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Suivi individualisé des élèves : "ça peut marcher" (Cour des comptes)

Paru dans Scolaire le mercredi 04 mars 2015.

La Cour des comptes rend public son rapport sur le suivi individualisé des élèves et tout n'y est pas négatif. Elle estime que "ça peut marcher" ; les magistrats, dans la présentation à la presse de leurs conclusions, ce 4 mars, rapportent avoir constaté, "dans 3 collèges", des "résultats remarquables". Mais, ajoutent-ils, cela relève "trop souvent de la culture de l'exploit", et dépend de facteurs humains extérieurs au fonctionnement habituel de l'institution, notamment la capacité de l'équipe de direction et des enseignants, à partager un projet. "Ce n'est pas dans la norme."

Car, et c'est le premier constat de la Cour, comme le souligne son Premier président, l'Education nationale, culturellement, "obéit à un modèle d'enseignement uniforme", alors que depuis l'instauration du collège unique dans les années 70 et l'affirmation, dans la loi de 1989, de la nécessité de mettre "au centre" du système la réussite de chaque élève, elle doit individualiser leur suivi. Second reproche de fond adressé à l'institution, elle ne peut pas piloter un ensemble disparate de dispositifs dont elle est incapable d'évaluer le coût réel. Elle ne comptabilise en effet pas les heures incluses dans les obligations de service des enseignants, payées de toute façon. Elle estime donc la dépense à quelque 110 millions d'euros, alors qu'en budget consolidé, on arrive à près de deux milliards (1 927 M€) pour l'année 2013. La Cour ne demande d'ailleurs pas une réduction de ce budget, mais une réflexion sur une meilleure affectation des moyens.

La liste et le coût des dispositifs

Enfin, mais c'est un reproche récurrent adressé à l'Education nationale, elle empile les dispositifs sans expérimentation préalable, et les modifie ou les supprime sans évaluation. A noter que la Cour ne s'est intéressée qu'aux dispositifs "Education nationale", et pas aux dispositifs externes, comme les PRE (programmes de réussite éducative), ni aux structures spécialisées comme les CLIS, les ULIS, les SEGPA ou les EREA. Elle ne s'est pas non plus penchée sur les APC, les activités pédagogiques complémentaires inscrites dans les obligations de service des professeurs des écoles dans le cadre de la réforme des rythmes scolaires, mise en place depuis trop peu de temps (elles remplacent l'aide personnalisée, ndlr).

Voici les points saillants de ce rapport, qui s'inscrit dans le prolongement du rapport de 2010 sur la réussite de tous les élèves, des référés de juillet 2012 et du rapport de 2013 sur la gestion des enseignants. Il porte sur les RASED (réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté, coût estimé 347 M€), sur les PPRE (programmes personnalisés de réussite éducative, créés en 2005, coût estimé à 302 M€ à l'école, 87 M€ au collège), l'aide personnalisée à l'école primaire (créée en 2008 et supprimée en 2013, coût estimé 623 M€) et les stages de remise à niveau (créés de même en 2008, coût estimé 17 M€), l'accompagnement personnalisé en 6ème (mis en place en 2011, 76 M€), l'accompagnement personnalisé, le tutorat et divers stages (introduits dans les lycées professionnels en 2009 et étendus à la voie générale et technologique en 2010, 184 M€). La Cour dénonce "les hésitations de tous ordres (terminologiques, mais aussi quant à leur pérennité) qui entourent ces dispositifs".

Le collège, parent pauvre

Elle note surtout que "le collège apparaît comme le parent pauvre" de ces dispositifs qui, "dans les années récentes" (avant 2012-2013), "ont surtout concerné le primaire et le lycée". En effet, "hormis les PPRE et l'accompagnement éducatif, qui ne concernent pas tous les élèves, le seul dispositif officiellement prévu au collège est l'accompagnement personnalisé en 6ème". Et, ajoute le rapport, "il est difficile de comprendre pourquoi cet enseignement est limité à la classe de 6ème".

Autre constat, "la place marginale" qu'occupent ces dispositifs. Les inspections générales "sont démunies à (en) évaluer les effets". Les réformes "sont applicables immédiatement à l'ensemble des élèves sur le territoire national, sans possibilité d'expérimentation préalable sur un groupe restreint", ce qui interdit toute comparaison entre les bénéficiaires et les non-bénéficaires de la mesure. Il est de plus impossible "d'isoler les effets d'un dispositifs par rapport à un autre". Encore faudrait-il que l'administration s'en soucie : "dans 87 % des collèges ayant participé à l'enquête, aucun enseignant intervenant dans l'accompagnement personnalisé n'a été inspecté pendant ces séances."

Une évolution du métier et du temps pour les enseignants

Le rapport demande "une triple évolution du métier enseignant", qui touche à "la tradition disciplinaire" (dans le second degré), au travail en équipe et aux pratiques d'inspection. Il demande aussi qu'on renonce "à une logique strictement hebdomadaire" et il aurait voulu que le suivi individualisé des élèves soit inclus dans les obligations de service des enseignants. Leur redéfinition n'a "pas changé grand chose", estime d'ailleurs une magistrate. Symboliquement, c'était nécessaire, mais "on ne va pas jusqu'au bout", toutes les conclusions "n'ont pas été tirées". Dans le premier degré, les volumes horaires prévus pour les activités autres que "les strictes heures de cours" ne suffisent pas "à couvrir les besoins". Dans le second degré, le décret de 2014 liste les missions inhérentes au métier d'enseignant, dont "l'aide et le suivi du travail personnel des élèves", mais la seule obligation chiffrée demeure d'assurer un certain nombre d'heures de cours.

La Cour pose aussi le problème de la formation des enseignants, initiale, mais surtout continue, et elle évoque surtout "leur absence de vision globale" des besoins des élèves, ce qui "nécessiterait un échange entre les divers enseignants". Mais au total, la Cour adresse surtout un reproche à l'Education nationale, celui d'hésiter entre plusieurs modèles, les aides aux élèves en difficulté, les aides aux élèves volontaires, et les aides à tous les élèves. Dans sa réponse, la ministre rappelle qu'elle précisera prochainement comment elle compte faire évoluer le collège et renforcer la continuité "école-collège".

Le rapport est téléchargeable sur le site de la Cour, ici

 

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