"Nous avons besoin de davantage de travaux sur les jeunesses" (N. Vallaud-Belkacem au colloque "Intégrisme et terrorisme")
Paru dans Scolaire, Périscolaire le lundi 04 mai 2015.
"Nous avons besoin de davantage de travaux sur les jeunesses." Intervenant en ouverture du colloque organisé à l'Assemblée nationale ce 4 mai sur "Intégrisme et terrorisme", Najat Vallaud-Belkacem a souligné la "profonde diversité de la jeunesse", parlant d'ailleurs des jeunesses, au pluriel, pour évoquer le fait que les décideurs manquent de travaux scientifiques sur lesquels s'appuyer. L'ancienne ministre en charge de ce secteur appréciait les publications de l'INJEP, trouvait les travaux qui y sont menés "éclairants", mais "rares". Or, après le "choc civilisationnel" qu'ont créé les attentats du mois de janvier, il faut "voir plus clairement comment chercheurs et pouvoirs publics peuvent travailler ensemble", car "on manque d'éléments de compréhension, donc d'action", par exemple pour comprendre ces jeunes qui ont refusé la minute de silence et qui "ne sont pas en risque de rupture de scolarité" comme on l'a souvent dit.
La ministre de l'Education nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche demande notamment que soit fait une "état des lieux rapide de la recherche", qui est dispersée et mal identifée. Elle parle d'un "grand plan", de la création d'emplois dans des disciplines rares, comme l'islamologie, les études iraniennes et les langues orientales, et du nécessaire soutien de l'ANR (l'Agence nationale de la recherche) aux approches pluri et interdisciplinaires.
Intervenant après elle, François Héran a montré pourquoi les jeunes issus de l'immigration, ceux de la "seconde génération" étaient plus que leurs parents sensibles aux discriminations : ils ont pour références non pas le pays d'origine, mais d'autres jeunes du même âge, dont le taux de chômage est moins élevé. Le démographe a également récusé les analyses de l'extrême droite sur l'importance de l'immigration. 70 % des habitants de la métropole sont nés en France de parents français, 22 % sont immigrés ou issus de l'immigration, les autres venant des DOM, étant des rapatriés... Quant aux gains de population, il sont dus pour un tiers à l'immigration, pour un tiers au "baby boom" et pour un tiers à l'allongement de la durée de la vie.
Benjamin Stora a, pour sa part, insisté sur les "fossés mémoriels" qui se creusent entre les jeunes issus de l'immigration et leurs parents. Ils ne connaissent pas leur histoire, leurs traditions familiales ou religieuses. Mais nous manquons d'universitaires spécialistes de l'histoire du Maghreb contemporain, ou de l'histoire de l'immigration, et ce "déficit de connaissances" se retrouve chez les enseignants qui sont "désarmés" face aux questions de leurs élèves, à leur "désir de connaissance de soi".