La main à la Pâte fête ses 20 ans avec un colloque sur l'avenir de l'enseignement de la science
Paru dans Scolaire, Périscolaire, Culture le mercredi 10 juin 2015.
La Main à la pâte fêtait son vingtième anniversaire les 9 et 10 juin avec la convocation, parmi d'autres manifestations, d’un colloque international à Paris avec en perspective des préconisations sur "les principales orientations pour l’école de demain". En effet, la fondation pour l’éducation à la science initiée par Georges Charpak est désormais constitutive d’un réseau international à côté de son engagement hexagonal déjà connu.
Pour Florence Robine, DGESCO (directrice de l'enseignement scolaire), "l’interdisciplinarité est bien un développement de la discipline, non une perte (…) une vision plus intégrée dans la culture de l’ensemble des savoirs disciplinaires". Lee Yee Cheong (université de Malaisie) demande un enseignement des sciences directement "fondé sur les objectifs du développement durable", mais tous deux évoquent l’importance de la science et de son enseignement "face aux fondamentalismes". La science permettrait le développement "d’une citoyenneté active et éclairée" par la "distinction entre croyances et savoirs".
Dans une société qui se transforme profondément, les partenariats se développent. Ainsi, depuis la réforme de l’enseignement des maths en Allemagne en 1990, ce sont plus de deux cents institutions dédiées qui ont vu le jour, des équipements ont été rendus accessibles aux élèves du primaire et du secondaire. Jenny Schlüpmann (Freie universität - Berlin) insiste aussi sur les vertus de la solidarité, "y compris le travail collaboratif entre les enseignants". Cette solidarité n’exclut pas le volontarisme en matière de mixité : Ogobara Doumbo (université des sciences de Bamako - Mali), estime que la sous-scolarisation des filles dans le secondaire et le supérieur est due à leur vulnérabilité alors qu’elles sont plus créatives et "meilleures en maths et en géo" ; il voudrait "avoir 50 % de la population capable d’inventer".
Une vision nouvelle
L’avenir, c’est aussi celui d’une vision nouvelle de l’école : Wynne Harlen invite à lire "Idées de science, Idées sur la science" sur le site de l’IAP (the global network of science academies) qui prône un changement systémique. Pour Julia Higgins, il s’agit d'amener tous les jeunes à étudier les mathématiques jusqu’à l’âge de 18 ans (et non 16 comme aujourd'hui) en Angleterre ou au Pays de Galles avec l’instauration d’un "baccalauréat". "Dans cette réforme, il est crucial de tenir compte du rôle des enseignants (…) et de mettre en place une formation professionnelle notamment pour les enseignants du primaire qui ont souvent cessé toute étude scientifique à 16 ans. La communauté scientifique a une responsabilité spécifique et doit ‘se connecter’ avec la profession enseignante (…)".
C'est ce que pratique déjà la Roos school institute aux Etats-Unis. Fondée en 1991, elle a élaboré un programme multidisciplinaire global ; on y apprend "plutôt que les liens de cause à effet, les dynamiques des systèmes". Chaque année, les élèves font l’expérience d'une immersion de trois semaines dans un milieu scientifique, par exemple au sein d’une expédition de chercheurs sur l’échantillonnage des espèces aux Iles Solomon. Selon Jennifer Lindsey, directrice de l’école, certains élèves s’impliquent dans la recherche et sont devenus des participants. La pratique est le moteur du système éducatif, la plupart ont "une passion pour la technologie"… "L’enseignant lui aussi se forme en continu, en harmonie avec les élèves à partir de ce qu’ils souhaitent et comment apprendre". Et Jennifer Lindsey prévient : "C’est un style d’éducation difficile car il faut un nouveau mode de conscience et mettre en place une culture planétaire."