Enseignement laïque de la morale : "ne pas s'en tenir aux bons sentiments" (G. Coq)
Paru dans Scolaire le samedi 17 janvier 2015.
L'enseignement laïque de la morale suppose qu'on ne s'en tienne pas aux "bons sentiments" et les enseignants doivent accepter d'entendre "des choses affreuses". Il faut laisser les partisans de Dieudonné s'exprimer et les pousser dans leurs retranchements, estime Guy Coq, philosophe, administrateur de Confrontations, une association d'intellectuels chrétiens. Eric Favey (Ligue de l'enseignement) et lui ont coordonné la publication d'actes augmentés d'un colloque organisé lors du salon de l'éducation de 2011 "pour un enseignement laïque de la morale". Ils ignoraient évidemment à quel point ils seraient dans l'actualité avec cette publication - l'achevé d'imprimer est de décembre -, mais Eric Favey souligne lors de sa présentation à la presse que les évènements de la semaine dernière ne doivent pas occulter ce qui se passe depuis des années au Moyen-orient et en Afrique. Il ajoute : "nous croyions avoir ensommeillé les germes de la guerre."
Et pour lui, c'est l'ensemble de nos institutions qui est interrogé. Il évoque le fossé entre ce qui est écrit au fronton de nos écoles et la réalité scolaire, ainsi que la difficulté d'articuler liberté et égalité. Il prédit d'ailleurs que "ça va tanguer un peu". Mais tous deux, qui travaillent ensemble depuis plusieurs années déjà, rappellent qu'avant Régis Debray, Philippe Joutard demandait, en même temps qu'une parole sur la laïcité qui a fait défaut, un enseignement du fait religieux. Ils soulignent que les programmes le prévoient et que "les manuels s'y sont mis", mais ils évoquent aussi "la difficulté de mobiliser l'institution" alors qu' "on n'en parle même pas dans les ESPE". Eric Favey dénonce une fois de plus "le scandale" que constitue l'absence d'enseignement de la philosophie dans l'enseignement professionnel, et Guy Coq estime que "le modèle philosophique" pourrait être utilisé "dans tout le système scolaire". Il ne s'agit évidemment pas d'un enseignement abstrait, comme en terminale, même si certains textes de Rousseau sont parfaitement accessibles à des élèves de cours moyen.
Une morale universelle
Dans leur introduction à ce volume, les deux intellectuels reviennent sur les instructions officielles de 2011 sur l'enseignement moral : "il s'agit de transmettre les principes existentiels de la morale universelle, fondée sur les idées d'humanité et de raison, dont le respect peut être exigé de chacun et bénéfique à tous." Mais la relance de l'instruction morale voulue par Luc Chatel "a trouvé peu d'écho chez les enseignants". Le rapport de l'inspection générale de 2013 qui faisait ce constat mettait d'ailleurs en garde contre "tout enseignement magistral" et insistait sur "la discussion, l'échange, la confrontation des points de vue, la coopération et la participation dans des projets communs".
Les deux auteurs ajoutent : "On peut craindre qu'une volonté d'aller vite se heurte à l'impréparation du milieu enseignant, mais aussi des parents d'élèves, de la structure Education nationale (...) On n'improvise pas l'évolution de la culture scolaire (...) L'ampleur de la tâche proposée est telle que, dans ce domaine, des initiatives précipitées pourraient compromettre le résultat recherché. C'est un vaste débat citoyen qui serait susceptible de faire apparaître un consensus le plus large. Et celui-ci est indispensable à l'instauration d'une culture éthique à l'école."
Le volume comprend des contributions de Pierre Ognier, de Jean Baubérot, de Marcel Gauchet, de Guy Coq, de Jean-Paul Delahaye, de Nicole Mosconi, de Marie-Noëlle Mercier, de Nicolas Renard, de Bernard Quelquejeu. Les annexes donnent les instructions et le programme de 1882 et celles de 1923, une interview de Vincent Peillon au JDD, les préconisations du rapport Bergounioux - Loeffel - Schwartz, la contribution de la Ligue de l'enseignement à cette mission, les thèses sur l'éthique de Confrontations, et les propositions du CSP (Conseil supérieur des programmes)
"Pour un enseignement laïque de la morale", Privat, 223 p., 12 €