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"Laïcité, intégration : l’école de la République en question ?" Colloque de l’IREA.

Paru dans Scolaire le jeudi 11 juin 2015.

"Je veux… l’Etat chez lui et l’église chez elle", lançait Victor Hugo, en 1850, à la Chambre des députés. Cette phrase célèbre, Alain Bergounioux, inspecteur général honoraire de l’éducation nationale, l’a citée lors de son intervention, hier 10 juin, au colloque "Laïcité, intégration : l’école de la République en question ?" organisé par l’IREA, l’Institut de recherches, d’études et d’animation du SGEN-CFDT.

Chargé de retracer l’histoire de la laïcité, Alain Bergougnioux a rappelé les grandes étapes du mouvement laïc qui mèneront à la loi de 1905. Une "histoire compliquée", faite de débats virulents, d’avancées, de reculs et de crises successives. "Et une crise", souligne-t-il, "la laïcité en vit une nouvelle aujourd’hui. C’est devenu une notion un peu fourre-tout, inconnue pour beaucoup, qui a pris une tournure polémique et médiatique. La société française vit une inquiétude, une crispation face aux problèmes de l’intégration. La laïcité est un enjeu politique et donc éducatif majeur. Pour autant, ce n’est pas un mot magique qui peut résoudre tous les problèmes de la société."

Une européanisation des défis

"Nous assistons à une européanisation des défis et des moyens d’y répondre", affirme Jean-Paul Willaime, directeur d’études à l’Ecole pratique des hautes études. "Même si le mot laïcité n’a pas de traduction en anglais ou en allemand, même si la place de la religion n’est pas la même partout, les choses bougent en Europe et souvent sans affrontements." Il donne l’exemple de la Suède qui a procédé en 2000 à une "séparation" sans heurts, la "société civile et religieuse avançant au même rythme". Il remarque que "les pays européens nous reprochent souvent d’avoir une laïcité intolérante", la tendance étant plutôt "pour certains, de passer d’une logique partenariale à une logique séparative et pour les autres, de faire le chemin inverse. Ces deux logiques coexistant pacifiquement."

Martine Barthélémy, directrice de recherche à CEVIPOF/Sciences Po, a fait part d’une enquête, menée de 2003 à 2015, demandant aux Français ce que représentait pour eux la laïcité. Il apparait que "l’adhésion à la laïcité est plutôt stable, en augmentation chez les plus âgés et les plus diplômés, alors que les jeunes sont moins laïcs bien que plus diplômés". Elle constate aussi que "le lien entre laïcité et détachement religieux est élevé chez les Français de gauche âgés et fait moins sens chez les jeunes ; ce lien étant très faible à droite et à l’extrême-droite."

S’interrogeant sur l’enseignement du fait religieux à l’école, Rita Hermon-Belot, directrice d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales, regrette qu’on "ne prenne pas assez en compte la pluralité des religions et les rapports entre elles. Il faut envisager laïcité et diversité religieuse dans une dynamique de résolution de conflits et aider les enseignants à se préparer à ce genre de débats."

La laïcité pour faire société

Au cours de la table ronde sur "L’école et les formes actuelles d’intégration", Maryse Esterle, maîtresse de conférences honoraire de l’université d‘Artois, est revenue sur les attentats de janvier, stigmatisant "la précipitation avec laquelle a été décidé la minute de silence". Elle souligne : "Dans un contexte de choc et de grande émotion, on a demandé à des enseignants non préparés de parler d’un journal que les élèves ne connaissaient pas pour la plupart et qu’on ne pouvait pas leur montrer… Après les refus de minute de silence, on est passé à la sanction. Et treize jours plus tard, il fallait se remobiliser pour les valeurs de la République ! On aurait pu laisser du temps au temps." Elle insiste sur "l’assignation religieuse" qui progresse dans notre société : "Dans les années 2000, on parlait d’élèves magrébins, aujourd’hui il s’est produit un glissement et ils sont devenus musulmans… Peut-on encore être arabe et athée ? A quoi reconnaît-on un élève musulman ?"

Françoise Lorcerie, directrice de recherche émérite CNRS, affirme que "certains marqueurs sont en train de bouger… On fera d’autant plus passer les valeurs de la laïcité, qu’elle sera ouverte et accueillante." Et, citant Pierre Tournemire de la Ligue de l’enseignement, elle conclut : "C’est la laïcité pour faire société".

 

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