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"Les réformes pédagogiques sont probablement les plus difficiles à mener" (V. Dupriez, université de Louvain)

Paru dans Scolaire le mardi 10 mars 2015.

"Les autorités éducatives sont condamnées à rendre toute réforme pédagogique souhaitable" aux yeux de la majorité des enseignants. Cette mise en garde de Vincent Dupriez (université catholique de Louvain) arrive au moment même où Najat Vallaud-Belkacem annonce la réforme du collège. Dans son dernier livre, "Peut-on réformer l'école ?", il met en garde, "imaginer que le changement pédagogique peut se décréter à distance est évidemment une illusion."

L'auteur met d'abord en évidence la "nature politique" des questions scolaires, qui concernent "le projet qu'une société se donne pour elle-même", mais aussi les "trajectoires individuelles". C'est pourquoi "les réformes pédagogiques sont probablement les plus difficiles à mener", d'autant qu'elles touchent aux dispositifs singuliers que chaque enseignant met en place dans sa classe : "un tel travail pédagogique est fondamentalement de nature artisanale", et se situe dans un espace clos, "soustrait au regard de ses pairs". C'est pourquoi les réformateurs doivent "promouvoir un renouvellement des pratiques pédaogiques par d'autres voies que la voie hiérarchique et la prescription". On est d'ailleurs passé "d'un analyse presque exclusivement centrée sur les bons outils pédagogiques à une analyse centrée sur leur adoption et leur usage", en faisant appel à "une diversité de leviers", et en impliquant "des acteurs intermédiaires".

S'appuyer sur le corps enseignant

Mais "comment de nouvelles idées deviennent-elles légitimes" au yeux des enseignants ? Comment faire en sorte qu' "accorder plus d'autonomie aux équipes éducatives" soit source d'une évolution qui bénéficie aux élèves ? et que les discours tenus collectivement correspondent effectivement aux pratiques "de chaque enseignant face à ses élèves" ? Vincent Dupriez examine un certain nombre de mauvaises réponses à ces questions, et il ajoute qu' "aucun dispositif pédagogique, aucun outil didactique, aucun processus standardisé ne peuvent garantir qu'il produira sur les élèves un effet programmé et attendu", car l'enseignant doit se l'approprier et l'adapter "à une situation de classe singulière".

Leur expertise est donc "au coeur de tout processus de réforme pédaogique" et leur formation sera réellement professionnalisante si elle leur donne du pouvoir sur leur métier, "bien au-delà de l'indispensable maîtrise des savoirs à enseigner". L'enseignant idéal dont V. Dupriez trace le portrait est "capable d'agir dans des situations professionnelles, mais est aussi capable d'expliciter, parmi différents scénarios envisageables, pourquoi il en choisit un plutôt que d'autres", il comprend "finement" les processus psychologiques et sociaux en jeu dans les situations éducatives et il est capable "d'inventer des solutions nouvelles".

Et l'auteur de conclure à "l'importance", pour les politiques réformateurs, "de pouvoir s'appuyer sur un corps enseignant dont l'autorité, c'est à dire le pouvoir et la légitimité, est forte".

"Peut-on réformer l'école ?", Vicent Dupriez, De Boeck éditeur, 182 p. 28 €

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