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L'école fabrique du "séparatisme ethnique et social" (rapport CNESCO)

Paru dans Scolaire le jeudi 22 janvier 2015.

"Notre système scolaire produit du séparatisme ethnique et plus globalement social", constate un rapport du CNESCO (conseil national d'évaluation du système scolaire) daté du 22 janvier, deuxième volet d'une réflexion menée "dans l'urgence" après les attentats qui ont endeuillé la France en ce début d'année. Ces ségrégations se reflètent dans les résultats scolaires des élèves issus de l'immigration mais aussi dans leur ressenti vis-à-vis de l'école, constate le document, qui propose de s'inspirer des politiques de quotas et de mixité sociale développés à l'étranger pour éradiquer les "ghettos scolaires".

Premier constat de ce rapport intitulé "Ecole, immigration et mixités sociale et ethnique" : "les performances des élèves issus de l'immigration se sont dégradées durant la dernière décennie". L'écart avec les élèves français s'est creusé, atteignant un niveau bien supérieur à la moyenne de l'OCDE. "Dans l’absolu, ces contreperformances sont importantes", s'alarme le document : "en France, près de 43% des élèves issus de l’immigration n’atteignent pas le niveau 2 en mathématiques dans PISA 2012, révélant qu’à 15 ans, près de la moitié de ces élèves présentent des difficultés scolaires sévères qui vont obérer leur poursuite d’études." Ces inégalités sont particulièrement marquées au collège et chez les garçons, les filles réussissant globalement mieux que leurs camarades masculins, sauf dans les classes préparatoires et les grandes écoles.

Ces ségrégations s'accompagnent également d'un sentiment d'injustice "plus marqué chez les enfants issus de l'immigration, notamment en matière d'orientation". Ce ressenti est vécu comme lié à des critères d'ordre "ethno-racial",  telles que la couleur de peau ou la nationalité.

"Ghettos scolaires"

Ces inégalités ont des conséquences sociétales larges, explique le rapport selon lequel "plus les écoles sont ségréguées socialement et ethniquement, plus les problèmes de santé des jeunes, leur consommation de stupéfiants, les incivilités, les maternités précoces, l’intolérance vis-à-vis de l’étranger ou plus généralement de l’altérité, la difficulté à dialoguer et à travailler avec des jeunes de milieux sociaux et culturels différents... progressent."

La ségrégation est d'autant plus grave qu'elle s'auto-alimente : "le contexte scolaire très fortement ségrégué socialement et ethniquement de certains établissements sert de terrain propice à des dynamiques de groupes néfastes aux apprentissages", explique le document du CNESCO. L'universitaire Georges Felouzis, parle en 2005 de "ghettos scolaires" dans son ouvrage "L'apartheid scolaire". En cause : la ségrégation résidentielle qui confine certaines populations ethniques au sein d'établissements précis mais aussi l'évitement de la carte scolaire par les familles, même populaires, qui renforce le caractère ségrégationniste de certaines écoles où se concentrent les populations les plus défavorisées, généralement issues de l'immigration.

Politiques volontaristes, acteurs mieux coordonnés

Face à ce constat, le rapport préconise "des politiques nationales volontaristes pour fabriquer la mixité sociale et ethnique" contre des "école ghettos" qui créent "des bombes à retardement scolaire, social et politique". Et de citer les exemples du Royaume-Uni qui a mis en place des quotas sociaux et scolaires dans les écoles ou des Etats-Unis qui ont instauré des modes de régulation plus subtils des affectations des élèves dans les établissements scolaires.

"Ces politiques complexes concernent des décideurs multiples - le ministère de l'Éducation nationale et les collectivités territoriales notamment", met en garde le rapport qui fustige par ailleurs le manque de coordination entre le ministère et ses nombreux partenaires, notamment sur les problématiques touchant à la politique de la Ville. "La mixité sociale et scolaire demeure de façade si les enseignants ne sont pas par exemple formés à gérer dans leur classe l’hétérogénéité scolaire de leurs élèves", si les parents ne sont pas "rassurés sur les effets bénéfiques de la mixité sociale", conclut-il.

Le CNESCO précise avoir lancé quatre initiatives pour réfléchir sur les "politiques scolaires nationales et territoriales actuelles et à venir" : des forums en région, construits avec la Ligue de l’enseignement, Canopé, France Culture et une série de collectivités territoriales autour de la mixité sociale, scolaire et ethnique, un rapport sur les "Inégalités sociales et d'origine migratoire à l'école" à paraître cet été, une conférence de comparaisons internationales sur les politiques de mixité sociale en juin 2015 et une synthèse pluridisciplinaire sur les dispositifs d'apprentissage de la citoyenneté.

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