Scolaire » Revue de la presse et des sites

Algérie : le combat solitaire de la ministre de l'Education

Paru dans Scolaire le dimanche 01 mars 2015.

Difficile combat que celui de Nouria Benghebrit, la ministre de l'Education algérienne, qui tente de réformer un secteur en déliquescence, paralysé par les grèves et un enseignement de qualité médiocre. ToutEduc propose une synthèse de la situation avant la réunion, demain lundi 2 mars, d'une réunion qui pourrait être décisive. Arrivée au gouvernement en mai 2014, cette spécialiste en sociologie de l'éducation fait face à des mouvements de grève répétés depuis fin janvier, alors qu'elle cherche un terrain d'entente avec les syndicats pour une réforme des statuts des travailleurs de l'éducation.

"Nous ne pouvons pas ouvrir le dossier du statut particulier des enseignants en l'absence de stabilité et de sérénité dans le secteur", a déclaré Nouria Benghebrit (ici), après l'échec de la "réunion de la dernière chance" avec les syndicats le 18 février. Les deux parties sont pourtant d'accord : il faut modifier les statuts révisés en 2012, qui présentent de nombreux écueils, les syndicats plaidant notamment pour une augmentation des salaires. Mais la ministre entend ouvrir les négociations après la signature d'une charte d'éthique, afin d'éviter des grèves à répétition, ce que refusent les syndicats pour qui la grève est la seule arme dont ils disposent afin de peser dans le dialogue avec le gouvernement.

Ce n'est pas le premier obstacle que rencontre Mme Benghebrit. Dès sa prise de fonction, la ministre a dû faire face à de violentes critiques, notamment sur ses prétendues origines juives. Des attaques qui ne l'ont pas empêchée d'afficher d'ambitieux objectifs, avec pour tryptique de base "la refonte pédagogique, la professionalisation de l’ensemble des acteurs de l’éducation nationale et la bonne gouvernance". Elle espère ainsi généraliser le préscolaire d'ici 2018, atteindre 70% de réussite au bac en 2015 (contre 45,01% seulement en 2014) et ramener les effectifs à 25 élèves par classe en 2025. 

Sur le plan pédagogique, elle a notamment annoncé que 70 000 enseignants, tous cycles confondus, bénéficieraient d'une formation à partir de juin prochain. Outre le développement d'activités périscolaires culturelles et sportives, elle a poussé à la suppression de la deuxième session de l'examen de fin de cycle primaire, toujours en vigueur en Algérie, ou encore l'ouverture de classes spéciales pour les recalés au baccalauréat. La ministre prône également la généralisation de l'enseignement du tamazight, la langue des Berbères (ici).

Un secteur dévasté, malgré des investissements financiers

Un volontarisme qui risque pourtant de ne pas suffire. Début février, un rapport de l'ONU a sévèrement épinglé l'Algérie pour la mauvaise qualité de son enseignement. Le gouvernement algérien "doit de toute urgence répondre à l'impératif de la qualité de l'éducation, en réhaussant le niveau des acquisitions scolaires et la pertinence de l'enseignement", a déclaré Kishore Singh, rapporteur spécial des Nations-Unies sur le droit à l'éducation. "Le gouvernement doit apporter des solutions aux problèmes du redoublement, de l'abandon scolaire et de la surcharge dans les écoles", selon lui.

Pourtant, dans le pays, le taux de scolarisation s'élève à 97% et l'Education nationale est le deuxième poste de dépense après la Défense, avec 10 milliards d'euros qui devraient être investis cette année. Mais les enseignants se recrutent souvent chez de jeunes chômeurs, qui sont là faute de mieux : le métier, sous-payé, a perdu le prestige dont il jouissait jusque dans les années 80, avec des salaires corrects et les avantages liés à la fonction, comme le logement. Pour arrondir leurs fins de mois, beaucoup donnent des cours particuliers, développant un véritable système parallèle : l'école ne prodigant plus les enseignements fondamentaux, seule une partie des élèves, qui peut se payer des leçons privées, acquiert les connaissances suffisantes pour obtenir le baccalauréat. Enfin, les grèves récurrentes paralysent le secteur : dans un édito publié par le journal el Watan le 9 décembre (ici), Tayeb Belghiche explique ainsi que les élèves algériens ont 25 semaines de cours par an contre 36 pour les pays les plus pauvres et 40 pour les plus riches. "Jusqu'à ce jour, les élèves arrivent en terminale avec un niveau catastrophique", note-t-il. "La preuve : il n'y a plus d'étudiants algériens dans les grandes écoles françaises, alors qu'ils sont des centaines répartis entre Tunisiens et Marocains".

Ce lundi, une commission mixte devrait réexaminer les statuts des enseignants. Beaucoup espèrent que le bras de fer entre la ministre et les syndicats finira par se résoudre, certains éditorialistes en appelant même aux parents pour jouer les arbitres dans ce dossier, exigeant notamment l'arrêt des grèves. Mais la déliquescence du secteur est telle que sa réforme prendra sûrement des années. 

« Retour


Vous ne connaissez pas ToutEduc ?

Utilisez notre abonnement découverte gratuit et accédez durant 1 mois à toute l'information des professionnels de l'éducation.

Abonnement d'Essai Gratuit →


* Cette offre est sans engagement pour la suite.

S'abonner à ToutEduc

Abonnez-vous pour accéder à l'intégralité des articles et recevoir : La Lettre ToutEduc

Nos formules d'abonnement →