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Lycée - enseignement supérieur : à quels besoins doit répondre une plus grande continuité ? (audition du 2 avril)

Paru dans Scolaire, Orientation le vendredi 03 avril 2015.

Notre système d'enseignement supérieur est complexe, sans doute, mais je ne vois personne qui soit décidé à supprimer les CPGE (classes préparatoires aux grandes écoles), les IUT, BTS, ou les écoles privées. D'ailleurs, notre système est-il réellement plus compliqué que celui d'autres pays ? Méfions-nous des effets d'optique... Simone Bonnafous, directrice générale pour l’enseignement supérieur et l’insertion professionnelle, répondait hier 2 avril à Emeric Bréhier, rapporteur de la mission d'information sur la liaison entre le lycée et l'enseignement supérieur. Le député évoquait "l'illisibilité du système" qui ne facile pas l'orientation et favorise  la "reproduction des élites", pour le dire "de manière sévère". Voici des échos de cette journée d'audition.

Pour l'ancienne présidente de Paris-XII Créteil, on pourrait certes simplifier le paysage, mais elle en souligne aussitôt la difficulté. Elle pense aux filières sociales et paramédicales qui dépendent d'autres ministères. Elle souligne certaines incohérences (même si elle prononce pas le mot), et évoque cet étudiant qui a une licence de psycho, puis prépare un diplôme d'éducateur, et se retrouve avec un niveau bac+2.

Au total, elle n'est pas convaincue qu'il faille réduire cette offre, qui conduit à un taux d'échec de 20 %, inférieur à la moyenne de l'OCDE qui est de 30 %, si l'on considère le résultat final, et non pas les taux de succès en première année de licence. Et elle souligne que la France est "un des pays où on finit ses études le plus jeune".

Rachel-Marie Pradeilles-Duval, cheffe du service de la stratégie des formations et de la vie étudiante, s'inquiète d'ailleurs des inconvénients d'une spécialisation précoce qui produit des formations en "tuyaux d'orgue" : à tel baccalauréat professionnel correspond tel BTS, certes très performant en termes d'insertion professionnelle, mais qui ne peut intégrer des bacheliers d'autres spécialisations.

Elle souligne d'ailleurs que ces bacheliers professionnels sont "extrêmement raisonnables" en termes de choix, mais qu'ils se heurtent à des questions d'offre de formation, de coûts, de déplacements et Simone Bonnafous ajoute : on demande aux recteurs de travailler la carte des formations, de la faire évoluer continument, de déplacer des sections, mais ce n'est "pas évident", même s'ils "travaillent au petit point sur ces sujets", et s'ils ont fait "en 2 ans un travail remarquable" pour offrir aux bacheliers professionnels plus de places en STS. La directrice considère que c'est un travail à faire "bac pro par bac pro", sans imposer partout un même pourcentage de jeunes issus de ces formations.

Ce qui vaut pour les STS vaut aussi pour les IUT, qui, en dépit de leur autonomie au sein d'universités elles-mêmes autonomes, ont "bien progressé". Leur culture a changé, ils "jouent bien mieux le jeu, c'est un sujet qui s'est bien décrispé." Implicitement, elle reconnaît qu'il n'en va pas de même pour les licences générales.  "On cherche à décloisonner", mais "le milieu n'y est pas toujours favorable". La simplification de la nomenclature des licences à été "un sacré combat". Et en ce qui concerne les conventions entre les lycées et les universités, "on a un petit peu de mal"...

Et pourtant, elle en est convaincue, il faut "mixer les populations d'enseignants" en licence. Les agrégés sont déjà très présents dans l'enseignement supérieur, beaucoup ont des thèses, "il nous faut un certain nombre de professeurs agrégés dans le supérieur" et "leur permettre une évolution" de carrière. Mais c'est "un sujet qui n'avance pas". Actuellement, il est plus intéressant pour eux d'enseigner en classe préparatoire. A l'université, on les regarde de haut, ils sont considérés comme "des soutiers". Simone Bonnafous évoque notamment le rôle qu'ils pourraient jouer pour l'enseignement des langues aux non-spécialistes.

