Réforme du collège: les arguments principaux des "pro-réforme"
Paru dans Scolaire, Orientation le lundi 27 avril 2015.
La présentation de la réforme du collège, et notamment des projets de nouveaux programmes faite par le CSP (Conseil supérieur des programmes) le 21 avril dernier, a suscité beaucoup de réactions. Si défenseurs de la réforme et détracteurs du projet s'affrontaient déjà à coup de communiqués, communications, déclarations et interviews, les polémiques enflent depuis une semaine. ToutEduc dresse un état des lieux des principaux arguments avancés par les partisans de la réforme face aux critiques.
"Les premiers combattent les inégalités quand les seconds en théorisent la nécessité", juge la ministre de l'Education nationale dans une interview publiée dans Le Point la veille de la présentation des projets. C'est l'une de ses premières réponses aux critiques. Najat Vallaud-Belkacem affirme que le projet de réforme fait l'objet d'un consensus. Elle rappelle, à ce titre, la négociation menée durant un mois avec les syndicats pour apporter des améliorations à la réforme, et le fait que le projet "a reçu, à une très large majorité, un avis positif du Conseil supérieur de l'Éducation, organe qui réunit les partenaires de l'école".
Enseignement "pratique" et "interdisciplinaire" mais "pas de nivellement par le bas"
"Pas de nivellement par le bas" non plus selon la ministre, puisque la réforme introduit "de nouvelles pratiques pédagogiques, pour la plupart expérimentées avec succès depuis des années" et "se base sur les réalités du terrain". Le SGEN-CFDT s'était aussi exprimé sur ce sujet dans un dossier intitulé "Réforme du collège: distinguer le vrai du faux", publié après l'approbation du projet de réforme par le CSE (Conseil supérieur de l'éducation), le 10 avril dernier. Pas de baisse de niveau, estime le syndicat, mais une réforme qui "augmente les moyens pour accompagner les élèves en difficulté", ceux "pour accompagner tous les élèves lors de leur entrée au collège" et offre donc à tous "les mêmes possibilités d’acquisition du socle commun".
À ce titre toujours, la ministre évoque le cas du latin dont beaucoup dénoncent une disparition programmée: "non, la réforme n'enterre pas le latin. Bien au contraire", assure-t-elle. "Là où il n'est aujourd'hui qu'une option (c'est-à-dire des heures de cours en plus), proposée par quelques établissements, choisie par très peu d'élèves (20%) qui pour la plupart l'abandonnent au lycée, nous en faisons un enseignement pratique interdisciplinaire (ce qui signifie à la fois étude de la langue mais aussi de la culture et de la civilisation) présent dans la scolarité obligatoire". Nouvelle formule qui constituera également, selon elle, un moyen aussi de "démocratiser cet enseignement".
Plus d'heures de langues vivantes
Pour le SGEN-CFDT, nul doute non plus: le ministère ne veut pas se débarrasser des profs d’allemand et de latin-grec. Le projet modifie plutôt la répartition des heures en langues vivantes et l’offre d’enseignements complémentaires, dont les langues anciennes et régionales qui pourront être organisées par les établissements jusqu’à cinq heures de la 5e à la 3e, sur "leur marge d'autonomie".
Les pro-réformes répondent aussi aux critiques concernant la disparition des classes bilangues et l'égale suspicion qui porte sur l'enseignement de l'allemand. Pour la ministre, la réforme est "un progrès pour l'allemand" et les autres langues vivantes puisque, en plus d'une "constante augmentation" des postes ouverts pour le recrutement en allemand depuis 2012, la réforme "avance l'enseignement de la LV2 en cinquième (...) et augmente de 25% le nombre d'heures dédiées à cet enseignement sur le collège". Un progrès aussi pour le SGEN-CFDT, puisqu'il permettra "une pratique plus longue des élèves", ainsi que pour le parti EELV (Europe Écologie Les Verts) qui y voit une occasion "de sortir de la logique des filières à l’intérieur des collèges".
Les arguments concernant la disparition des sections bilangues sont quant à eux de deux ordres. Pour N. Vallaud-Belkacem, grâce à l'introduction de la LV2 plus tôt dans le parcours, "au lieu d'avoir 16% des élèves qui apprennent deux langues dès la sixième (les fameuses classes bi-langues d'aujourd'hui qui ne bénéficient qu'à trop peu d'élèves), on en aura 100% en cinquième". Celle-ci indique également que la réforme permettra aux "élèves qui ont fait une LV1 allemand en primaire (…) de commencer l'anglais, donc de faire deux langues dès la sixième".
Pas moins d'efforts mais moins d'élèves passifs
Des arguments sont aussi avancés à ceux qui rétorquent que l'accroissement de l'activité interdisciplinaire rime avec moins d'efforts. "Nos collégiens ne savent pas assez travailler en équipe, ils n'apprennent pas à mener des projets, ils ne s'expriment pas assez à l'oral. Conduire un projet, ça n'est pas en contradiction avec l'effort, n'est-ce pas?", interroge la ministre. "Prendre la parole pour argumenter, non plus, bien au contraire. Ça permet de diversifier les manières d'apprendre et donc ça permet aux élèves de mieux apprendre et de mieux réussir. D'être moins dans la réception passive de contenus, de les comprendre, de les croiser, pour mieux se les approprier".
Dans son dossier, le SGEN-CFDT défend aussi les EPI (enseignements pratiques interdisciplinaires), plus intéressants selon le syndicat que les itinéraires de découvertes (IDD), au moins à deux titres: ils auront un cadrage national (caractère obligatoire et horaire dédié) et "s'appuieront sur des programmes articulés au socle avec des compétences transversales".
Plus d'égalité et une meilleure continuité du CP à la 3e
Enfin, le "pas vers plus d’égalité" constitue aussi l'un des principaux arguments avancés par les partisans de la réforme. Pour EELV, la réforme comporte des "éléments positifs", tels que "le socle commun de compétences, la transdisciplinarité et l’arrêt de l’hypocrisie d’une sélection et d’un élitisme qui ne dit que partiellement son nom concernant l’existence des classes bilangues ou les options latin et grec". Éléments qui permettront de tendre vers des modèles qui ont, selon le parti, déjà fait leurs preuves, notamment en Finlande où "la mixité et la sélection des élèves le plus tard possible, alliées à un véritable accompagnement tout au long du parcours, sont des atouts et des facteurs de réussite".
Enfin, le syndicat SE-UNSA se réjouit de ce que "pour la première fois, les programmes sont construits en cohérence et continuité du CP à la 3e. Ces programmes ont pour objectif la maîtrise du socle commun à l’issue de la scolarité obligatoire, permettant aux élèves de poursuivre leurs études, de préparer leur vie citoyenne et leur future insertion professionnelle."
Camille Pons