Les ségrégations mises en évidence lors de la "Journée de la fraternité à l'école"
Paru dans Scolaire, Culture le samedi 21 mars 2015.
Sociologues et pédagogues se sont retrouvés dans le cadre d’une "Journée de la fraternité à l’Ecole" initiée par le Café pédagogique, samedi 21 mars au lycée Paul-Bert à Paris. Pour Choukri Ben Ayed (université de Limoges, voir ToutEduc ici), l’Etat est au mieux "un prescripteur moral", il demande aux conseils généraux, aux parents et aux directions d’établissement "d’être attentifs" aux équilibres démographiques. Le chercheur ajoute : "Il faut assumer que la mixité sociale n’est pas une catégorie consensuelle" et il donne l’exemple "du brassage et de la mixité dont il est dit qu’ils permettront ‘une amélioration’… alors que n’est jamais vu que ‘l’autochtone peut s’enrichir de l’allochtone".
Pour Agnès Van Zanten (CNR), l’Ecole contribue à renforcer les ségrégations, parfois par le silence. Elle donne l'exemple de l'étude sur la polarisation des collèges qui n’a pu paraître dans les années 90. Cette ségrégation se retrouve au niveau de l'établissement qui essaie d’attirer certaines catégories de population ou au niveau des classes, dont certaines sont "protégées", et homogènes, ce que confirme Son-Thierry Ly qui a travaillé à la School of economics sur les mesures et les particularisés des phénomènes de ségrégation.
Ainsi les élèves les plus favorisés ont 20% de plus d’élèves les plus favorisés dans leur environnement que la moyenne. La ségrégation résidentielle explique pour moitié cet indice. Il s’explique aussi par le jeu de concurrence que se livrent les établissements entre eux, et à l’intérieur de l’établissement par la constitution des classes elles-mêmes. "Quand on ne se préoccupe pas de la ségrégation, on va en produire", "il s’agit d’une ségrégation passive". "Les options, les contraintes d’établissement produisent du ségrégatif" et selon une variation "de grande amplitude".
Quel est le bon niveau d'hétérogénéité ?
Quant aux effets de l'hétérogénéité et de l'homogénéité, l’économiste précise que "dans le primaire les classes de niveaux ont des effets plutôt positifs". Au collège, on ne décèle aucun effet en moyenne alors que diminue la performance des moins bons. Plus âgés, les élèves savent ce qui se passe et "la violence symbolique vient contrecarrer" ce qui serait la facilitation du travail de l’enseignant. C'est ce qui amène Agnès Van Zanten à distinguer mixité sociale et mixité scolaire pour pouvoir poser ensuite la question du "bon niveau" d'hétérogénéité.
Avec la loi NOTRE, la Région Ile-de-France mène des discussions avec les trois rectorats sur les sections d’enseignement général et non plus seulement sur l’enseignement professionnel et les bâtiments. Selon Jacques Bonnisseau, chef du service des actions éducatives, "l’enseignement privé risque de déséquilibrer le navire". Il s'interroge en effet sur les conditions de la fraternité qui se joue dans la proximité.
La journée a aussi été l'occasion de voir, avec l’expérience du Théâtre forum, combien jouer des situations de conflit permettait de comprendre les projets de l’autre et construire de l’empathie. "On apprend à écrire et à lire mais on n'apprend pas à comprendre ces choses-là", s’est indignée une enseignante.