Claudine Romani, chargée de mission au CEREQ (Centre d’études et de recherches sur les qualifications) détaille, à partir des enquêtes "générations", les facteurs qui influent sur les choix d'orientation des jeunes. Elle présente une carte du décrochage défini comme une sortie du système scolaire sans diplôme (hors le brevet des collèges), et qui concerne chaque année 135 000 jeunes, dont près de la moitié sont issus de l'enseignement professionnel. Etablie au niveau du canton, elle montre l'importance des disparités locales, et donc de politiques publiques ciblées. En effet, si on superpose cette carte (téléchargeable sur le site du CEREQ ici) à l'Atlas des risques sociaux d'échecs scolaires (téléchargeable sur le site du ministère, ici), les causes du décrochage apparaissent multiples, et Claudine Romani pense en particulier aux jeunes filles en milieu péri-urbain dont les parents ne veulent pas qu'elles aient à parcourir de grandes distances

Quant aux 20 % de jeunes qui ont quitté l'enseignement supérieur sans diplôme, ils invoquent une "orientation passive", "faute de mieux", une mauvaise connaissance de la filière qu'ils ont intégrée, mais aussi le fait que, n'ayant pas à justifier de leurs motivations pour entrer à l'université, la préparation de leur projet est moindre. L'orientation active n'est efficace que si on commence en première, voire en seconde. "En terminale, il est déjà trop tard". Il faut aussi agir sur l'entourage et tous les acteurs de l'orientation, notamment les enseignants qui n'ont pas été formés à jouer ce rôle. Les expérimentations ont suscité un "grand enthousiasme", mais elles se sont avérées "très coûteuses et énergivores". Quant à la coopération entre universités et rectorats, elle est "peu développée", manifestement un euphémisme.

En ce qui concerne le SPRO, le service public régional de l'orientation, il vise à décloisonner "un système cloisonné et complexe". Quatre expérimentations ont été évaluées, en Aquitaine, où l'on a la volonté de désegmenter, dans le Limousin, où il fallait permettre l'accès de tous aux services d'orientation, dans le Centre, où il s'agissait de "professionnaliser les acteurs" et en Basse Normandie, où la Région entendait lutter contre le décrochage et développer la "prospective métiers". La réussite des SPRO dépend "d'une gouvernance partagée entre le rectorat et le Conseil régional" et elle suppose de "créer des lieux communs" du type "Cité des métiers" de façon que les demandeurs n'aient qu'une porte à pousser, et de réunir les conditions d'une "culture professionnelle commune". Mais il s'agit toujours de "gérer dans le concret la contradiction entre deux objectifs, la gestion des flux et des aspirations individuelles".

Pour Gilles Roussel, président de l'université de Marne-la-Vallée et représentant de la CPU, APB (admission post bac) est "outil de remplissage" dont il faudrait faire "un outil d'orientation et d'accompagnement des jeunes". Il ne propose pas la mise en place d'une sélection à l'entrée de l'université, mais la définition de prérequis pour les licences générales, de façon que ne puisse pas s'inscrire en anglais un élève qui n'a pas fait d'anglais en terminale. Cela ne risque-t-il pas de renforcer le caractère "tubulaire" des formations ? lui demande le rapporteur de la mission, Emeric Bréhier. C'est Patrick Fournié, secrétaire national d'Indépendance et direction, et proviseur du lycée Poincaré (Nancy) qui lui répond. Il constate que les passerelles entre sections au lycée ne fonctionnent pas très bien, que le rééquilibrage entre la série scientifique et la série littéraire "n'a pas fonctionné", que les stages de remise à niveau n'ont pas été mis en oeuvre... Il faut "accentuer la démarche en termes de tronc commun", "créer une série générale unique", et réduire le nombre des épreuves au baccalauréat. 

Philippe Tournier (SNPDEN, le syndicat UNSA des personnels de direction), se demande lui aussi pourquoi il faut avoir des séries générales différentes au lycée, alors que les programmes "ne préparent en rien à l'enseignement supérieur", exception faite des TPE en 1ère, et que le lycée est en quelque sorte un "sur-collège". Quant à APB, "rarement un outil technique non institutionnel, créé par quelques établissements pour gérer des problèmes d'inscription en classe préparatoire, n'aura transformé le paysage à ce point". Le deux avril, date de confirmation des voeux, c'est la fin de l'année puisque plus aucun élément ne viendra modifier les dossiers des candidats à des formations sélectives.

Le représentant de l'Union nationale des présidents d'IUT pose deux autres problèmes. La réforme des bacs professionnels et technologiques fait que les élèves "ne touchent plus aux machines", car "tout est virtuel". Or, souligne Jean-Paul Vidal, "on a besoin de jeunes qui savent toucher, regarder" et qui "se mettent les mains dans le cambouis". Il n'est pas convaincu qu'il faille créer un BPS, un "brevet professionnel supérieur", une idée qu'avait agitée Geneviève Fioraso, mais "on manque de techniciens de premier niveau", un niveau supérieur à celui du bac, mais inférieur au niveau BTS ou DUT....

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