disait "on regrette un peu les notes" et la surprise des professeurs qui ne s'y attendaient pas, qui pensaient avoir suffisamment expliqué les orientations prises lors d'un conseil d'école, mais qui ont compris qu'ils devaient travailler avec tous les parents. Son prédécesseur à la DGESCO, classé à droite, Jean-Michel Blanquer, n'avait pas pu être présent, mais il avait adressé aux organisateurs de cette journée une vidéo pour affirmer son soutien. "Il aime beaucoup la logique du contrat de confiance".

Cette confiance n'est en effet pas toujours au rendez-vous. Jacques Moisan, inspecteur général honoraire de mathématiques, estime que le baccalauréat, tel qu'il est aujourd'hui, peut s'apparenter à un contrat de confiance puisque les exercices de l'épreuve de mathématiques sont puisés dans une banque d'exercices limitée, et bien connue des élèves. Ce n'est pas exactement le point de vue de Samya Mokhtar, présidente de l'UNL, lycéenne qui s'apprête à passer le bac, et qui évoque le sentiment qu'ont trop d'élèves de participer à une loterie, que les correcteurs ne notent pas tous de la même manière, et que les critères ne sont pas clairs.

La bienveillance et l'exigence

Mais au-delà de cette divergence, tous les participants sont d'accord pour dénoncer les "usual suspects" pour reprendre l'expression de Benoît Hamon, ceux qui veulent que rien ne changent et qui ne veulent pas entendre parler de bienveillance. Pour Jean-Paul Delahaye, "il est consternant" que ce mot soit systématiquement associé à "nivellement par le bas", alors qu'il s'agit au contraire d'exigence, et que . Mais d'une exigence qui ne suppose pas "d'humilier les faibles" et qui ne passe pas par le fait "d'imposer une activité sans en donner les clés". Trop d'élèves ne comprennent pas ce qui leur est demandé.

Se pose évidemment la question de la formation des enseignants, ce que Jacques Ginestié, directeur de l'ESPE (école supérieure du professorat et de l'éducation) d'Aix-Marseille résume d'une formule : on aura fait un très grand pas quand les futurs enseignants auront compris que "ce qui a été bon pour moi n'est pas forcément bon pour les élèves que je vais avoir". Mais leur mode de recrutement et l'organisation de leurs tâches quotidiennes vont à l'encontre des messages qu'on leur fait passer. On leur demande de travailler en équipe, et ils passent un concours qui "valorise l'individualisme" ; "rien n'est plus solitaire" que la correction de copies. Les ESPE "essaient de faire leur possible", mais faut-il faire de l'évaluation une discipline, avec une épreuve le jour du concours ?

A coup sûr, la question de l'évaluation mérite encore des travaux de recherche, estime notamment Nathalie Sayac (ESPE de Créteil) qui évoque un projet de l'ANR (agence nationale de la recherche) sur le sujet. Tous les intervenants parlent d'une mise en cohérence des pratiques au quotidien et des examens, mais prudemment : si personne ne pense qu'il faille s'attaquer tout de suite au baccalauréat, tous mettent en cause le brevet. Mis surtout, souligne Jean-Paul Delahay, les très nombreuses équipes qui, sur le terrain, "ont engagé la réflexion doivent être accompagnées", mais il ne faudrait pas qu'au but du compte, "le niveau national soit en retard sur les équipes".

Sur les annonces de N. Vallaud-Belkacem et sur les conclusions de la conférence sur l'évaluation des élèves, voir ToutEduc ici

Sur la constante macabre et l'évaluation par contrat de confiance, voir notamment ToutEduc ici (pour un dossier complet, taper "Antibi" dans le moteur de recherche)

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