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Mixités sociales et scolaires : le compte n'y est pas (CNESCO)

Paru dans Scolaire, Orientation le jeudi 28 mai 2015.

Le CNESCO organise, les 4 et 5 juin prochains, une "conférence de comparaisons internationales" sur les "mixités sociale, scolaire et ethnoculturelle à l’école" et Nathalie Mons, insiste sur le pluriel. Lors d'une présentation à la presse, ce 28 mai des éléments que le Conseil national de l'évaluation du système scolaire pourra soumettre à la discussion de quelque 250 "décideurs" français et d'une vingtaine d'experts internationaux, sa présidente souligne que la question "ethnoculturelle" reste "un tabou qui intéresse tout le monde", puisque c'est l'atelier qui a reçu le plus de demandes d'inscription. Pour éviter de s'enfermer dans le débat sur les statistiques ethniques, le CNESCO proposera de travailler sur "les voies migratoires" et le pays d'origine des parents.

En revanche, sur les mixités sociales et scolaires, les données existent en France, non pas au niveau du premier degré où elles ne sont pas recueillies, mais du collège et du lycée. Elles sont collectées dans les établissements et elles remontent au niveau national, mais elles n'étaient pas traitées jusqu'à présent. C'est ce que la DEPP commence à faire, et c'est ce qu'ont fait deux chercheurs de l'Ecole d'économie de Paris, Son Thierry Ly et Arnaud Riegert pour le compte du CNESCO, le CIEP et le CSE (le conseil de l'éducation du Québec).

Des ghettos scolaires aux deux bouts de l'échelle sociale

Ils montrent clairement, en étudiant les CSP des parents des enfants entrés en 6ème en 2007, qu' "il existe des établissements que l'on peut qualifier de ghettos scolaires" puisque les 2/3 de leurs élèves sont "issus de milieux socialement très défavorisés (ouvriers, chômeurs ou inactifs)". Or ces établissements accueillent 12 % des élèves. "10 % des élèves de 3ème ont moins de 5 % de CSP+ dans leur niveau d'enseignement" (et moins de 6 % de bons élèves). A "l'autre bout de l'échelle sociale", certains collèges accueillent "au moins 60 % de CSP très favorisées", et ils représentent 5 % de l'ensemble de la population scolaire. La ségrégation est deux fois plus importante au lycée que dans les collèges.

A la ségrégation entre les établissements s'ajoute la ségrégation à l'intérieur des établissements. Même si un peu plus de la moitié des établissements jouent le jeu de la répartition aléatoire des élèves dans les classes et parviennent à combiner les emplois du temps de façon que le jeu des options ne crée pas de biais, ce n'est pas le cas de 45 % des collèges. Or le choix des options, les classes bilangues et autres dispositifs qui peuvent influer sur la composition des classes ne suffit pas à expliquer cette proportion. Il y a donc bien, malgré les textes officiels qui l'interdisent, des établissements qui créent des classes de niveau.

Quels en sont les effets ? La littérature scientifique internationale ne permet pas trancher sur la question des bons élèves : la mixité scolaire les désavantage-t-elle ? En revanche, il est clair qu'elle avantage les élèves en difficulté. Et surtout, le consensus est net : la ségrégation sociale et scolaire produit "des effets puissants et dévastateurs sur les attitudes citoyennes des jeunes", au point que le CNESCO parle d'une "bombe à retardement pour la société française". 

Le lobby des parents

La question ne se pose d'ailleurs pas qu'en France. Elle est partout extrêmement sensible. La "boîte à outils" existe pourtant, "busing" (dont les résultats sont mitigés), travail sur la carte scolaire, régulation du "libre choix" des parents, mise en place de quotas, loterie pour les établissements les plus demandés... Mais ces techniques ne peuvent avoir d'effets positifs que si plusieurs conditions sont réunies : que les parents adhèrent, que les systèmes de transports soient efficaces, que les enseignants soient formés à la gestion de l'hétérogénéité sociale et scolaire, que le privé soit impliqué. Et surtout, qu'un consensus permette qu'une telle politique s'installe dans la durée.

C'est ainsi qu'en Suède, au début des années 2000, une nouvelle majorité gouvernementale a décidé de libéraliser la carte scolaire et de favoriser l'autonomie des établissements. La chute de niveau mesurée par PISA a été immédiate, du fait de la rupture du consensus qui assurait jusque là la continuité des politiques scolaires. En France même, le CNESCO fait valoir "six exemples d'actions volontaristes", dans un collège de Nancy, dans les écoles primaires de Guyancourt, dans un lycée professionnel d'Evry et dans un lycée polyvalent à Chauny (Picardie). Le Département de Meurthe-et-Moselle est en train de revoir la carte scolaire pour "équilibrer l'attractivité des collèges". Mais le Conseil a eu bien des difficultés à identifier ces politiques locales, et certaines collectivités lui ont demandé de ne pas en faire état, pour ne pas réveiller le lobby des parents.

Des collèges "zéro défauts" 

La sénatrice (PS) Françoise Cartron, membre du CNESCO et très impliquée dans la préparation de cette conférence, fait valoir le travail "énorme" à faire en direction des parents, qu'inquiètent les mesures de carte scolaire, mais aussi la nécessité d'un soutien de l'Education nationale. Trop souvent, dans les établissements défavorisés, les remplacements sont moins bien assurés, le pourcentage des enseignants non titulaires plus élevé, ainsi que le turn-over. Pour une politique de mixité sociale, il faut des "collèges zéro défauts".

Les Départements, qui ont été ces dernières années, confrontés à l'urgence démographique, voient aujourd'hui des collèges qui "explosent" tandis que d'autres "se vident". C'est "l'occasion de lancer des expériences" en élargissant le territoire de recrutement de ces établissements, fait-elle valoir. Pour les lycées, elle constate que les Régions profitent souvent d'une construction ou d'une restructuration pour implanter des établissements polyvalents, réunissant enseignement général, technique et professionnel, au risque parfois de se heurter aux personnels. A Saint-André de Cubzac (Gironde), les enseignants craignaient qu'un CDI commun ne soit synonyme de restriction de moyens.

Le site de la conférence ici

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